Le château d’Ussé
Rigny-Ussé, France
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🇫🇷

Le domaine d’Ussé © Château d’Ussé.
Textes : Béatrix de Blacas et l’équipe du château
À flanc de coteau, dominant la vallée de la Loire, le château d’Ussé apparait comme par enchantement. Le site existe depuis l’époque romaine, mais il faut attendre la fin de la guerre de Cent ans pour qu’Antoine de Bueil construise un nouveau château sur le site dont il a hérité de sa mère. La fortune de son épouse, Jeanne de France, fille de Charles VII et d’Agnès Sorel, dû aider, mais ne suffit pas, et il vend Ussé en 1485 à Jacques d’Espinay. La famille d’Espinay est d’origine bretonne. Jacques d’Espinay fut chambellan de Louis XI, puis son épouse, Jeanne de Courandon, fut dame d’honneur d’Anne de Bretagne. Il poursuit les travaux du château et fonde une collégiale, qui sera construite par son fils Charles. Bijou de la Renaissance, les décors italiens viennent se plaquer sur une structure gothique toute en finesse. Les travaux coûtent cher, les d’Espinay n’ont plus de charge à la cour et vendent Ussé en 1557 à Suzanne de Bourbon-Montpensier. Puis François Thévin, conseiller du roi au Parlement de Paris, achète Ussé en 1634. Il lance de grands chantiers de travaux, mais l’histoire se répétant, il doit vendre Ussé. En 1659, Ussé est acheté par Thomas Bernin de Valentinay, conseiller secrétaire du Roi. En 1691, il marie son petit-fils Louis avec Jeanne-Françoise de Vauban, la fille du maréchal de Vauban. Afin d’asseoir l’importance de leur famille, la terre d’Ussé est érigée en marquisat. Le maréchal de Vauban aide au dessin des terrasses du château et donne son nom à un petit pavillon accolé à l’ouest du château. Le Nôtre dessine les jardins et offre ses deux momies égyptiennes, qui viennent orner une immense niche aux abords du château.
En 1778, faute de descendance, le château est vendu au duc de Rohan-Montbazon qui le vendra à son tour, lors de sa faillite, aux Roger de Chalabre. Ussé traverse la Révolution sans trop de dégâts. En 1807, il est acheté par le duc de Duras qui rentre d’émigration. Petit-fils du maréchal et de la maréchale de Mouchy, morts sur l’échafaud, et de la duchesse de Duras, emprisonnée sous la Terreur, il avait épousé à Londres Claire de Kersaint, fille de l’ancien jacobin Guy de Kersaint, guillotiné pour avoir refusé de voter la mort du roi. Cette dernière, amie de Chateaubriand, tient un des salons les plus prisés à Paris. On lui doit quelques romans dont Ourika. Une de ses filles, Félicie, fut princesse de Talmont, puis comtesse Auguste de la Rochejaquelein. Amie de la duchesse de Berry, elle prit une part active à l’insurrection vendéenne de 1830. Sa nièce, la comtesse Xavier de Blacas, hérite du château.
Lors de la Seconde guerre mondiale, Ussé fait partie des châteaux réquisitionnés pour servir de dépôt aux trésors de plusieurs bibliothèques de France. Le comte Louis de Blacas travaille activement à leur préservation en établissant sur place un atelier de restauration. Depuis, le château n’a pas quitté la famille. Il appartient aujourd’hui à l’actuel duc de Blacas, qui l’habite toujours et l’a ouvert au public.

Le château d’Ussé depuis les jardins © Château d’Ussé.
La chambre du Roi

La chambre du Roi © Château d’Ussé.
Chambre dite aussi de Monseigneur, elle se trouve dans l’ancien corps de logis médiéval et remplace une chambre jaune aménagée à la fin du XVIIe siècle, dont la cheminée ornée d’un portrait de la princesse de Conti et le panneau de carreaux de miroir sous baguette sont toujours présents. Le « Monseigneur », qui occupa cette chambre, était l’évêque de Lisieux, ami de la demoiselle d’Ussé. Quand le duc de Rohan achète Ussé, il se devait, en temps que duc et pair de France, d’avoir une chambre pour le roi. Il la rebaptise donc « appartement du roi ».
Elle comporte toujours le mobilier et les tentures cités dans un inventaire de 1778, à savoir « un lit à la polonaise, quatorze fauteuils, quatre cabriolets, deux ottomanes, une tenture encadrée d’une baguette dorée de deux pouces le tout de lampas cramoisi et blanc à figures chinoises ». Ce mobilier porte l’estampille d’Antoine-Nicolas Delaporte. Entre les années 1880 et les années 1940, elle fut la chambre de la comtesse Bertrand de Blacas, qui fut la dernière à l’occuper. En 1974, le dernier empereur d’Éthiopie, Haïlé Sélassié, y fit la sieste après un déjeuner organisé pour lui à Ussé.

