TRÉSORS D’ÉGLISES # 03

🇫🇷

La chapelle Notre-Dame de la Treille
© Cathédrale Notre-Dame de la Treille

Note : 5 sur 5.

Textes : Thomas Sanchez, responsable culture et communication de la cathédrale, responsable du Centre d’art sacré de Lille.
Adaptation : Thomas Ménard

Rêve fou, la cathédrale de Lille est née dans l’esprit de riches industriels lillois du XIXe siècle, afin d’y abriter l’antique statue miraculeuse de Notre-Dame de la Treille, bienveillante patronne de la ville depuis ses origines.

L’ancienne motte castrale, à l’endroit même où fut fondé Lille, est choisie pour construire l’église. Le 1er juillet 1854, lors des fêtes du sixième centenaire des premiers miracles, ont lieu la pose et la bénédiction de la première pierre par Mgr René-François Régnier, archevêque de Cambrai, d’un édifice qui n’a pas encore de plan. Un concours architectural est lancé avec pour mot d’ordre de construire une église monumentale dans le style gothique. C’est l’architecte lillois Charles Leroy, chef de fil du néogothique dans le Nord de la France, qui est retenu, deux architectes anglicans ayant été écartés. Son projet pharaonique prend pour modèle les cathédrales de Reims et de Chartres, et doit s’allonger au cœur même du Vieux-Lille, sur 123 mètres, ainsi que lancer vers les cieux deux clochers de plus de 115 mètres. Les travaux commencent en 1856. Les soubresauts de l’histoire font qu’ils ne seront réellement achevés qu’un siècle et demi plus tard.

La statue miraculeuse de Notre-Dame de la Treille y est transportée en septembre 1872, avant d’être couronnée en 1874. Le 7 octobre 1904, alors que l’église n’en est qu’à l’état embryonnaire, elle reçoit le titre de « basilique mineure ». Le 25 octobre 1913, avec la création du diocèse de Lille, l’édifice qui n’est toujours pas achevé reçoit le titre de « Cathédrale-basilique Notre-Dame de la Treille – Saint-Pierre ». En 2008, avec la réforme de la carte des diocèses de France, Lille deviendra archevêché et Notre-Dame de la Treille cathédrale métropolitaine. Le 2 mars 2009, l’édifice sera inscrit comme monument historique.

C’est le cardinal Achille Liénart, troisième évêque de Lille de 1928 à 1968, qui mène à bien la plus grande partie des travaux. Cependant, c’est un autre évêque qui contribue fortement à son achèvement, avec un projet de façade contemporaine. Il faudra en effet attendre les années 1990 et l’intervention de Monseigneur Vilnet, alors évêque de Lille, pour voir s’accomplir l’achèvement de l’édifice.

La cathédrale possédait une façade provisoire de briques posée en 1947. Terminer le projet initial de la cathédrale avec un massif occidental, comme on en faisait au XIIIe siècle, aurait été difficilement envisageable et les coûts auraient été plus élevés. Au début des années 1980, la ligne générale pour la nouvelle façade est définie : l’usage du verre et d’arcs ogivaux qui rappellent les vaisseaux intérieurs, la recherche de la lumière. Mais surtout, c’est l’emploi d’une façade dite “écran” qui va donner toute son originalité à l’édifice. Le projet d’une façade de style sobre et contemporain est retenu. Les travaux sont commencés en 1997. Comme Notre-Dame de la Treille a été influencée par le néo-gothique du XIXe siècle, elle s’ancre dans une nouvelle contemporanéité à l’aube du XXIe siècle.

En 1999, la façade de la cathédrale est achevée par la pose d’un voile de marbre transparent percé d’une rosace de 6,50 mètres de diamètre, représentant la résurrection du Christ, dessinée par l’artiste Ladislas Kijno, et d’un portail de l’artiste Georges Jeanclos. (1933-1997). Ce portail de verre et de bronze reprend le thème d’une treille de ceps sur laquelle s’accrochent des groupes de dormeurs naïfs et priants repliés sur eux-mêmes à demi-voilés. Les deux battants se rejoignent sur un pilier trumeau, arbre de vie ou colonne de larmes, portant une Vierge enfantine et invitante.

