Chapelle Sainte-Ursule de la Sorbonne
Paris, France
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Vue de la façade sud, donnant sur la ville.
© Mbzt, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Textes : Lana Tyburski, étudiante à l’École du Louvre, membre du comité d’histoire de l’art de l’Association pour le Rayonnement de la Chapelle de la Sorbonne (ARCS).
L’histoire de Sainte-Ursule débute au XIIIe siècle avec l’édification d’un bâtiment de style gothique, intégré dans le Collège créé par Robert de Sorbon. La Chapelle, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est l’œuvre de l’architecte Jacques Lemercier. Il travaille notamment pour Marie de Médicis et le cardinal de Richelieu et nous lui devons le palais du Luxembourg, ainsi que le palais Cardinal (futur Palais-Royal). Les fondations débutent en 1632 et, en 1635, le cardinal, alors proviseur du Collège, pose la première pierre. Les travaux se poursuivent jusqu’en 1644, date où le dôme, un des premiers exemples de dôme à la romaine de Paris, est doré.
Le plan de Sainte-Ursule a la particularité de mélanger un plan en croix grecque et un plan en croix latine. Il s’agit d’un type d’architecture considéré comme idéal à la Renaissance. De fait, il divise l’édifice en trois parties, le transept coupant la nef et le chœur en deux parties égales. Autre particularité, la Chapelle a deux façades. L’une donne sur la ville tandis que l’autre ouvre sur la cour d’honneur de l’université. La première, assez sobre, est inspirée des façades jésuites, tandis que la seconde montre plus d’audace avec une influence du Panthéon de Rome. Au début du XVIIe siècle, une grande importance est accordée au dôme à Paris, et cela est très vrai dans l’architecture religieuse. En effet, celui-ci est un symbole du pouvoir. Ce dôme est le premier à faire partie intégrante de la façade, ce qui constitue un tournant dans l’architecture parisienne. La Chapelle est donc une innovation architecturale qui a pour but de magnifier le cardinal de Richelieu, le commanditaire de l’édifice.
Au XVIIIe siècle, la Chapelle perd son rôle central avec la laïcisation de la Sorbonne et en 1791, suite au refus de se conformer à la Constitution civile du clergé, le Collège et la Chapelle sont fermés par un décret. À l’heure de la Révolution française, la Chapelle devient un refuge des garnisons parisiennes. Les soldats y laissent des traces de leur passage. C’est une période noire qui débute, en effet, les statues des Apôtres sont dérobées, le dallage et les toiles sont abîmés. Lors de son arrivée au pouvoir, Napoléon Bonaparte transforme l’ancien lieu de culte en un lieu de création artistique. Pendant deux décennies, le bâtiment accueille donc les ateliers de divers artistes dont celui de David d’Angers.
Le XIXe siècle est la période des restaurations. Le dôme menace de s’écrouler, ce qui conduit à des rénovations, ainsi qu’à un embellissement des décors intérieurs. Les derniers travaux sont faits sous la Troisième République avec l’installation d’un nouveau programme statuaire sur la façade côté ville, comportant des figures rendant hommage au passé de la Sorbonne et de son église. La Chapelle est rendue au culte en 1825 avant l’arrêt définitif des activités religieuses en 1905, date de la promulgation de la loi de séparation de l’Église et de l’État. En 1947, le Président de la République, Vincent Auriol, inaugure la crypte de la Chapelle qui devient le lieu du repos éternel d’enseignants, d’étudiants et de lycéens résistants tués durant l’Occupation. À côté des tombeaux est placée une urne contenant les cendres de cinq élèves du lycée Buffon, fusillés par les nazis en 1943. Par cette action, la Chapelle devient un lieu de commémoration et de mémoire. En 1974, Sainte-Ursule est classée à l’inventaire des Monuments Historiques. C’est à cette période que s’arrêtent toutes les activités religieuses et les célébrations dans le lieu. C’est dans ce contexte que les messes pour le repos de l’âme du cardinal de Richelieu cessent. Par la suite, la Chapelle se délabre et finit par être utilisée comme lieu de stockage dans les années 2010.
Aujourd’hui, Sainte-Ursule sort peu à peu de l’ombre grâce à une association universitaire, patrimoniale et culturelle, composée de professeurs et d’étudiants. L’Association pour le Rayonnement de la Chapelle de la Sorbonne (A.R.C.S.) est fondée en 2023. L’ARCS souhaite faire du lieu, tombé en désuétude, « une Chapelle ouverte sur la ville » et a la réouverture au public comme objectif principal. Elle est reconnue et soutenue par diverses institutions académiques telles que des universités et la Chancellerie des Universités de Paris, ainsi que par la Ville de Paris et la Mairie du Ve arrondissement. Elle est à la recherche de dons et de soutiens afin de sécuriser les parties qui s’effondrent, à commencer par le buffet d’orgue, les vitraux et les peintures.

