L’abbaye de Westminster
Londres, Royaume-Uni
www.westminster-abbey.org
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Façade occidentale de l’abbaye de Westminster © Dean and Chapter of Westminster, 2024.
Textes en anglais : l’équipe de l’abbaye de Westminster
Traduction en français et adaptation : Thomas Ménard
Chef-d’œuvre architectural des XIIIe, XIVe, XVe et XVIe siècles, l’abbaye de Westminster représente un symbole unique dans l’histoire britannique : c’est le lieu où se trouvent le tombeau de saint Édouard le Confesseur, les tombes des rois et des reines, les innombrables monuments funéraires des illustres et des grands. C’est ici que se sont déroulés tous les couronnements depuis 1066, ainsi que bien d’autres cérémonies royales, notamment 16 mariages. Aujourd’hui, c’est à la fois une église dédiée à la prière quotidienne et le lieu de célébration des grands événements de la vie de la Nation. Il ne s’agit ni d’une cathédrale ni d’une église paroissiale : l’abbaye de Westminster, ou plutôt l’église collégiale Saint-Pierre de Westminster pour lui donner son nom officiel, est un « Royal Peculiar », placé sous la juridiction d’un doyen et d’un chapitre. Ces derniers rendent compte uniquement au souverain, et pas à un archevêque ou un évêque. L’abbaye de Westminster est le résultat d’un processus de développement qui s’est étalé sur plusieurs siècles et qui représente la réponse d’un monastère, puis d’une église post-Réforme, aux influences et aux défis de son environnement.
Dans les années 1040, le roi Édouard, qu’on connaitra plus tard sous le nom de saint Édouard le Confesseur, décida d’établir un palais sur les rives de la Tamise, dans un endroit connu sous le nom de Thorney Island. Juste à côté se trouvait un petit monastère bénédictin, fondé sous le patronage du roi Edgar et de saint Dunstan aux alentours de 960. Édouard décida de refonder ce monastère et l’agrandit considérablement, en construisant une vaste église de pierre en l’honneur de l’apôtre Pierre. On commença à l’appeler « l’église de l’ouest » (« the west minster »), pour la distinguer de la cathédrale Saint-Paul (« the east minster »), dans la Cité de Londres. Malheureusement, le roi ne fut pas présent lors de la consécration de la nouvelle église, le 28 décembre 1065 : il était très malade et mourut quelques jours plus trad. Sa dépouille fut inhumée au pied du maître-autel.
L’abbaye d’Édouard survécut pendant deux siècles, jusqu’au milieu du XIIIe siècle, quand le roi Henri III décida de la reconstruire dans le style gothique. C’était l’âge d’or des cathédrales : on vit la construction des cathédrales d’Amiens, Évreux et Chartres, en France, et de Canterbury, Winchester et Salisbury, en Angleterre, pour n’en citer que quelques-unes. Selon la volonté du roi d’Angleterre, l’abbaye de Westminster avait été conçue non seulement pour être un grand monastère et un lieu de vénération, mais aussi l’église du couronnement et la nécropole des monarques. Cette église fut consacrée le 13 octobre 1269. Mais le roi mourut avant que la nef ne soit achevée, raison pour laquelle la partie ancienne de l’église continua à se dresser à côté du bâtiment gothique pendant de nombreuses années.
Le roi Henri VII, premier monarque de la dynastie Tudor, ordonna la construction d’une extension de l’église abbatiale. Elle prit la forme de la glorieuse chapelle Notre-Dame, qui porte aujourd’hui le nom du roi. Elle présente un spectaculaire plafond voûté en éventails, ainsi que le tombeau du roi Henri, où resplendit le talent du sculpteur italien Pietro Torrigiano. La chapelle fut consacrée le 19 février 1516. Deux siècles plus tard, on fit un nouvel ajout à l’abbaye : les tours occidentales, restées inachevées depuis le Moyen Âge, furent terminées en 1745, d’après un dessin de Nicholas Hawksmoor.
L’histoire ne s’est pas arrêtée avec la dissolution du monastère médiéval, le 16 janvier 1540. Cette année-là, Henri VIII érige l’église de Westminster en cathédrale, avec un évêque (Thomas Thirlby), un doyen et douze chanoines. L’évêché fut supprimé le 29 mars 1550 et le diocèse fusionné avec celui de Londres. Une loi du Parlement (Act of Parliament) fit de Westminster une église cathédrale du diocèse de Londres [conjointement à Saint-Paul]. En 1556, Marie Ière restaura le monastère bénédictin, qu’elle confia à l’abbé John Feckenham. Mais au moment de l’accession d’Élisabeth Ière, les établissements religieux rétablis par la reine Marie furent données à la Couronne par le Parlement. Les moines furent chassés en juillet 1559. Par une charte datée du 21 mai 1660, la reine Élisabeth Ière, qui est inhumée dans le collatéral nord de la chapelle d’Henri VII, transforma l’abbatiale en une église collégiale, placée en dehors de la juridiction des archevêques et des évêques, mais avec le souverain comme « visiteur ». Le statut de « Royal Peculiar » de 1534 fut ainsi confirmé par la reine. Un collège, composé d’un doyen, de chanoines, de chanoines mineurs et de laïcs, remplaça la communauté monastique. Ce collège fut établi avec la mission de continuer la longue tradition de prière quotidienne, mais aussi l’éducation de 40 élèves qui formèrent le noyau de ce qui est aujourd’hui la Westminster School, une des plus importantes écoles privées du pays (voir le Trésor de Bibliothèques # 04). En outre, le doyen et le chapitre furent chargés de l’administration civile du quartier de Westminster, mission qui ne fut abandonnée qu’au début du XXe siècle.
Il y a environ 3.300 sépultures dans l’église et le cloitre adjacent et plus de 600 monuments funéraires ou commémoratifs, ce qui est la plus importante collection d’art funéraire dans le pays. Parmi les sépultures, l’une des plus importantes est celle du Soldat inconnu, dont la tombe se trouve près de l’entrée principale de l’église. Elle est devenue un lieu de pèlerinage et les chefs d’État en visite viennent toujours y déposer une couronne. Le site internet de l’abbaye de Westminster répertorie plusieurs centaines de personnalités qui y sont enterrées (Édouard le Confesseur, Élisabeth Ière, Marie Stuart, Isaac Newton, Charles Darwin, Henry Purcell, Charles Dickens, Laurence Olivier, Stephen Hawking…) ou commémorées (Jane Austen, Martin Luther King, lord Byron, Oscar Wilde, Winston Churchill…). Un Parcours Napoléon à l’abbaye de Westminster est également disponible dans notre dossier sur Napoléon Ier au Royaume-Uni.

