TRÉSOR DE BIBLIOTHÈQUES # 09

Figure 1 : L’analyze des échecs, Philidor, édition originale FM MAN 1500,
© Bibliothèque municipale de Belfort.

Note : 5 sur 5.

Texte : Clémence Tariol, Responsable du pôle Patrimoine, Presse et Numérique, Bibliothèque municipale de Belfort

Lors d’un voyage à Londres en 1747, il joue contre Philippe Stamma (v. 1705-1755), réputé comme étant l’un des meilleurs joueurs d’Europe. La victoire d’André Danican Philidor le consacre comme un joueur d’exception. À la suite de cet évènement, il publie ses réflexions sur le jeu dans un traité s’intitulant L’analyze des echecs édité à Londres en 1749. Le livre est publié grâce à la participation de 127 souscripteurs, il est tiré à peu d’exemplaires, moins de 400. Il connaît néanmoins un succès retentissant. Le choix d’éditer le livre à Londres pourrait s’expliquer par la forte dominance de souscripteurs anglais.

Les exemplaires de l’édition originale se distinguent par certaines caractéristiques. Ils s’ouvrent sur une dédicace au duc de Cumberland, 3e fils de Georges II. L’édition princeps se distingue notamment par un errata collé à la fin de l’ouvrage. Celui-ci corrige une erreur à la page 118. D’autres particularités sont présentes dans le texte. La page de titre contient une faute grammaticale dans la citation latine de Vida. On peut lire effectivement : « Ludimus Effigie Belli. » au lieu de « Ludimus Effigiem Belli ». Effigie est alors à l’ablatif singulier au lieu de l’accusatif. Nous pouvons traduire littéralement le vers ainsi : « Nous jouons à l’image de la guerre ».

Dans les deux éditions pirates, FM MAN 1501 et FM MAN 1499, les pages sont recomposées, elles sont donc toutes différentes de l’originale. Puisqu’il s’agit de copie l’imprimeur qui a souhaité republier le document a dû recomposer la forme, c’est-à-dire la disposition des caractères typographiques et des ornementations. Ne disposant pas du même matériel, les caractères sont agencés différemment sur les pages. L’exemplaire FM MAN 1501 est une réédition de l’édition pirate avec de nombreuses erreurs typographiques par exemple au niveau des accents. D’autre part on remarque que les lettres sont différentes, un autre jeu de caractère typographiques a été utilisé (voir figure 2). Ces deux éditions pirates, publiées la même année que l’original, soulignent l’engouement pour le livre.

Figure 2 : À gauche, L’analyze des échecs, Philidor, édition originale FM MAN 1500, © Bibliothèque municipale de Belfort ; à droite, L’analyze des échecs, Philidor, édition pirate FM MAN 1501, © Bibliothèque municipale de Belfort.

La collection Mennerat

Ces trois exemplaires que nous venons d’évoquer proviennent d’une seule et même collection, le fonds Mennerat, légué à la ville de Belfort en 2008. Jean Mennerat, médecin passionné par les échecs, a rassemblé tout au long de son existence près de 20 000 ouvrages et 6 000 exemplaires de revues. Il a accompli un travail de collecte et de catalogage important, rédigeant des notes listant les différences entre les mêmes exemplaires d’un même ouvrage – c’est le cas pour L’analyze des échecs (voir figure 3).

La collection est l’une des quatre plus importantes au monde sur les échecs. Aussi, afin d’éviter que cet ensemble ne soit dispersé, Jean Mennerat a préféré le confier à une bibliothèque publique. Grâce à l’entremise de Jean-Paul Touzé, président de Belfort-Echecs, la bibliothèque municipale de Belfort s’est vu confier la garde de ce trésor qui, selon la volonté du donateur, est accessible sur demande et consultable sur place (sur rendez-vous).

Figure 3 : Lettres manuscrites identifiant les éditions du traité de Philidor
© Bibliothèque municipale de Belfort.