Vue de la façade ouest, donnant sur l’intérieur de la Sorbonne
© Moonik, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Vue du chœur de la Chapelle depuis la nef
© ARCS – R. Beaudoin
Une sélection de trésors de la chapelle de la Sorbonne
L’orgue

L’orgue dans sa configuration actuelle, soutenu par un échafaudage
© ARCS – R. Beaudoin
L’idée d’installer un orgue dans la Chapelle émerge en 1822 lorsque le culte est remis en place. Le cinquième duc de Richelieu, descendant du cardinal et ministre de Louis XVIII, passe alors une commande, en 1824, à François Dallery, facteur d’orgues du roi. Un an plus tard, l’instrument est prêt. Le buffet est réalisé par l’architecte Antoine Vaudoyer. Sa façade plate, composée de soixante-trois tuyaux, est scandée par des colonnes corinthiennes. Ces dernières sont des remplois. Le buffet est surmonté d’un médaillon contenant les armes du cardinal. L’ensemble des tuyaux de l’instrument est hétéroclite. En effet, il y a des éléments des XVIIe et XVIIIe siècles provenant d’anciens instruments.
Dès 1825, des concerts de musique sacrée sont donnés dans le cadre de l’Institution royale de musique classique et religieuse. Ainsi, la Chapelle devient un lieu prisé. La Révolution de 1830 met fin à cette activité musicale. Entre 1852 et 1854, l’orgue est restauré. Par exemple, le pédalier devient plus long. Malgré ce changement et son utilisation lors des décennies suivantes, l’instrument est rapidement abandonné. Son seul accès – un escalier – est détruit en 1885. Cette action rend l’approche de l’instrument difficile. De ce fait, il faut désormais monter sur un échafaudage ou passer par une fenêtre du toit pour accéder à l’orgue. Malgré cela, les tuyaux font l’objet d’un pillage, aucun jeu n’étant épargné. L’orgue représente aujourd’hui un danger dans la mesure où la tribune se descelle du mur nord. L’orgue de la Chapelle, malgré son abandon, reste un témoignage unique de l’art français en matière de fabrication d’orgue.

