Église Saint-Eustache
Paris, France
www.saint-eustache.org
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Façade Ouest de l’église (restaurée en 2022-2023) © Jérôme Desjardins
Textes par l’équipe de la paroisse Saint-Eustache
La paroisse Saint-Eustache a fêté ses 800 ans d’existence en 2024. À l’origine simple chapelle dédiée à sainte Agnès, la paroisse Saint-Eustache est fondée en 1223, sur le territoire de la paroisse Saint-Germain l’Auxerrois, à la suite du don d’une relique de ce saint par l’abbaye Saint-Denis. Transformée et agrandie à plusieurs reprises, au gré de l’accroissement de la population du quartier, lié à la proximité du marché des Halles, Saint-Eustache a connu une histoire singulière, mêlant petit peuple, grands seigneurs et artistes. Richelieu, Madame de Pompadour, Molière y ont été baptisés. Louis XIV y a fait sa première communion. Les obsèques de La Fontaine y ont été célébrées, ainsi que celles de la mère de Mozart. Le bâtiment porte l’empreinte de cette histoire.
Une continuité s’est opérée par le patrimoine artistique et par les actions de solidarité. Les œuvres d’art de l’église s’étendent du XVe siècle (une statue de saint Jean l’Évangéliste) au XXIe siècle (un Christ de Pascal Convert). Sur le plan de la solidarité, la paroisse s’occupait déjà de ses pauvres au Moyen Âge, et aujourd’hui, qui ne connaît pas « La Soupe », qui distribue 300 repas par jour à des personnes démunies ? D’autres associations de solidarité existent au sein de la paroisse, qui rayonnent bien au-delà du cercle des chrétiens, parfois en lien avec des initiatives du Diocèse, d’autres confessions ou de la Ville de Paris. Saint-Eustache s’est également montrée ouverte d’esprit sur les questions sociétales. Elle a été l’une des premières paroisses à accompagner les malades du sida et leur famille. Le triptyque de La Vie du Christ de Keith Haring en est un témoignage.
Le bâtiment de Saint-Eustache a pour spécificité d’être resté inachevé, ce qui est vécu comme une force par l’équipe de la paroisse : une œuvre qui n’a pas été conduite à son terme ouvre le champ de tous les possibles. Saint-Eustache, située au centre d’une coulée culturelle (de la Concorde au musée Carnavalet) qui offre l’une des concentrations artistiques les plus denses au monde, a su faire des choix audacieux, donnant leur chance à de jeunes artistes contemporains.

Façade sud © Louis Robiche

Mélange d’éléments architecturaux du gothique et de la Renaissance © Ferrante Ferranti

La voûte à la croisée du transept © Ferrante Ferranti
Une sélection de trésors
Le tryptique La Vie du Christ de Keith Haring

La Vie du Christ, de Keith Haring © Ferrante Ferranti
Le triptyque de Keith Haring (1958-1990) est l’œuvre la plus visitée de l’église Saint-Eustache. Triptyque en bronze et patine d’or blanc, cette sculpture a été réalisée peu avant la mort de l’artiste américain et, selon un vœu de celui-ci, offerte, en 2003, par sa fondation (créée à New York en 1978 par John Lennon & Yoko Ono) à la Ville de Paris. Celle-ci en a proposé l’installation à l’église Saint-Eustache, en hommage à son action caritative en faveur des malades du sida. Il existe neuf exemplaires de cette œuvre, dont une au Whitney Museum de New York, une au Musée de l’Art de Denver (Colorado), une à la cathédrale Saint-Jean le Divin de New York, une à la cathédrale de Grace de San Francisco (Californie), une au Musée d’art contemporain de Hiroshima et une au Musée des Amis Américains d’Israël à Jérusalem.
Peintre voyageur, Keith Haring a travaillé sur le mur de Berlin, à Rome et à Paris, souvent à titre bénévole, afin de venir en aide à différentes causes, comme la lutte contre le sida. Son dessin est à la fois dense et net, enchaînement de silhouettes sommaires et de formes géométriques courbes. Non dénué d’humour, il aime parodier les graphismes des bandes dessinées américaines et loger des profils de Mickey dans ses frises en noir et blanc. Rapidement célèbre, il expose dans les plus grandes galeries et, en 1997, une rétrospective lui a été consacrée au Whitney Museum of Art à New York. Peintre d’un monde où règne la violence, Keith Haring place souvent au milieu de ses œuvres un enfant rayonnant (the radiant child), exprimant la surprise, la joie et la force de l’innocence.
Cette œuvre – l’une des dernières de l’artiste – où l’enfant rayonnant est identifié comme le Christ, témoigne de la quête spirituelle de Keith Haring, à la fin de sa vie, quête partagée par beaucoup de malades du sida qui ont été accompagnés dans la paroisse Saint-Eustache ces dernières années.
Les grandes orgues