Il contraste avec les portails Nord et Sud, achevés dans les années 1930. Le portail Sud, dédié à saint Eubert, place en son centre, sur le pilier trumeau, le patron en second du diocèse de Lille, entouré d’autres saints évangélisateurs de la région : Eleuthère, Quentin, Piat, Chrysole, Martin et Eloi. Son tympan présente la vocation d’Eubert, les guérisons miraculeuses attribuées à ses saintes reliques, la découverte de son corps en 1230, ainsi que l’apothéose de ce saint dont l’existence n’est avérée que par la légende et la foi qu’elle suscite. Les trois arcs de la voussure hébergent 42 saints martyrs des dix premières persécutions. L’une des curiosités de la cathédrale se trouve à la gauche de la figure de Dieu le Père : saint Achille y est représenté sous les traits d’Achille Liénart.

Chantier de longue haleine, la “Treille”, comme on l’appelle, se place de ce point de vue dans la lignée de ses aînées. La construction, largement portée par l’éminente figure du cardinal Liénard, connaît des vicissitudes nécessitant des compromis et des renoncements. Dernière cathédrale du XXe siècle, fruit de techniques traditionnelles et de technologies d’avant garde, elle abrite une communauté vivante et priante. Église mère d’un jeune diocèse, sanctuaire et basilique, la cathédrale Notre-Dame de la Treille accueille les grands moments de la vie de l’Église du Nord et la prière du passant.

La façade occidentale, d’architecture contemporaine © Cathédrale Notre-Dame de la Treille

La nef et l’intérieur de la façade occidentale, avec le portail de Jeanclos et la rosace de Kijno
© Cathédrale Notre-Dame de la Treille

Portail Sud dédié à saint Eubert © Cathédrale Notre-Dame de la Treille

Décor de la chapelle Saint-Joseph © Cathédrale Notre-Dame de la Treille

Note : 5 sur 5.

La chapelle Notre-Dame de la Treille

La chapelle Notre-Dame de la Treille © Cathédrale Notre-Dame de la Treille

Cette chapelle, inspirée par la Sainte-Chapelle de Paris, se veut un écrin de lumière pour la statue de Notre-Dame de la Treille et le Très Saint-Sacrement. Élevée à partir de 1856, elle est achevée en 1897. Les onze grandes verrières et les colonnes détachées du mur à la tribune, sous des voûtes de 17 mètres, donnent à la chapelle de la Vierge une grande légèreté. Les mosaïques représentent douze femmes de l’Ancien Testament, alors que les verrières relatent la vie de la Vierge Marie et l’histoire de Notre-Dame de la Treille. L’allée centrale présente la cité bénie de Lille, cité religieuse et militaire, universitaire et industrieuse, qui reçoit la lumière de la Treille.
L’autel de bronze doré (1897) est quant à lui une représentation de l’Incarnation et de la Rédemption, donnant à découvrir le rôle de Marie dans ces mystères. L’autel, lieu du sacrifice, est surplombé par un calvaire. Au pied de la croix, Marie devient la mère adoptive de toute l’humanité, incarnée par Saint-Jean. Le sacrifice se complète par la Communion qui est don de la Vie. La porte du tabernacle montre Saint-Jean présentant à la Vierge la sainte hostie. Dans l’habitacle au dessus de l’autel, la statue de Notre-Dame de la Treille, réalisée par Marie Madeleine Weerts, est portée par trois saints pèlerins : saint Thomas Becket, saint Louis et saint Bernard. La mosaïque au sol du sanctuaire met aux pieds de la Vierge toute la Création : les quatre éléments, les astres et le règne animal.
La table de communion posée en 1901 porte six statues. Les trois premières sont des personnages de l’Ancien Testament annonçant la sainte Eucharistie : Melchisédech, Ruth et Élie. Les trois autres glorifient le Sacrifice : sainte Julienne, saint Thomas d’Aquin et sainte Marguerite-Marie.

