EXPOSITION # 30

Note : 5 sur 5.

Corsica Rumana
Une île méditerranéenne à l’époque romaine

Pendant longtemps, les Corses ont eu un rapport ambigu avec leur héritage romain. Certes, les textes antiques qui abordaient l’occupation romaine de l’île étaient déjà cités dans les ouvrages historiques. Les cartes géographiques de la période moderne, y faisaient également référence. Quant à Mariana et Aleria, elles étaient les symboles de cette présence romaine en Corse. Toutefois, cette colonisation était perçue comme limitée et sans lien avec les populations locales.
Si les premières découvertes fortuites remontent aux XVIIe et XVIIIe siècles, il faudra attendre la deuxième moitié du XIXe pour voir, dans le sillage de l’inspection des Monuments historiques conduite par Prosper Mérimée en 1839, les premiers érudits mener des fouilles archéologiques à Aleria, commencer à rassembler des collections, étudier les inscriptions épigraphiques et publier leurs résultats scientifiques. C’est au cours de l’entre-deux guerres que sont conduits par des professionnels, de véritables chantiers de fouilles dans les cités de Mariana et Aleria. Le nombre croissant des publications et la loi relative à la réglementation des fouilles archéologiques de 1941 due à Jérôme Carcopino – corse d’origine et grand spécialiste de la Rome antique – ouvrent la voie à une nouvelle ère de recherche sur l’île à partir des années 1950.
Depuis, la multiplication des découvertes et des sites engendrent un accroissement sans précédent des collections archéologiques, offrant ainsi une nouvelle vision de cette Corse antique : celle d’un territoire et d’une population insulaires progressivement romanisés.

Durante un bellu pezzu i Corsi anu avutu un raportu lambariu cù a so eretitàrumana. Di sicuru i testi antichi chì trattavanu di l’occupazione rumana di l’isula eranu digià presenti in l’opare storiche. E carte geografiche di u periodu mudernu indettavanu dinù stu fattu. E cità di Mariana è Aleria, elle, eranu u simbulu di sta presenza rumana in Corsica. Eppuru, si pò dì chi sta culunizazione hè stata percepita cum’è limitata è senza raportu cù e pupulazione locale.
Si e prime scuperte fatte à casu datanu di u XVIIesimu  è XVIIIesimu  seculu, ci vulerà à aspettà a seconda metà di u XIXesimu  seculu per vede in u filu di l’ispezzione di i Munumenti Storichi, realizata da Prosper Mérimée in u 1839, i primi studienti fà scavi archeologichi in Aleria, principià à ammansà cullezzione, studià scritti epigrafighi è publicà resultati scentifichi. Ghjè trà e duie guerre chì seranu realizati i veri siti di scavi fatti da prufeziunali in Mariana è Aleria. A crescità di e publicazione è a lege rilativa à a regulazione di i scavi archelogichi di u 1941 per via di Jérome Carcopino – corsu d’origine è spezialistu maiò di a Roma Antica – aprenu in Corsica, à partesi da l’anni 1950 a strada di una nova aghja di ricerca.
A multiplicazione di scuperte è di siti inducenu una crescita, mai vista, di e cullezzione archeologiche offrendu cusì una visione nova di issa Corsica antica : quella di un territoriu è di una pupulazione isulana pianu pianu rumanizata.

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

Présentées par Sylvain Gregori,
conservateur du musée de Bastia

Note : 5 sur 5.

Lampe à huile à décor de cheval

Lampe à huile à décor de cheval
Lieu de découverte : Vico, Ier siècle de notre ère. Bronze, 9 x 13,5 x 7 cm
Collection particulière © J.-A. Bertozzi/Musée de Bastia

Texte : Marie Biancarelli, collectionneuse.

Les grands aménagements routiers que la Corse connaît tout au long du XIXe siècle vont parfois engendrer, comme partout ailleurs en Europe à la même époque, des découvertes archéologiques fortuites. C’est ainsi que lors de la construction de la route Ajaccio-Vico, les ouvriers découvrent cette lampe romaine en bronze.

Il existe deux voies reliant ces localités. La première, la plus ancienne, a été réalisée en deux sections. Tout d’abord, sous forme de portions lacunaires entre Ajaccio et Saint-Florent. Elles seront améliorées pendant toute la première moitié du XIXe siècle. Entre 1837 et 1849, la route Sagone-Aïtone, via Vico, est construite pour permettre l’exploitation du bois de la forêt de Vizzavona et rejoint la route existante. La seconde voie entre Ajaccio et Vico est aménagée entre 1826 et 1838 en passant par Sarrola-Carcopino et Arbori. Il est donc fort probable que cette lampe ait été trouvée lors de la construction de la voie Sagone-Aïtone. Le site romain de Saint-Appien se situe après l’embranchement de cette nouvelle route en direction de Saint-Florent. En revanche, le site des Caldanelle est en contrebas de la nouvelle route à mi-chemin entre Sagone et Vico. Ce sont les deux sites avec une occupation romaine attestée…

