EXPOSITION # 06

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

Du XIVe au XVIe siècle, l’Europe a été le théâtre d’une effervescence intellectuelle, artistique et scientifique nouvelle, que la postérité a consacrée sous le nom de Renaissance. L’humanisme en constitue le cœur : né dans l’Italie du XIVe siècle et caractérisé par le retour aux textes antiques et la restauration des valeurs de civilisation dont ils étaient porteurs, le mouvement humaniste a produit en Occident un modèle de culture nouveau, qui a modifié en profondeur les formes de la pensée comme celle de l’art. Les princes et les puissants s’en sont bientôt emparés pour fonder sur lui une image renouvelée d’eux-mêmes, comme l’attestent tout particulièrement les grandes et magnifiques bibliothèques qu’ils ont réunies.

La BnF consacre une exposition à cette épopée culturelle et à ce moment décisif dans l’avènement de notre modernité, où littérature et art occupent une place maîtresse. La présentation de plus de 200 œuvres, comprenant des manuscrits, des livres imprimés, des estampes, des dessins, des peintures, des sculptures et objets d’art, des monnaies et médailles issues des collections de la BnF et de prêts extérieurs de grandes collections parisiennes (musée du Louvre, musée Jacquemart-André), plonge le visiteur dans l’univers de pensée et le monde des humanistes de la Renaissance.

Le parcours de l’exposition conduit du cabinet de travail privé du lettré s’entourant de ses livres dans son studiolo jusqu’à l’espace ouvert au public des grandes bibliothèques princières. Entre ces deux moments qui disent l’importance capitale des livres et de leur collecte, le visiteur est invité à explorer les aspects majeurs de la culture humaniste de la Renaissance : le rôle fondateur joué au XIVe siècle par Pétrarque et sa bibliothèque ; la redécouverte des textes antiques et la tâche de leur diffusion par la copie manuscrite, le travail d’édition, la traduction ; l’évolution du goût et des formes artistiques qu’entraîne une connaissance toujours plus étendue du legs de l’Antiquité ; la promotion nouvelle de la dignité de l’être humain et des valeurs propres à sa puissance d’action et de création, telles que le programme humaniste de célébration des hommes illustres les exalte.

Tout au long du parcours, manuscrits magnifiquement calligraphiés et enluminés et livres imprimés à la mise en page et l’illustration renouvelées par des modèles empruntés à l’Antiquité sont replacés dans le dialogue que l’art du livre de la Renaissance ne cesse d’entretenir avec l’ensemble des arts plastiques et visuels du temps : peinture et sculpture, art de la médaille et de la reliure, gravure et dessin. La culture des lettres promue par les humanistes est ainsi réunie au culte de la beauté par lequel ils entendaient créer les conditions propices à l’établissement d’un rapport neuf et toujours plus étroit avec la culture de l’Antiquité : un rapport qui ne faisait pas seulement de la civilisation antique une matière d’étude mais aussi l’objet d’une véritable « renaissance », qui n’envisageait pas seulement cette civilisation comme un monde de connaissances historiques mais aussi comme un monde de valeurs toujours actuelles, de manière à accomplir la promesse d’humanité contenue dans le mot même d’humanisme.

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

Ovide (43 av. J.-C. – 17 apr. J.-C.), Métamorphoses, Florence et Venise ?, vers 1480-1485 ;
copié par Antonio Sinibaldi et enluminé par le Maître du Pline de Londres.
Parchemin, 174 f. ; 320 × 190 mm.
Reliure de maroquin rouge à décor doré et argenté aux armes et chiffre d’Henri II.
BNF, MSS, Latin 8016. © BnF, département des Manuscrits.

Copié à Florence en une superbe écriture humanistique attribuée à Antonio Sinibaldi, à la demande du cardinal Jean d’Aragon, fils du roi de Naples Ferdinand Ier, ce manuscrit fut vraisemblablement enluminé à Venise par le Maître du Pline de Londres, artiste qui prend son nom d’un incunable de l’Historia naturalis de Pline imprimé dans la cité lagunaire en 1472 par Nicolas Jenson (British Library, IC19662). L’encadrement du f. 1 comporte des motifs empruntés au répertoire antiquisant peints sur un fond bleu en dégradé et une vignette représentant Ovide à son pupitre. Le rendu de l’espace du studiolo et les vibrations de la lumière témoignent de l’influence d’Antonello de Messine, présent à Venise en 1484-1485.

Gennaro Toscano, professeur des universités, conseiller scientifique pour le Musée, la recherche et la valorisation, direction des collections, Bibliothèque nationale de France.

Note : 5 sur 5.

Enlumineur lombard (Maître B. F.), Portrait équestre du condottiere Muzio Attendolo Sforza,
dans Vita di Muzio Attendolo Sforza (Vie de Muzio Attendolo Sforza)
, Antonio Minuti, Milan,1491
© BnF, département des Manuscrits

Cet exemplaire de la Vie de Muzio Attendolo Sforza, père de Francesco, a été copié en 1491 pour Ludovic le More dont le portrait, peint d’après une médaille de Cadarosso, apparaît dans un médaillon du f. 1. Le portrait équestre de Muzio Attendolo Sforza (f. 4v) s’inscrit dans une architecture classique riche de références à l’antique : trophées d’armes, médaillons avec portraits de profil et inscriptions en capitales romaines.
Par sa monumentalité, ce portrait évoque le projet de Léonard de Vinci pour le monument équestre de Francesco Sforza, dont la réalisation, commencée en 1489, fut interrompue par l’imminente descente de Charles VIII en Italie en 1494.
Dans le feuillet qui lui fait face, le riche encadrement de perles, de candélabres, de putti et de motifs végétaux sur fond coloré présente dans la marge supérieure un médaillon avec un Maure de profil, allusion au destinataire du volume, Ludovic le More ; dans la marge inférieure, quatre putti soutiennent les armes des Sforza. Le portrait de profil de Muzio Attendolo est répété dans le carré réservé à l’initiale.

Jean-Marc Chatelain, directeur de la Réserve des livres rares, Bibliothèque nationale de France.

Note : 5 sur 5.

Suétone (69 ?-126 ?), Vitæ duodecim Cæsarum, Rome, vers 1474 ;
copié par Bartolomeo Sanvito et enluminé par Gaspare da Padova et un collaborateur.
Parchemin, tempera et encres colorées, 164 f. ; 276 × 180 mm
BNF, MSS, Latin 5814 © BnF, département des Manuscrits.

Ce manuscrit représente l’un des chefs-d’œuvre de l’enluminure à l’antique et témoigne de la renommée atteinte par ce courant dans la Rome de Sixte IV (1471-1484). L’incipit de la vie de chaque empereur [voir ci-dessous] est décoré par une série de monnaies frappées pendant son gouvernement, tandis que chaque initiale historiée illustre un fait majeur de son règne. Les monnaies, les trophées et les scènes qui accompagnent les initiales historiées sont peints en terre de Sienne et rehaussés d’or. Ce recueil peut être considéré comme le répertoire de monnaies romaines le plus complet que la Renaissance nous ait laissé. Les artistes ont en effet copié avec une grande fidélité les monnaies qui correspondaient aux règnes des empereurs traités dans l’ouvrage de Suétone. La rigueur philologique du choix de ces monnaies laisse à penser que les artistes connaissaient parfaitement les collections numismatiques constituées à Rome à l’époque et qu’ils y avaient libre accès pour pouvoir copier les originaux.

Gennaro Toscano, professeur des universités, conseiller scientifique pour le Musée, la recherche et la valorisation, direction des collections, Bibliothèque nationale de France.

Note : 5 sur 5.

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