Le Cartulaire du Mont Saint-Michel
Bibliothèque patrimoniale
Avranches, France
www.scriptorial.fr
🇫🇷
Fol. 4v : L’apparition de saint Michel à l’évêque Aubert © Ville d’Avranches
Texte : Julie Calloch, chargée des collections, bibliothèque patrimoniale d’Avranches.
Le Cartulaire du Mont Saint-Michel (Ms. 210) a été réalisé au milieu du XIIe siècle. Il s’agit d’un recueil regroupant les principales chartes de l’abbaye du Mont Saint-Michel. La disparition des titres de propriété originaux, mais aussi la richesse des illustrations, font de ce manuscrit un ouvrage essentiel. Réalisé sous l’égide de l’abbé Robert de Torigni (1110-1186) ou antérieurement d’après certains chercheurs, les textes sont accompagnés de trois enluminures pleine page, une n’occupant que les trois quarts de la page et une douzaine d’initiales ornées.
Le début du manuscrit est marqué par l’enluminure de la Revelatio ecclesiae sancti Michaelis archangeli in monte qui dicitur Tumba (fol. 4v). Dessiné à l’encre, il s’agit du songe de l’évêque Aubert d’Avranches. L’archange Michel vient réveiller l’évêque endormi dans son palais épiscopal en touchant de son doigt la tempe d’Aubert et lui somme de fonder l’abbaye. Les deux protagonistes sont au centre de la composition et entourés d’un décor architectural. En partie inférieure, les murs de la ville d’Avranches se dessinent et laissent apercevoir par ses fenêtres des musiciens. Une quinzaine de personnages habitent les lieux et donnent vie à la scène. On aperçoit des figures secondaires disséminées dans la composition. Comme en bas à droite, un chasseur coursant un lièvre avec une paire de ciseaux qui, pour Ursula Nilgen, est une figuration des constellations d’Orion et du Lièvre[1]. L’ensemble du dessin est rehaussé à la feuille d’or, affirmant le ton remarquable de cette enluminure. Il faut comprendre ici qu’il s’agit d’une représentation légendaire de la fondation de l’abbaye du Mont Saint-Michel. À travers ses actes de propriété et ses enluminures illustrant la fondation de son abbaye, le Cartulaire manifeste l’indépendance du monastère face au pouvoir ducal de l’époque.
Fol. 23v : Donation de la duchesse Gonnor © Ville d’Avranches
Les enluminures pleines pages viennent illustrer certaines chartes dont les donations sont les plus importantes. Au fol. 23v, la duchesse Gonnor, veuve du duc Richard Ier (942-996), fait don de domaines à l’abbaye. Les représentations féminines dans les manuscrits du Mont sont assez rares. Ici, elle trône en majesté et juste au-dessus d’elle on peut lire la fin de la transcription de la charte avec, notamment au centre, le monogramme de Richard Ier.
Fol. 20r : Lettre ornée et habitée de « I » n nomine. © Ville d’Avranches
Tout au long du manuscrit, nous retrouvons des lettres ornées, aussi dites habitées. D’inspirations nordiques et irlandaises, ces premières lettres de texte sont décorées d’entrelacs. Et très souvent, elles sont accompagnées d’animaux et de créatures hybrides. Comme ici avec le « I » de In nomine (fol. 20r), habitée de dragons crachant du feu et d’êtres ailés.
La période sous Robert de Torigni signe l’âge d’or du scriptorium montois. 140 manuscrits sont copiés ou rassemblés, ce qui fait la renommée de l’abbaye et lui vaut le surnom en Occident de « Cité des livres ». Ce volume fait partie des 200 manuscrits du Mont Saint-Michel conservés à la bibliothèque patrimoniale d’Avranches. Construite au milieu du XIXe siècle, cette bibliothèque conserve aujourd’hui près de 39 000 ouvrages. Issues principalement des confiscations révolutionnaires de 1792, les collections reflètent le contenu des bibliothèques des différentes abbayes du Sud-Manche. Restée intacte jusqu’à aujourd’hui, la bibliothèque patrimoniale illustre une bibliothèque typique du XIXe.
Bibliothèque patrimoniale d’Avranches © Ville d’Avranches
[1] Jacques Le Maho, « Les illustrations en pleine page du cartulaire du XIIe siècle (ms 210 d’Avranches), problèmes d’interprétation et sources textuelles », Tabularia [En ligne], Autour de la Bibliothèque virtuelle du Mont Saint-Michel, mis en ligne le 22 juillet 2021, consulté le 17 janvier 2024.
URL : http://journals.openedition.org/tabularia/5240
DOI : https://doi.org/10.4000/tabularia.5240
LES AMIS DU PATRIMOINE EUROPÉEN 