Louise XVIII et les Affaires étrangères
Centre des Archives diplomatiques, La Courneuve
30 septembre – 15 novembre 2024
www.diplomatie.gouv.fr
🇫🇷

PRÉSENTATION
Louis XVIII et les Affaires étrangères
par Guillaume Frantzwa,
Chef du département des publics au
Centre des archives diplomatiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères,
Commissaire de l’exposition
L’année 2024 coïncide avec le bicentenaire de la mort de Louis XVIII, dernier roi de France mort sur le trône après avoir connu près d’un quart de siècle d’exil durant la Révolution et l’Empire. Les Archives diplomatiques disposent de l’essentiel de la correspondance du roi, de ses notes de réflexion sur la restauration de la monarchie et de nombreux rapports faits par les agents de Louis XVIII sur l’évolution de la France et de la diplomatie internationale de 1791 à 1815, à un moment complexe de l’histoire de France. Le futur Louis XVIII a quitté la France en 1791, la même nuit où Louis XVI se lançait dans la fuite à Varennes. Contrairement à son aîné, Louis XVIII parvint à gagner l’étranger et entama une vie d’errance à la tête du parti royaliste jusqu’à la fin de l’Empire. Bien qu’il prétende succéder formellement à son frère Louis XVI et à son neveu mort en captivité en 1795, Louis XVIII n’a gouverné la France effectivement que de 1814 à 1824. Toutefois, durant la Révolution et l’Empire, il avait reconstitué en exil une chancellerie chargée de l’aider à récupérer le trône, et les papiers de cette chancellerie ont été confiés à son retour en France au ministère des Affaires étrangères.
Ces papiers, versés dans la série des « Mémoires et documents France », sont prolongés en outre par les archives produites par Talleyrand pendant le Congrès de Vienne, et donnent donc notamment à voir comment le roi travaillait avec son ministre et comment ils ont géré l’acceptation par les puissances européennes du retour des Bourbons sur le trône, ainsi que le début du travail de reconstruction de la position diplomatique de la France, vaincue et occupée militairement au départ de Napoléon.
À ces archives de l’exil et du tout début de la Restauration, il faut ajouter ensuite les documents produits au cours du règne effectif de Louis XVIII, qui s’inscrivent dans la droite ligne de l’évolution idéologique du roi pendant son exil : rétablissement des anciens systèmes diplomatiques des Bourbons d’un côté, insertion dans la nouvelle mécanique internationale issue de l’Empire et du Congrès de Vienne d’un autre. Louis XVIII poursuit ainsi l’objectif de redonner à la France sa place de chef des familles face aux autres pays contrôlés par les Bourbons (Espagne, Naples, Parme), et de trouver une place dans le nouveau « concert européen » aux côtés des quatre vainqueurs de Napoléon (Royaume-Uni, Russie, Prusse, Autriche). Ce dessein s’appuie sur le travail de plusieurs ministres successifs, dont certains sont célèbres et ont laissé des correspondances : Talleyrand d’abord, puis le duc de Richelieu, et enfin Chateaubriand.
Le projet d’exposition s’articule donc en deux temps : après une courte introduction sur la place du futur Louis XVIII dans la diplomatie d’Ancien Régime, une première partie est consacrée à son activité en exil, en utilisant les papiers de sa chancellerie et les traités sanctionnant son retour sur le trône en 1814-1815, et une seconde partie s’intéresse au règne effectif, en expliquant les grands axes de sa diplomatie et les stratégies employées pour rendre à la France son crédit international. Cette seconde partie remet en valeur notamment ses trois principaux ministres des Affaires étrangères. L’exposition se conclura sur la mort de Louis XVIII, unique souverain français mort sur son trône au XIXe siècle et seul à avoir bénéficié de funérailles internationales. À l’appui des documents d’archives, l’exposition présente également des objets et des portraits liés directement aux ministres des Affaires étrangères et à la politique royale.
Pour donner plus de profondeur au sujet, le Mobilier national a accepter de prêter le bureau de Louis XVIII durant son exil. Ce bureau, bien connu par les témoignages sous la Restauration et dans les inventaires du Garde-Meuble depuis le milieu du XIXe siècle, a vu transiter la plupart des documents versés par Louis XVIII à son retour en France, et il a reçu une forte charge symbolique au cours du règne effectif du roi : il était exposé au palais des Tuileries, et il est le principal accessoire des derniers portraits officiels du roi en 1823-1824. Ce bureau symbolisait la politique d’équilibre de Louis XVIII, qui cherchait à concilier tradition et modernité : se souvenir du passé et de l’exil, mais ne pas nier les changements issus de la Révolution.
UNE SÉLECTION D’ŒUVRES
Chiffre de l’Agence de Paris