La nef et la Tombe du Soldat inconnu © Dean and Chapter of Westminster, 2024.

La chapelle Notre-Dame © Dean and Chapter of Westminster, 2024.

Monuments commémoratifs dans le transept Nord © Dean and Chapter of Westminster, 2024.

The Queen’s Diamond Jubilee Galleries © Dean and Chapter of Westminster, 2024.
Une sélection de trésors de l’abbaye de Westminster
Le Cosmati Pavement

Le Cosmati Pavement © Dean and Chapter of Westminster, 2024.
La grande mosaïque située au pied du maître-autel de l’abbaye de Westminster est une œuvre unique et remarquable. La complexité de son dessin et la subtilité de sa réalisation sont incomparables à cette échelle.
Elle fut posée en 1268, sur ordre du roi Henri III, qui avait lancé, en 1245, la reconstruction de l’église d’Édouard le Confesseur dans le nouveau style gothique. Les artisans venaient de Rome, avec un certain Odoricus à leur tête. La mosaïque appartient à un type de décor de marqueterie de pierre connu sous le nom de technique de Cosmati, d’après l’une des familles d’artisans qui s’était spécialisées dans cette technique. On parle aussi d’opus sectile (« appareil découpé »). Ce style est très différent des mosaïques de la Rome antique et du Haut Moyen Âge, qui présentaient des pierres carrés de même taille.
La vaste mosaïque forme un carré de 7 mètres et 58 centimètres de côté, constitué de formes géométriques composées de morceaux de pierre de différentes couleurs, taillées dans une grande variété de forme : triangles, carrés, disques, rectangles, etc. Le disque central est en onyx. On trouve également du porphyre (pourpre), de la serpentine (verte) et du calcaire (jaune), ainsi que des morceaux de verre coloré en rouge, turquoise, bleu cobalt et blanc bleuâtre. Elle repose sur un lit de calcaire sombre connu sous le nom de marbre de Purbeck.