Détail de l’orgue © ARCS – R. Beaudoin
Les fresques de Philippe de Champaigne

La coupole et les pendentifs décorés des fresques de Philippe de Champaigne
© ARCS – R. Beaudoin
Afin d’égayer l’architecture de Lemercier, le cardinal de Richelieu fait appel à Philippe de Champaigne, qui est une relation de confiance et un peintre officiel de la Cour. Celui-ci est connu pour son réalisme, sa digne majesté, ainsi que son style baroque modéré. Il décore le lanternon de la coupole et les panaches des pendentifs de la Chapelle entre 1641 et 1644. Le programme iconographique est choisi par Richelieu lui-même, tout en prenant en compte les inspirations tirées d’une récente visite accompagnée de Champaigne à Saint-Pierre de Rome, et notamment du programme iconographique de Bramante et de Michel-Ange. Pour le lanternon, le cardinal fait le choix d’une angéologie : c’est une manière de ramener à la méditation les fidèles de la Chapelle. Philippe de Champaigne peint un Dieu le Père dans sa gloire, entouré des Séraphins, des Dominations et des Principautés. La fresque, sur fond d’or, est composée de huit panneaux. Dieu est représenté sur l’oculus central. Il régit l’univers depuis cet emplacement. Sur les panaches des pendentifs, quatre fresques représentent les Pères occidentaux de l’Église. Nous y trouvons le cardinal saint Jérôme, les évêques saint Ambroise et saint Augustin, et le pape saint Grégoire. L’emplacement des personnages n’est pas laissé au hasard. En effet, il respecte la hiérarchie ecclésiastique traditionnelle. Par exemple, le pape saint Grégoire est le plus proche de l’autel.




Philippe de Champaigne, Saint Ambroise (en haut à gauche), Saint Augustin (en haut à droite),
Saint Jérôme (en bas à gauche), Saint Léon le Grand (en bas à droite),
entre 1641 et 1644, fresque, Paris, Chapelle Sainte-Ursule de la Sorbonne.
© GO69, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Le tombeau du cardinal de Richelieu

Le tombeau du cardinal de Richelieu, vue d’ensemble
© Acl.drd, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Dès 1629, le cardinal de Richelieu envisage de se faire inhumer dans la Chapelle. En décembre 1642, date de sa mort, Sainte-Ursule n’est pas terminée. La duchesse d’Aiguillon, nièce et exécutrice testamentaire de l’homme d’église, a pour mission d’achever le monument qui figera son oncle dans le temps. Dans les années 1660, Le Bernin réalise un dessin pour la duchesse alors qu’il visite la Chapelle. Il souhaite représenter le cardinal s’offrant « à Dieu, et non pas […] en priant, qui est une manière trop ordinaire ». Finalement, en 1675, Girardon signe un accord pour ce projet d’ampleur. Le défunt est représenté à demi-couché, le visage tourné vers l’autel, la main droite sur le cœur. C’est une position rappelant la dévotion de Richelieu. Dans les deux décennies qui suivent, Girardon et la duchesse d’Aiguillon rencontrent quelques problèmes (acheminement du marbre, paiements). Ceux-ci les mènent jusqu’au tribunal. Finalement, en 1694, le monument est achevé.
Le gisant accoudé, à la mode au XVIIe siècle, est inspiré du monument funéraire du duc de Rohan, Henri de Chabot. Il est réalisé vers 1650 par François Anguier et conservé au musée du Louvre. Outre Richelieu, nous retrouvons des figures secondaires sur le tombeau telles que la Doctrine, aux pieds du cardinal. Elle est représentée en pleurs, montrant ainsi son impuissance à sauver le mourant. La Piété, quant à elle, accompagne Richelieu dans son agonie. Elle est présente pour le sauver au moment de la mort. Ce dernier a d’ailleurs une attitude sereine. En effet, il s’abandonne complètement à Dieu. Enfin, nous notons la présence de deux putti – qui sont des hommages de Girardon à ses prédécesseurs dans l’art funéraire – tenant les armes de Richelieu.
Ce chef-d’œuvre de la sculpture funéraire du XVIIe siècle connaît les troubles révolutionnaires. Il est abîmé avant d’être sauvé par Alexandre Lenoir qui le déplace au couvent des Petits Augustins, devenu le musée des monuments français. En 1823, il est retourné à la Chapelle. Sainte-Ursule accueille sept autres membres de la famille de Richelieu, faisant d’elle une nécropole. Le dernier duc y est inhumé en 1952.

Détail du tombeau du cardinal de Richelieu : le cardinal et la Piété
© ARCS – R. Beaudoin