La chambre du Roi © Château d’Ussé.
Le cabinet italien

La cabinet italien dans le salon Vauban © Château d’Ussé.
Le cabinet en ébène incrusté de nacre, d’ivoire et de lapis-lazuli, à décor mythologique, a été rapporté d’Italie par la comtesse de la Rochejaquelein, née Félicie de Duras. Elle fut une grande amie de la sculptrice Félicie de Fauveau, qui la conseilla bien souvent dans ses achats italiens. Ce meuble, exceptionnel par sa taille, ne manque pas de rappeler les cabinets en ébène fabriqués en Île-de-France dans les années 1630.
Son intérieur est original. Il n’a pas la simplicité des façades à tiroirs, ni d’une façade à deux vantaux qui découvrent une niche profonde et ornée. Sa façade complètement architecturée, avec des colonnes, des frontons et des niches, fait penser à la scène du théâtre antique romain d’Orange. Vitruve préconisait que la scène d’un théâtre s’ouvre sur trois portes à deux battants. Celle du centre, plus importante, était réservée au rôle principal. À Ussé, nous retrouvons ces trois travées. Elles sont séparées par des doubles colonnes, comme à Orange. Celle du milieu, plus importante, comporte une niche, dans laquelle se plaçait une petite sculpture de bronze. Cette niche ne manque pas de rappeler la porte centrale, placée dans un retrait incurvé, dans le théâtre antique d’Aoste. Comme les portes qu’elles dissimulent, ces façades libèrent des espaces secrets ou des tiroirs. Nous comptons ici 49 tiroirs secrets.
L’intérieur des grandes portes du cabinet présente le même type de décor architecturé. Ces décors permettent d’attirer le regard sur deux petites plaques en ivoire gravé, surmontées chacune par une plaque d’ivoire cintrée, qui comporte aussi un décor. À droite est représenté Leda et le cygne. Cette copie de la gravure de Heinrich Aldegrever, réalisée en 1550, fut beaucoup diffusée. Elle appartient à la série des Travaux d’Hercule. En effet, dans un couffin, l’enfant Hercule lutte contre les deux serpents que Junon lui a envoyés pour le tuer. La nôtre est datée et signée « 1593 CW ». À gauche, il s’agit toujours d’une copie d’Aldegrever, mais d’un sujet plus rare, issu d’une série de trois gravures représentant l’histoire de Lucrèce. Nous pouvons y voir Tarquin prêt à tuer Lucrèce avec son couteau. Une grande violence sexuelle apparait dans cette représentation. Elle aussi est datée et signée « 1593 CW ». Au-dessus de ces deux gravures, se trouvent des plaques non datées et non signées, issues de l’histoire de Jonas et de la baleine. Le cabinet comporte d’autre petits tableaux gravés sur ivoire ou sur nacre. L’ensemble de l’iconographie fait penser à un thème moralisateur, sur la vertu et la confiance en Dieu.

La cabinet italien dans le salon Vauban © Château d’Ussé.

Leda et le cygne, avec Hercule dans son berceau © Château d’Ussé.

Tarquin et Lucrèce © Château d’Ussé.
La collégiale Sainte-Anne

La collégiale Sainte-Anne du château d’Ussé © Château d’Ussé.
La collégiale d’Ussé est l’œuvre de trois générations d’Espinay, qui furent seigneurs d’Ussé entre 1485 et 1557. Jacques d’Espinay en ordonne la construction dans son testament de 1520. Elle est dédié à sainte Anne et la Conception de la Vierge. Son fils Charles entreprend sa construction et la marque par les initiales « C » et « L » pour Charles et Lucrèce. Enfin, l’acte de fondation du chapitre, daté du 11 août 1538, est confirmé par René d’Espinay.
De structure tout à fait gothique, les pinacles sont cependant de style Renaissance. Le porche comporte un riche répertoire décoratif. Des médaillons, traités en ronde-bosse et représentant des Pères de l’Église, alternent avec des macles héraldiques qui rappellent les meubles des armes des Montauban, famille dont est issue la mère de Jacques d’Espinay. Les instruments de la Passion sont finement sculptés sur les piédroits et l’archivolte de la baie. Le linteau et l’arc en plein cintre du portail sont ornés d’une coquille.
Cette chapelle comporte un plan de nef unique de trois travées, à laquelle succède une travée de chœur plus profonde, que termine un chevet à cinq pans. Comme à l’extérieur, la construction est complètement gothique, mais s’orne à certains points importants de décors empruntés à la Renaissance italienne.
Les vitraux, aujourd’hui presque totalement en verre blanc, subirent les aléas du temps. Déjà en 1699, Gaignière décrit « A la vitre derrière le grand autel sont trois écussons (Espinay et Pons) et au bas était aussi dans la même vitre le même Charles d’Espinay et sa femme mais la femme n’y est, et il ne reste que la moitié dudit Charles qui était à genoux armée et une cotte d’arme de ses armes et derrière lui Saint Charlemagne. » Une récente campagne de restauration a permis de reconstituer la frise d’origine, qui se compose de boules rythmées par des « CL » entrelacés et des têtes de mort en bas de frise. Des fragments montrent aussi des éléments de la Passion, comme l’Échelle et la Sainte Lance. Comme à l’extérieur, le thème de la Passion du Christ a dû être utilisé pour les vitraux.
Les stalles sont datables des années 1530-40. Attribuées à Jean Goujon, il est vraisemblable qu’elles soient l’œuvre d’un grand artiste du Val de Loire dont le nom ne nous est pas parvenu. Si les miséricordes restent d’un style traditionnel, les médaillons à têtes de profil et la frise s’inspirent directement de la Renaissance italienne. Cette frise rappelle Charles d’Espinay et Lucrèce de Pons, puisque leurs armes y figurent. On peut ainsi lire l’écu : en 1&4 d’Espinay, d’argent au lion coupé de gueule et de sinople, armé, lampassé et couronné d’or ; aux 2&3 de Rohan Montauban, d’argent à neuf macles de gueules, au lambel à trois pendants de même et sur le tout la guivre de Milan, en souvenir de Bonne Visconti, mère de Béatrice de Montauban et arrière-grand-mère de Charles d’Espinay.
Cette chapelle, dotée d’un collège de six chanoines, fit longtemps office d’église paroissiale. Elle est toujours consacrée et sert de chapelle privée pour la famille Blacas, dont certains membres reposent dans la crypte.

Intérieur de la collégiale Sainte-Anne © Château d’Ussé.
