BALADE À LONDRES # 35

… où il est question d’un fantôme et d’une mariée, d’un Américain et d’un Ecossais, d’une nef et d’un pied manquants.

Si vous passez par Smithfield et que vous avez un moment à perdre, arrêtez-vous à St Bartholomew-the-Great.

C’est l’une des dernières églises normandes de la Cité de Londres, remontant aux premières décennies du XIIe siècle.
A la cour d’Henri Ier, fils de Guillaume le Conquérant, vit un proche de la famille royale, qui se nomme Rahere. Ebranlé par les morts successives de la reine Mathilde en 1118, puis, lors de la tragédie du naufrage de la Blanche-Nef en 1120, du prince héritier Guillaume et de sa suite (y compris son frère, sa sœur et son demi-frère), Rahere décide de renoncer à la vie dissolue de courtisan et de partir en pèlerinage à Rome. Alors qu’il réside dans la Ville éternelle, il tombe gravement malade et fait le vœu d’édifier un hôpital pour les pauvres londoniens s’il recouvre la santé. Une fois rétabli, il se met en chemin pour son Angleterre natale, afin de réaliser sa promesse. En chemin, il a la vision de l’apôtre Barthélemy, qui lui annonce qu’il a choisi un lieu pour son hôpital, aux portes de Londres, et lui demande d’y élever une église en son honneur.
En 1123 donc, Rahere fonde à Smithfield, le lieu choisi par le saint, un hôpital pour les pauvres ainsi qu’une église. Les deux portent le nom de saint Barthélemy (St Bartholomew). La nouvelle église est un prieuré et accueille une petite communauté de chanoines de l’ordre de Saint-Augustin. Le premier prieur de St Bartholomew n’est autre que Rahere, qui est aussi le « patron » de l’hôpital (Master of St Bartholomew Hospital). Il meurt en 1143 et est inhumé dans son église, peut-être après avoir été soigné à l’hôpital. Après lui, trente prieurs vont se succéder à la tête de la communauté augustinienne de St Bartholomew.
Sous le règne d’Henri VIII, les communautés monastiques sont dissoutes, à la fois pour anéantir des foyers de résistance à la politique religieuse du nouveau chef suprême de l’Eglise d’Angleterre et… pour renflouer les caisses de l’Etat, ou plutôt du roi. Si l’hôpital est dissout, il est immédiatement refondé par Henri VIII, parce qu’il est essentiel pour le soin des indigents de la Cité de Londres. En revanche, l’église de Rahere est moins bien traitée. Le dernier prieur est chassé en 1539, les bâtiments sont profanés, la nef est rasée en 1543. Seuls le chœur et le sanctuaire sont conservés, ainsi que les anciens bâtiments des frères augustiniens. Ce qu’il reste de St Bartholomew est transformé en église paroissiale. Sous le règne de Marie Tudor (Bloody Mary), le prieuré est restauré et confié à des dominicains en 1556. Mais le retour au catholicisme est bien court et, dès l’avènement d’Elisabeth Ière, St Bartholomew redevient une église paroissiale (1559). On prend l’habitude de la nommer St Bartholomew-the-Great (ou Great St Barth’s), pour la distinguer de l’ancienne chapelle de l’hôpital, elle-aussi transformée en église paroissiale (la paroisse des résidents de l’hôpital), et connue sous le nom de St Bartholomew-the-Less.