La vénération de la petite statue miraculeuse de Notre-Dame de la Treille débute au Moyen Âge, avant d’être suivie pendant des siècles par de simples pèlerins comme par des rois de France et des grands saints.
À Lille, le culte de la Vierge Marie est fondamentalement lié à la construction de la Cité et à son instigateur Baudouin V de Flandre (vers 1012 – 1067), dit « de Lille ». Le 2 août 1066, celui-ci y fait construire le plus grand édifice religieux de Lille : la collégiale Saint-Pierre. Baudouin V porte une dévotion toute particulière à Marie dans sa chapelle privée au palais comtal, son père Baudouin IV ayant été miraculeusement guéri par l’intercession de la Vierge. Quelques temps après la fondation officielle de la ville, il décide d’offrir à la collégiale Saint-Pierre une statue de la Sainte Vierge en pierre calcaire.
Au XIIIe siècle, la dévotion du peuple lillois prend un nouvel essor. Les chanoines décident alors de protéger la statue miraculeuse par une grille en fer forgé, qui deviendra le support de nombreuses offrandes de pèlerins, et la Sainte Vierge prend alors le vocable de Notre-Dame de la Treille. Innombrables sont en effet les grâces de conversions, de guérisons et les miracles obtenus par les pèlerins venant de toute l’Europe en ce sanctuaire. En 1269, la comtesse Marguerite de Constantinople et de Flandre décide d’instaurer une procession annuelle. Quatre grands pèlerins médiévaux restent associés à Notre-Dame de la Treille et forment ainsi la « Sainte Escorte » de la Patronne de Lille. Il s’agit de saint Bernard de Clairvaux (1090-1153), saint Thomas Beckett de Cantorbéry (1120-1170), le roi saint Louis (1214-1270) en 1255 et le dominicain saint Vincent Ferrier (1350-1419).
Du XVIe au XVIIe siècle, de nouveaux épisodes miraculeux se produisent. En 1634, après une nouvelle série de miracles, le Mayeur de Lille, Jean Le Vasseur prend la décision de consacrer officiellement la cité à Notre Dame de la Treille. « Insula Civitas Virginis »« Lille cité de la Vierge ». Les autorités municipales déposent symboliquement les clés de la ville sur l’autel à l’offertoire de la messe de consécration, le 28 octobre 1634. C’est l’époque de l’apogée de la confrérie de Notre-Dame de la Treille, érigée par le pape Alexandre IV au milieu du XIIIe siècle ; les grandes familles de la région se font un honneur d’en faire partie. L’empereur Ferdinand II s’y fait même inscrire en 1635, avant de gagner une bataille décisive de la guerre de Trente Ans. En 1667, Louis XIV qui assiège victorieusement Lille, jure à la chapelle de Notre-Dame de la Treille de maintenir les privilèges et de respecter les coutumes de la ville.
Un siècle plus tard, la Révolution française précipite Notre-Dame de la Treille dans les ténèbres, au propre comme au figuré. En 1793, la collégiale Saint-Pierre est démolie avant de servir de carrière de pierre. Le chapelain Alain Gambier récupère la statue miraculeuse et la cache dans un égout. Le calme revenu, il la sort de l’obscurité et la confie à la paroisse Sainte-Catherine du Vieux-Lille. La statue de Notre-Dame de la Treille est oubliée dans un coin de l’église. Après un demi-millénaire de dévotion, dix années ont suffi pour effacer le souvenir de la Sainte Patronne.
Il faut attendre les années 1840 et le père Charles Bernard, curé de Sainte-Catherine, pour que soit restaurée la dévotion à Notre Dame de la Treille. À une époque où la ferveur mariale est en plein renouveau, le culte à la Sainte Patronne de Lille retrouve rapidement une grande importance. Avec la bénédiction du bienheureux pape Pie IX, on projette de construire une nouvelle église pour accueillir Notre-Dame de la Treille et ses pèlerins, en remplacement de l’auguste collégiale Saint-Pierre. Le député légitimiste Charles Kolb-Bernard, chef spirituel du catholicisme lillois, est le fer de lance du projet. Comme nous l’avons dit, la première pierre est posée en 1854.