Chiffre de l’Agence de Paris, 1797
Archives diplomatiques, 53MD613, f°7
© Archives diplomatiques, Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
Le départ de Louis XVIII et de ses partisans en exil les amena à reconstituer un semblant de cabinet politique et de réseaux diplomatiques et secrets. Ce travail passait par l’établissement de cellules d’espionnage en France, des « agences » plus ou moins formalisées regroupant des personnages rarement coutumiers de ce type d’activité. Ces groupuscules eurent besoin de se voir inculquer les fondamentaux de la communication secrète, que la diplomatie d’Ancien Régime maîtrisait ordinairement : le chiffrement des correspondances, l’adoption de codes à deux ou trois niveaux et le recours à des encres sympathiques. La chancellerie du roi en exil conserva ainsi par devers elle plusieurs manuels d’instruction et plusieurs grilles de chiffres, forgés par les auxiliaires du roi et destinés aux agences les plus importantes. Une grande part des ressources financières de Louis XVIII fut dévolue pendant les années d’exil à l’entretien de cette toile parallèle. L’Agence de Paris, de loin la plus stratégique pour connaître les développements de la politique française, reçut ainsi un code soigné, assorti d’un véritable mode d’emploi. Outre que ce document permet d’apercevoir le mode de fonctionnement des réseaux royalistes pendant la Révolution, il met en lumière quels étaient l’entourage et les interlocuteurs les plus fréquents du cabinet du roi à cette époque : Monsieur, frère du roi et ses fils, qui avaient leur propre parti, les princes du sang, le comte d’Avaray, alors le favori de Louis XVIII, le comte de Saint-Priest, un diplomate de carrière, et toute une série d’anciens militaires, le marquis de Jaucourt, le baron de Flachslanden, le maréchal de Castries, le duc de Guiche, le duc de Villequier, le comte de Cossé, le duc de La Vauguyon, et le juriste Courvoisier enfin.
Le traité de Paris

Ratification britannique du traité de Paris, 1814
Archives diplomatiques, TRA18140003/307
© Archives diplomatiques, Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
La chute de Napoléon ramena Louis XVIII au pouvoir grâce à l’intelligence de Talleyrand, qui put prendre les négociations en main, ce qui lui était d’autant plus facile que le roi se retrouvait dans une situation particulièrement inconfortable : à peine revenu à Paris le 3 mai 1814, il devait en effet signer la paix d’une guerre qu’il n’avait pas menée, avec des souverains qui se disaient ses alliés et qui occupaient pourtant sa capitale. Le Diable boiteux, suivant la logique d’Ancien Régime du « pré carré », s’ingénia à préserver la France dans ses frontières de 1792, à l’exception de quelques gains territoriaux comme le Comtat Venaissin ou encore la Savoie. Conclu le 30 mai 1814, le Traité de Paris fut toutefois très mal accepté par l’opinion, notamment dans l’armée, en raison de la perte des conquêtes révolutionnaires de la Belgique et de la rive gauche du Rhin et de la cession sans contrepartie de 53 places fortes contenant du matériel militaire pour une valeur de 120 millions de francs. Grâce à l’influence de Talleyrand, le traité avait cependant été signé à égalité entre les cinq puissances, la France n’étant pas considérée comme un pays vaincu. Sa principale clause annonçait la tenue imminente d’un grand Congrès, destiné à réorganiser l’Europe sur les ruines de l’Empire napoléonien, négociation multilatérale où la position de la France devait être infiniment plus compliquée à défendre. La ratification du traité de Paris par le Royaume-Uni, affichant une colombe et une corne d’abondance brodée en fils d’or, d’argent et de soie, affichait ainsi le triomphe apparent de l’éternel adversaire de l’Empire, et pouvait faire craindre le pire pour les prochaines négociations, en dépit du changement de souverain.
Louis XVIII aux Tuileries

François Gérard, Louis XVIII dans son cabinet de travail, 1823
Centre des Monuments Nationaux, DPOM 2007-1125
© CMN – Benjamin Gavaudo
En 1823, le peintre Gérard livre un nouveau cycle de peintures sur commande du roi, qui le destine à son ultime favorite, la comtesse Zoé du Cayla. Celle-ci fait alors réaménager le château de Saint-Ouen, où Louis XVIII avait fait une dernière étape décisive avant d’entrer dans Paris en 1814. Parmi les œuvres et le somptueux mobilier offert à la comtesse, le public convié à l’inauguration du château en présence du roi le 2 mai 1823 découvrit un imposant portrait de Louis XVIII dans son cabinet de travail du palais des Tuileries. Cette pièce n’avait guère changé depuis son aménagement par Napoléon, immortalisé par un célèbre portrait de l’empereur peint par David en 1811. On y retrouve les mêmes meubles d’acajou et de bois doré, à un détail près : l’ensemble de ces pièces de prix est rejeté en arrière-plan, laissant en pleine lumière le roi attablé à son petit bureau d’exilé en aulne. Devant lui, en regardant de près, on reconnaît parmi les papiers étalés la « déclaration de Saint-Ouen » du 2 mai 1814 et le testament de Louis XVI. Les deux textes dictaient en somme les grands axes de la future restauration : la reconnaissance des acquis de 1789 d’un côté – l’égalité civique, l’abolition des privilèges et la vente des biens nationaux – et de l’autre « l’oubli ou le pardon », notamment pour les anciens révolutionnaires. Cette scène, a fortiori en ayant à l’esprit que la santé du roi se détériorait peu à peu avec l’âge, peut être considérée comme le legs de Louis XVIII à la postérité : l’image d’une monarchie restaurée, revenue dans son cadre naturel mais n’oubliant ni les malheurs du passé, ni les compromis nécessaires pour la stabilité de la France. En somme, le roi revendique avec ce portrait une ligne de conduite qui lui était propre : refonder les traditions sur des bases neuves.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ?
Louis XVIII et les Affaires étrangères
Cette exposition est organisée par le Centre des archives diplomatiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Commissariat : Guillaume Frantzwa, archiviste-paléographe et docteur en histoire, conservateur du patrimoine, chef du service des publics aux Archives diplomatiques.
Où ?
Centre des Archives diplomatiques de la Courneuve
3, rue Suzanne Masson
93126 La Courneuve cedex
www.diplomatie.gouv.fr
Quand ?
Du 30 septembre au 15 novembre 2024
Du lundi au vendredi, de 10h00 à 17h00.
Fermeture le 1er novembre et le 11 novembre.
Combien ?
Entrée libre pour les personnes majeures sur présentation d’une pièce d’identité (carte nationale d’identité ou passeport).
