EXPOSITION # 22

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

Quartier des théâtres oblige…, la première exposition temporaire, offerte par L’École des Arts Joailliers en son nouveau lieu, traite des bijoux de scène de la Comédie-Française. Celle-ci réunit cent-vingt accessoires, œuvres d’art et documents très majoritairement issus des collections de ce théâtre. Sujet totalement inédit. En guise de préambule, une vidéo diffuse un extrait d’une célèbre pièce de Georges Feydeau, Un fil à la patte, où une bague est l’objet d’un quiproquo. Oui, un bijou sert parfois à faire rebondir l’intrigue. Grâce à ce petit film, on aborde le sujet le sourire aux lèvres.

Les deux premiers actes de l’exposition se déroulent dans l’obscurité, comme si le visiteur ou la visiteuse se trouvait dans les coulisses. Il lui semble entendre au loin l’impatience des comédiennes et comédiens. Là, des tableaux, gouaches, miniatures, estampes, manuscrits, factures de fournisseurs évoquent les premières traces de bijoux de scène. « Les parures que portaient les acteurs et les actrices provenaient majoritairement de leur cassette personnelle », explique Agathe Sanjuan, ancienne directrice de la bibliothèque-musée de la Comédie-Française et commissaire de l’exposition. « À exhiber leurs parures sur les planches, ils faisaient étalage de leur réussite sociale. Au risque d’être en contradiction avec l’action ! La recherche de véracité historique ne s’impose qu’à la fin du XVIIIe siècle. » Cependant, les bijoux ayant une fonction dans l’intrigue de la pièce étaient fournis par le théâtre. Durant le Premier Empire, les bijoux de théâtre répondent à la vogue pour l’antique. Témoin, cette couronne de lauriers en métal doré qui coiffait le grand Talma dans Britannicus. Mythique à double titre, elle lui fut offerte par Napoléon, dont il était proche, pour le féliciter de sa prestation dans le rôle de Néron.

Un rideau de velours noir franchi, le public se trouve en pleine lumière, comme sur scène. Des silhouettes de comédiennes et comédiens sont projetées sur des parois lumineuses, telles des ombres chinoises accentuant l’effet théâtral de la scénographie. Place au romantisme. La tragédienne Rachel est l’héroïne de cette période. « Issue d’une famille pauvre de marchands ambulants, la tragédienne connut une carrière fulgurante, précise Agathe Sanjuan. Entrée à la Comédie-Française en 1838, elle fut invitée à se produire devant toutes les cours d’Europe et jusqu’aux États-Unis. » Hélas, de santé fragile, elle mourut de phtisie à l’âge de 36 ans. Mlle Rachel raffolait de bijoux, vrais ou faux. Dans Phèdre, elle change de parures à chaque acte. Dans Bajazet, elle apparaît couverte de pierreries, du turban jusqu’à la ceinture. Nous sommes en plein orientalisme. Son poignard serti de strass et de pierres de couleur évoque, à lui seul, la magnificence de sa tenue. Ces accessoires étaient-ils conçus pour briller de loin? À les regarder de près, pour la première fois, on reste ébloui par la délicatesse de leur fabrication. Du toc peut-être mais quelle technique ! La réalisation de certains ornements fait appel aux codes de la haute joaillerie. Ainsi, ce diadème aux étoiles « tremblantes » montées sur ressorts, ou cette parure de verre bleu et cristal transformable tel un joyau précieux ; elle est composée de boucles d’oreilles et d’un collier dont l’élément de corsage peut se déclipser et devenir un pendentif.

À mesure que les visiteurs et les visiteuses s’engagent dans la fameuse salle des fêtes, point d’orgue de l’exposition, d’autres surprises les attendent. D’impressionnants costumes ont été empruntés au Centre national du costume et de la scène. Voici par exemple la tunique qui habillait Mounet- Sully dans Athalie de Racine, le torse orné d’un volumineux pectoral en cabochons de verre montés sur paillons pour mieux scintiller. Le dernier acte met à l’honneur les figures de la Belle Époque : Mlle Bartet, Édouard de Max, Sarah Bernhardt bien-sûr. Ces artistes sont des « monstres sacrés », comme Jean Cocteau qualifia les interprètes qui l’émerveillèrent, jeune homme. Des portraits monumentaux, photographies en noir et blanc hautes de trois mètres, sont là pour illustrer leur imposante présence scénique.

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

Note : 5 sur 5.

Couronne de laurier de Talma

Anonyme
Couronne de laurier de Talma pour le rôle de Néron (dans Britannicus de Jean Racine)
1814, fonte d’alliage cuivreux doré, textile.
© Coll. Comédie-Française © L’ÉCOLE Van Cleef & Arpels. Photo Benjamin Chelly

La couronne de laurier, symbole de gloire et de succès… En 1814, Napoléon 1er fait un triomphe au grand Talma pour son rôle de Néron dans Britannicus. En guise de louanges, il lui offre cette couronne inspirée de celle de son sacre, réalisée en métal doré et présentée dans un écrin en cuir. Elle s’accompagne d’une gravure de Parfait Augrand et d’une inscription manuscrite. « Talma, nous faisons de l’histoire », y déclare l’Empereur. Il s’agit de l’une des plus prestigieuses pièces de la collection de la Comédie-Française. – Texte par Débora Bertol, Beaux-Arts magazine 

Note : 5 sur 5.

Diadème de Rachel

Anonyme
Diadème de Rachel aux perles et camées pour le rôle de Phèdre à l’acte I
(dans Phèdre de Jean Racine)
1843, tôle en argent doré, camées coquille sertis dans des bâtes en argent,
perles d’imitation, velours crème et ruban de soie noir.
© Coll. Comédie-Française © L’ÉCOLE Van Cleef & Arpels. Photo Benjamin Chelly

Rachel, étoile toute puissante de la Comédie-Française dans les années 1840-1850, porte dans Phèdre de nombreux diadèmes, incarnant pleinement la vogue romantique. Dans la peau de l’héroïne tragique parfaite de Jean Racine, la comédienne renouvelle l’esthétique du bijou à l’antique, comme avec cet exemplaire composé de tôle en argent doré, de perles d’imitation et de camées coquille, dont la qualité de réalisation est digne des plus grands joailliers. – Texte par Débora Bertol, Beaux-Arts magazine 

Note : 5 sur 5.

Pectoral de Mounet-Sully

Anonyme
Pectoral de Mounet-Sully pour le rôle de Joad (dans Athalie de Jean Racine)
1892, alliage cuivreux doré, textile, verres facettés sur paillons.
© Coll. Comédie-Française © L’ÉCOLE Van Cleef & Arpels. Photo Benjamin Chelly

Porté par le grand prêtre Aaron, qui officiait dans le Temple de Jérusalem avant sa destruction, le pectoral hoshen ha-mishpat est un objet mythique. Composé de douze pierres représentant les douze fils d’Israël, il est minutieusement décrit dans un chapitre de l’Ancien Testament. Afin d’apporter authenticité au personnage de Joad dans la tragédie Athalie de Jean Racine, la Comédie-Française en a confié la réalisation à un artisan, aidé d’une importante documentation. Ce pectoral est l’un des premiers bijoux ayant été reconstitués avec un souci d’exactitude historique. Conservé avec les bijoux de scène de la Comédie-Française, il a été porté par Mounet-Sully lors de la mise en scène de 1892. – Texte par Débora Bertol, Beaux-Arts magazine 

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES