TRÉSOR DE BIBLIOTHÈQUES # 16

La Mappa mundi d’Albi
Recueil
VIIIe siècle
© Albi, Médiathèque Pierre-Amalric, RES MS 29 (115)

Note : 5 sur 5.

Texte : Agnès Barbaro, directrice des médiathèques du Grand Albigeois.

Datant du VIIIe siècle, La Mappa mundi d’Albi est l’une des premières tentatives conservées de représentation, ni symbolique, ni imaginaire, du monde dans sa globalité. Elle a fait partie des collections du chapitre cathédral d’Albi, et, en tant que telle, a pris place dans les collections de la Bibliothèque municipale d’Albi, créée en 1803 à l’issue des confiscations révolutionnaires sur les biens du clergé. Elle est conservée aujourd’hui à la Réserve de la médiathèque Pierre-Amalric d’Albi, au sein du réseau des médiathèques de l’Albigeois. C’est un document d’une importance exceptionnelle pour l’histoire mondiale de la cartographie, et, plus largement, pour l’histoire de la représentation de l’espace, et donc de l’humanité.  Son importance a été révélée dès les débuts de l’histoire de la cartographie, dans les premiers travaux de recensement des mappemondes, au milieu du XIXe siècle. Elle constitue par ailleurs une unité organique et une cohérence profonde avec la Cité épiscopale d’Albi, inscrite au patrimoine mondial en 2010. Son inscription au Registre « Mémoire du monde » de l’UNESCO a été obtenue en octobre 2015.

Description de la Mappa mundi d’Albi

La Mappa mundi est conservée au sein d’un manuscrit comprenant 77 feuillets, qui constitue un recueil de 22 pièces de textes différents, intitulé au XVIIIe siècle « Miscellanea » (recueil).

Feuillet de sommaire du manuscrit de la Mappa mundi, ajouté ultérieurement
Recueil
VIIIe siècle
© Albi, Médiathèque Pierre-Amalric, RES MS 29 (115)

La carte est immédiatement suivie d’un Index des vents et des mers mentionnant 12 noms de vents et 35 noms de mers.

Index des mers et des vents, situé en regard de la carte.
Recueil
VIIIe siècle
© Albi, Médiathèque Pierre-Amalric, RES MS 29 (115)

Le manuscrit a été réalisé sur parchemin en peau de mouton relativement épaisse, avec une taille souvent irrégulière des feuillets. Ces éléments sont tout à fait caractéristiques de cette époque, quand le parchemin était rare et cher, et quand les copistes utilisaient donc tout feuillet de ce matériau, quelle qu’en fût la qualité.

Page du manuscrit présentant un trou dans le parchemin. Ce trou, probablement du à une cicatrice de l’animal, est antérieur à la copie. Le texte est bien complet.
Recueil
VIIIe siècle
© Albi, Médiathèque Pierre-Amalric, RES MS 29 (115)

La forme visuelle présentée par le manuscrit est typique du VIIIe siècle : d’une grande sobriété, sans enluminure, il propose des titres ou des passages écrits en lettres de module supérieur au reste du texte, parfois en rouge, parfois avec des lettrines décorées.

L’une des quelques capitales ornées du manuscrit.
Recueil
VIIIe siècle
© Albi, Médiathèque Pierre-Amalric, RES MS 29 (115)

La Terre habitée est représentée de forme oblongue, sorte de fer à cheval ou de fronde, dont la partie ouverte figure le détroit de Gibraltar. Elle est orientée, c’est-à-dire qu’en haut de la page est situé l’Est. Elle représente 25 pays sur trois sphères géographiques avec 50 noms (pays, villes, fleuves, montagnes).

La Mappa mundi d’Albi
Recueil
VIIIe siècle
© Albi, Médiathèque Pierre-Amalric, RES MS 29 (115)

La partie centrale est occupée par la mer Méditerranée très développée vers l’Est, où l’on reconnaît de haut en bas les cinq grandes îles avec une inversion entre la Corse et la Sardaigne.
L’Orient, situé en haut de la page, est occupé par les régions asiatiques, depuis l’Inde jusqu’à la mer Méditerranée.
Au Nord, apparaît l’Europe, de la Gotia à la Britania, d’une part, et de la Grèce à l’Italie et à l’Espagne d’autre part.
Au sud de l’Europe, les trois péninsules des Balkans, de l’Italie et de l’Espagne se distinguent, faisant apparaître les mers. Les pays d’Europe cités sont : Ispania, Britania, Gallia, Italia, Gotia, Tracia, Macedonia, Agaia (Achaie).
À droite de la carte, l’Afrique (Afriga) est représentée, de forme quasiment rectangulaire, avec la  Mauritanie (Mauritania), la Numidie (Nomedia), Carthage (Cartago), la Libye (Libiae), l’Éthiopie (Etiopia), l’Égypte (Egyptus) avec Alexandrie (Alexandria). L’océan peint en vert entoure la terre, l’œcumène, comme on le pensait à l’époque.

Éléments de datation et d’origine géographique

Les experts datent le document de la seconde moitié du VIIIe siècle sur la base de deux séries d’éléments : l’écriture et les textes. L’écriture est une « onciale tardive » utilisée jusqu’au VIIIe siècle. La présence et la mention de la ville de Ravenne, représentée à égalité de taille avec Rome, est un élément fort de la datation : Ravenne a eu une importance capitale au VIIIe siècle, puisqu’en 756 Pépin le Bref, roi des Francs, la donne au pape.

Les usages de la Mappa mundi d’Albi

Il semble que le manuscrit de la Mappa mundi, collection d’extraits, devait servir de livre de références pour un religieux qui enseignait. La confection de ce manuscrit est donc en rapport direct avec l’enseignement. C’est un exemple de manuel contenant des textes géographiques variés, depuis la description du monde habité, le chapitre de la géographie attribuée au Pseudo-Aethicus (n°12), jusqu’à la liste des vents et des mers (n° 11) et des provinces de l’Empire romain (n°13).