On ne sait si d’autres vestiges antiques ont été mis à jour en même temps que cette lampe, mais c’est l’entrepreneur en charge des travaux, Antoine-Toussaint Canale (1791-1877), qui conservera cet objet avant de le transmettre à son petit-fils François Nicoli (1845-1898). Après de brillantes études, ce dernier devient avocat au barreau d’Ajaccio, puis entame une carrière journalistique et politique. Conseiller général du canton de Salice, 1er adjoint au maire d’Ajaccio, bâtonnier, François Nicoli, grand défenseur de l’idéologie bonapartiste, est aussi rédacteur en chef du Réveil, puis du Drapeau, journaux dans lesquels il écrit sous son nom ou sous les pseudonymes de Collin ou Effen. Comme beaucoup de notables de son temps, François Nicoli est enfin un passionné d’histoire locale. Cette lampe en bronze matérialise cet intérêt pour le patrimoine romain alors en cours de redécouverte et qui est souvent à l’origine de la constitution de collections privées. Dans le périodique Le Drapeau du 26 mars 1891, François Nicoli consacre d’ailleurs son éditorial à Sagone et y cite cet objet.

Note : 5 sur 5.

Épitaphe de Lucius Vibrius Punicus

Épitaphe de Lucius Vibrius Punicus, premier gouverneur de la Corse
Anonyme, entre 30 et 54 de notre ère, pierre calcaire, 86 x 75 x 16 cm
Musée Faure, Aix-les-Bains, Inv. 2013.0.377 © Musée Faure, Aix-les-Bains

Texte : François Michel, épigraphiste, chercheur associé à l’Institut Ausonius (UMR 5607 CNRS) Université Bordeaux Montaigne.

L(ucio) Vibrio A(uli filio) Vol(tinia) / Punico praef(ecto) / equitum, / primopilo, trib(uno) / mil(itum), praef(ecto) Corsicae. / L(ucius) Vibrius Punicus / Octavianus [filius fecit].

« À Lucius Vibrius Punicus, fils d’Aulus, inscrit dans la tribu Voltinia, préfet des cavaliers, (centurion) primipile, tribun des soldats, préfet de la Corse. Lucius Vibrius Punicus Octavianus, son fils, a réalisé (ce monument). »

L. Vibrius Punicus, originaire de Gaule narbonnaise, comme en témoigne son inscription dans la tribu Voltinia, a accompli un service militaire exemplaire avant d’entrer dans l’ordre équestre et de se voir confier la charge de préfet de Corse : sorti du rang comme centurion primipile, il est successivement devenu tribun militaire angusticlave, puis préfet d’une aile de cavaliers. L. Vibrius Punicus a ensuite pu exercer sa charge de préfet de Corse soit en tant que subordonné des prolégats ou des préfets de la province de Corse et Sardaigne, soit en tant que gouverneur autonome de la Corse. Selon sa carrière, il semble avoir été chargé de ce gouvernement dans les années 30-40 de notre ère, avant l’établissement en Corse d’une province autonome. Auparavant considérées comme des districts militaires, les îles étaient probablement gérées séparément par les commandants des unités qui y maintenaient l’ordre avant que la séparation effective ne soit entérinée par Claude qui y a installé deux procurateurs. L. Vibrius Punicus est donc probablement le premier gouverneur de la Corse.

Note : 5 sur 5.

Anse décorée d’une tête féminine

Anse décorée d’une tête féminine
Lieu de découverte : Mariana, nécropole I Ponti
2e moitié du Ier siècle de notre ère, verre, 7,2 x 4 cm
Musée de Mariana, Lucciana, Inv. MAR102090 © J.-A. Bertozzi/Musée de Bastia

Texte : Jeanne Belgodère, archéologue, régisseuse des collections du musée de Mariana.

Les femmes portent les cheveux longs qu’elles tressent, frisent, ondulent, coiffent en chignon et accessoirisent au gré des modes successives. Assez simples sous la République, les coiffures se sophistiquent ensuite sous l’influence des impératrices qui affirment leur propre style, imité par l’aristocratie. Elles deviennent un véritable marqueur social. Les femmes les plus aisées peuvent être coiffées et maquillées par une esclave spécialisée. L’épingle à cheveux est l’accessoire principal qui permet de fixer et de décorer la chevelure.
De nombreuses épingles ont été mises au jour sur les sites d’Aleria et de Mariana en contexte d’habitat ou dans des sépultures. Certaines portent des décors, simples ou plus ouvragés. Elles sont déclinées en bronze, en argent, en os, et très rarement en or, comme cet exemplaire exceptionnel qui provient de l’une des tombes de la nécropole de Pruniccia à Mariana. Elle ornait la chevelure de la défunte, personne aisée de toute évidence, au vu des bijoux dont elle était parée.
Si les exemples de coiffure romaine sont bien connus par l’iconographie et la statuaire, ils se déclinent également en ornementation de nombreux supports, révélant la finesse et le savoir-faire des artisans. Ici, ce fragment d’anse de cruche décoré à sa base d’un médaillon moulé représente une tête de femme très finement modelée, dont la chevelure est coiffée en bandeaux sur le haut de la tête et retombe en boucles sur les côtés.

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES

Quoi ?
Corsica Rumana. Une île méditerranéenne à l’époque romaine.
Cette exposition est organisée par le musée de Bastia / museu di Bastia.
Commissaires : Ophélie de Peretti, archéologue, directrice du musée de Mariana, et Jeanne Belgodère, archéologue, régisseuse des collections du musée de Mariana.