Détail du Cosmati Pavement © Dean and Chapter of Westminster, 2024.
La Coronation Chair

La Coronation Chair en 2012 © Dean and Chapter of Westminster, 2024.
Le Trône du Couronnement [littéralement la « Chaise du Couronnement » ou « Fauteuil du Couronnement »], conservé dans la chapelle Saint-Georges, est un des meubles les plus précieux et les plus connus dans le monde. Placé au centre de l’abbaye de Westminster, devant le maître-autel, il a été au cœur des couronnements depuis plus de 700 ans.
Le Trône du Couronnement a été fabriqué sur ordre d’Édouard Ier, pour abriter la fameuse Pierre de Scone. Il l’a ramendé d’Écosse en 1296 et l’a confié aux bons soins de l’abbé de Westminster. En 1300-1301, il fait réaliser ce magnifique trône en chêne, peint par Maître Walter et orné d’oiseaux, de feuillages et d’animaux sur un fond doré. Initialement, le trône aurait dû être en bronze, mais cela aurait coûté trop cher. À l’arrière, on a représenté le roi, soit Édouard le Confesseur, soit Édouard Ier, ses pieds posés sur un lion. Les quatre lions dorés du socle furent placés en 1727, afin d’en remplacer d’autres, plus anciens, qui dataient du début du XVIe siècle. Au départ, la Pierre était complètement enfermée en dessous du siège, mais, au fil des siècles, le décor de bois a été progressivement retiré.
Lors des couronnements, le Trône (haut de 2 mètres et 5 centimètres) fait face au maître-autel, avec la Pierre de Scone sous l’assise. Il a été utilisé au cours des cérémonies de couronnement depuis 1308, mais les historiens se demandent s’il était effectivement occupé par le souverain à l’instant où il recevait la couronne. Cela est certain à partir du couronnement d’Henri IV, en 1399. Pour le couronnement du roi Charles III, le 6 mai 2023, le Trône fut placé sur la partie circulaire en onyx du Cosmati Pavement (voir le Trésor précédent). Il y a eu trente-neuf couronnements de souverains à l’abbaye, sans compter les consorts. Guillaume III et la reine Marie furent couronnés conjointement lors de la même cérémonie, en tant que co-monarques, en 1689. Un trône spécial fut fabriqué pour Marie, puisque Guillaume avait choisi d’utiliser le vieux trône. Ce second siège est aujourd’hui exposé dans les « Queen’s Diamond Jubilee Galleries », dans le triforium de l’abbaye.
À l’arrière du dossier, de nombreux graffitis ont été gravés aux XVIIIe et XIXe siècles, par les écoliers de la Westminster School et par des visiteurs. Un touriste a même écrit « P. Abbott a dormi sur ce siège 5-6 juillet 1800 ». En 1914, lors d’un attentat probablement organisé par les Suffragettes, l’explosion d’une bombe a même détruit un coin du trône.
Voir la Coronation Chair sur la chaîne Youtube de l’abbaye de Westminster
La plus vieille porte du Royaume-Uni

La plus vieille porte du Royaume-Uni © Dean and Chapter of Westminster, 2024.
La plus vieille porte du Royaume-Uni se trouve à l’abbaye de Westminster, dans le passage qui conduit à la salle du Chapitre (Chapter House). La porte a été datée pour la première fois en 2005, grâce à une procédé nommé dendrochronologie. Une étude approfondie de la porte de bois a montré que le bois avait été abattu après 1032 et que la porte avait été construit aux alentours des années 1050. Cela correspond au règne du roi Édouard le Confesseur, qui fit édifier l’abbaye normande consacrée en 1065. Elle est donc non seulement la plus ancienne porte du Royaume-Uni, mais également la seule qui date de la période anglo-saxonne. Le motif des anneaux du bois indique que l’arbre a poussé dans l’Est de l’Angleterre, très probablement dans l’une des gigantesques forêts alors possédées par l’abbaye dans cette région, peut-être plus précisément dans l’Essex. Les planches viennent du même arbre et les anneaux montrent qu’il a poussé entre les années 924 et 1030.
Après que les planches aient été assemblées, il est probable que les deux faces aient été recouvertes de peau de vache, afin de fournir une surface lisse pour la décoration (aucune trace de peinture n’a été retrouvée). Au XIXe siècle, des fragments de peau de vache ont été découverts et une légende est née, selon laquelle il s’agissait de peau humaine. On disait qu’on avait surpris quelqu’un en train de commettre un sacrilège ou un cambriolage dans l’église. Pour dissuader d’autres méfaits de ce genre, il aurait été écorché et sa peau coulée sur la porte.
En plus de ces trois Trésors, retrouvez les nombreux chefs-d’œuvre de l’abbaye de Westminster, notamment les centaines de monuments funéraires, sur www.westminster-abbey.org.