La statue miraculeuse de Notre Dame de la Treille © Cathédrale Notre-Dame de la Treille

Note : 5 sur 5.

Les cryptes

Chapelle absidiale souterraine, crypte néogothique
© Cathédrale Notre-Dame de la Treille – Photo Brigitte Naeye

Couvrant l’ensemble de la superficie de la cathédrale, la crypte est l’une des plus vastes d’Europe (2500 m²). Elle est partagée en deux ensembles distincts, édifiés avec des techniques bien différentes : la crypte néogothique et la crypte moderne, qui abrite le Centre d’Art Sacré de Lille.

La crypte néogothique, construite en briques rouge et en pierre blanche, est un vaste espace voûté qui court sous les chapelles, le chœur et le transept. Au chevet, dans la chapelle absidiale souterraine, est installé un trésor du XVIIe siècle, la pierre tombale de Jean Le Vasseur, Mayeur de la Ville de Lille qui, en 1634, consacre la Ville à Notre-Dame de la Treille, en l’élevant au rang de Cité mariale. Sur le modèle de ce sépulcre, des dizaines de cénotaphes néogothiques couvrent les murs et font mémoire des principaux donateurs qui ont financé sa construction. Ces pierres blanches ou noires sont décorées de scènes du Chemin de la croix, de martyrs ou de scènes historiques. La crypte néogothique abrite également de vrais tombeaux. Ainsi, y reposent des évêques de Lille, mais aussi Mgr Henri Vandame (1858 – 1937), chapelain de la cathédrale, ainsi que Philibert Vrau et Camille Féron-Vrau, deux industriels lillois qui ont beaucoup œuvré à l’édification de la cathédrale et de l’Université Catholique de Lille.

La crypte moderne, quant à elle, a gardé le côté brut initial de l’architecture en béton des années 1930, créant ainsi un espace dépouillé, propice à l’accueil d’œuvres contemporaines. Inauguré le 7 décembre 2003, au lendemain du lancement officiel de « Lille 2004, Capitale européenne de la culture » et dans le cadre de la célébration des 90 ans du diocèse de Lille, le Centre d’art sacré contemporain expose les œuvres de la collection « La Passion de Dunkerque », aujourd’hui plus communément appelée « Collection de la Passion » : peintures, sculptures, photographies, dessins, vitrail, d’artistes des XXe et XXIe siècles, sur le thème de la Passion du Christ. Depuis 2016, le Centre d’Art Sacré de Lille poursuit sa mission en étant un lieu ouvert à la création, à la rencontre et au dialogue, en invitant d’autres représentations du sacré, ainsi qu’en proposant à des artistes contemporains locaux de tout bord de travailler sur l’iconographie chrétienne et d’exposer leur travail.

Le Centre d’Art Sacré de Lille, dans la crypte moderne © Cathédrale Notre-Dame de la Treille

Note : 5 sur 5.

Le retable de Notre-Dame du Rosaire

Le retable de Notre-Dame du Rosaire © Cathédrale Notre-Dame de la Treille

Au XIe siècle, les premiers retables apparaissent. Peu à peu, ils deviennent les éléments constitutifs du mobilier liturgique. Ce retable est plus tardif, composé de divers fragments espagnols datant des XVe et XVIe siècles. L’assemblage dans un style néogothique date quant à lui du XIXe siècle. Les panneaux sont assemblés et séparés par des pilastres décorés de figures de saints et des frises de quadrilobes. La restauration récente a permis de rendre à plusieurs panneaux leur aspect originel en supprimant les repeints. On peut ainsi découvrir des scènes de la vie du Christ et de sa Passion, donnant son nom à ce retable dit du rosaire. La prière du rosaire donne à celui qui la pratique la possibilité de méditer différents épisodes de la vie du Christ et de Marie. Sur le retable de la cathédrale, douze de ces mystères entourent une Vierge à l’Enfant portant un lys. Marie, témoin privilégié du ministère salvateur du Christ, est présente dans huit de ces représentations.

Détail du retable de Notre-Dame du Rosaire © Cathédrale Notre-Dame de la Treille