Le buffet du grand orgue © Mbzt, Travail personnel, CC BY 3.0
Alors que la construction de l’église n’est pas terminée, le premier orgue est installé en 1559. Il sera remanié, déplacé et complété au cours des âges avant d’être remplacé en 1801 par l’orgue de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Celui-ci reconstruit en 1844 par le facteur Daublaine et Callinet périra sous les flammes six mois seulement après son inauguration. Il faut attendre dix ans pour qu’un nouvel instrument soit reconstruit par le facteur Ducroquet, enchâssé dans un buffet monumental haut de 18 mètres et dessiné par l’architecte Victor Baltard. De 1854 à nos jours, cet orgue sera maintes fois transformé.
Avec plus de 8 000 tuyaux et 101 jeux répartis sur 5 claviers manuels, il est le plus grand orgue de France, juste devant les instruments historiques de Notre- Dame-de-Paris (115 jeux, 7952 tuyaux) et de Saint-Sulpice (102 jeux pour plus de 7000 tuyaux) et fait partie des plus prestigieux au monde. Construit par le facteur Van den Heuvel, il se veut être un une synthèse entre tradition et modernité, un instrument capable de servir un large répertoire. Le Grand orgue de Saint-Eustache est un véritable instrument symphonique ; il produit une masse sonore impressionnante qui, en une vitesse record, peut être convertie en un jeu de nuances très subtil. Il est doté de deux consoles, l’une fixe en tribune utilisée pour l’accompagnement des offices et l’autre mobile dans la nef pour les concerts. Cette disposition particulière permet une intimité avec le public que les autres orgues ne permettent pas habituellement et autorise une coordination parfaite avec d’autres artistes pour des performances en direct.
Depuis son origine, le Grand orgue est le poumon de Saint-Eustache mais aussi un vecteur social et artistique au cœur de Paris. Il existe à Saint-Eustache une tradition d’accueil d’artistes de tous horizons. Ainsi, nombre d’œuvres du répertoire y ont été créées (Te Deum d’Hector Berlioz, création française de la Messe de Gran de Franz Liszt, Debout sur le soleil de Jean-Louis Florentz…) et plusieurs collaborations avec l’IRCAM [ndlr : Institut de recherche et coordination acoustique/musique] ont permis d’envisager l’orgue dans un rôle tout à fait nouveau. Dans un métissage des arts, le son du Grand orgue accompagne aussi les évènements artistiques variés proposés par la paroisse Saint-Eustache lors des Journées du Patrimoine et des manifestations comme Nuit Blanche ou encore le festival 36 heures. Chaque dimanche à 17h, entre 600 et 800 personnes se pressent dans la nef de l’église pour écouter le récital d’orgue gratuit offert par ses titulaires et par des étudiants de la classe d’orgue du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.
Tout au long du XXe siècle, le caractère unique du Grand orgue de Saint-Eustache et son exceptionnelle richesse sonore ont été révélés par les organistes majeurs qui se sont succédé à sa tribune : Joseph Bonnet (de 1906 à 1943) puis André Marchal (de 1945 à 1963). À partir de 1963, et pendant plus de 50 ans, c’est Jean Guillou, interprète, improvisateur et compositeur prolifique, qui en fut le titulaire. En 2015, à la suite d’un concours, Baptiste-Florian Marle-Ouvrard et Thomas Ospital sont nommés organistes titulaires du Grand orgue. Tous deux font partie de la jeune génération d’organistes français défendant un répertoire éclectique tout en donnant une part importante à l’art de l’improvisation.

La nef de l’église, avec en fond le grand orgue © Vincent Leroux, DA Constance Guisset studio
Le Martyre de saint Eustache, de Simon Vouet

Le Martyre de saint Eustache, de Simon Vouet © Ville de Paris, COARC, Jean-Marc Moser
Cette œuvre est intéressante, car elle nous présente un épisode de la vie du saint patron de l’église. Général romain au service de l’empereur Trajan, Placidius voit apparaître un crucifix entre les cornes d’un cerf qu’il poursuivait. L’animal lui parle et l’invite à suivre la religion du Christ. À la suite de ce miracle, Placidius se convertit ainsi que toute sa famille et prend le nom d’Eustache. Après avoir été séparé de sa femme et de ses enfants et subi une suite de malheurs à l’image de Job, Eustache est condamné à mort avec tous les siens pour avoir refusé de sacrifier aux idoles. Ils doivent être brûlés vifs, enfermés dans un taureau d’airain. Mais par miracle, la famille est portée au ciel en chantant des cantiques d’action de grâce.
Le Martyre de saint Eustache de Simon Vouet (1590-1649) ornait autrefois la partie inférieure d’un majestueux maître-autel agrémenté de statues, commandé par Claude de Bullion, le puissant surintendant des Finances, pour l’église Saint-Eustache. La partie supérieure du retable, aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de Nantes, représentait L’Apothéose du saint. Critiqué au XVIIIe siècle pour sa « disposition peu agréable », le maître-autel est remplacé par une nouvelle structure où l’on réutilise les peintures de Vouet. Mais cet ensemble est à son tour détruit à la Révolution. Le Martyre de saint Eustache entre alors dans la collection du cardinal Fesch, appartient ensuite à un monsieur Moret qui, en 1855, le céda à la Ville de Paris pour le remettre à l’église.
Ce tableau est une œuvre de maturité de Simon Vouet, effectué vers 1635, après son retour d’Italie. Il est remarquable pour ses couleurs chatoyantes, pour la composition générale, et pour la belle figure du martyr, représenté de ¾.
Retrouvez tous les trésors de l’église Saint-Eustache sur le site de la paroisse :
