EXPOSITION # 49

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

La flottille princière du château de Chantilly (XVIIe – XIXe siècles)

À partir des années 1660, à la demande du prince Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé (1621-1686), André Le Nôtre imagine pour le domaine de Chantilly un parc à la hauteur de son illustre propriétaire. Le jardinier royal transforme le paysage et dote les abords du Château de Chantilly de canaux indispensables à l’épanouissement d’une luxueuse flottille princière à Chantilly. Dès les années 1670, galiotes, chaloupes, frégates, gondoles et pirogues pavoisées et colorées colonisent les eaux pour le plaisir et le divertissement des Condé et de leurs invités. La bibliothèque et les archives du musée Condé ont décidé de faire découvrir à un large public cette histoire nautique, totalement disparue et aujourd’hui inconnue, en lui présentant des œuvres graphiques, des plans, des livres et des documents d’archives. L’exposition s’articule autour de quatre parties.
Les origines des canaux navigables de Chantilly sont d’abord présentées, avec notamment le Grand Canal, plus long que celui de Louis XIV à Versailles. La flottille princière de Chantilly n’a d’ailleurs pas, comme celle du roi à Versailles, de vocation expérimentale, ni dans le domaine scientifique, ni dans le domaine militaire. Le Grand Canal de Chantilly n’est en rien un laboratoire de projets navals. Sa flottille n’a de raison d’être que le divertissement et le plaisir des princes.
Une importante partie est ensuite consacrée à la flottille princière de Chantilly, depuis sa création à la fin du XVIIe siècle, jusqu’à sa disparition dans le sillage de la Révolution de 1789. Les embarcations sont abordées à travers leur type, leur provenance, leur aspect structurel, leur décoration, leur entretien et leur personnel. L’effectif de cette flottille est d’ailleurs assez modeste et sa typologie n’évolue que peu dans le temps. Des échanges en matière nautique existent toutefois bien entre Chantilly et Versailles. Louis XIV offre de luxueux bateaux aux Condé qui, de leur côté, correspondent avec des acteurs de la flottille de Versailles ou de celle du royaume : le prestigieux sculpteur Caffieri travaille tout autant à l’ornementation des vaisseaux du roi qu’à celle des plus prestigieuses chaloupes des Condé.
L’accent est ensuite mis sur l’implication de la flottille condéenne dans la réussite des fastueuses fêtes offertes aux plus importants notables du royaume, à commencer par Louis XIV en 1671, le Grand Dauphin en 1688 ou encore Louis XV en 1722. Ses bateaux se trouvent en effet au cœur de spectacles grandioses dans lesquels, de jour comme de nuit, de féériques représentations nautiques associent la musique à une pyrotechnie abondante qui enflamme les embarcations, les berges des canaux et les parterres de Le Nôtre. Les embarcations les plus modestes supportent les décors ou les feux d’artifice, tandis que les plus prestigieuses paradent ou s’affrontent lors de combats nautiques orchestrés pour le plaisir du public.
Enfin, l’exposition montre que la flottille présente à Chantilly au XIXe siècle est grandement affaiblie. La renaissance nautique des années 1840 est bien pâle même si le dernier propriétaire privé du château, Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), introduit dans son domaine, au cours des dernières décennies du XIXe siècle, un parfum de yachting anglais.

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

présentées par le commissaire de l’exposition
Florent Picouleau
, chargé d’archives du musée Condé

Note : 5 sur 5.

École française de la fin du XVIIe siècle, anciennement attribué à Lievin Cruyl (1640-1720)
Vue du château de Chantilly et des parterres prise du Vertugadin, vers 1680
Gouache sur vélin. H. 0,260 m ; L. 0,345 m
Chantilly, musée Condé, PE 350
© GrandPalaisRmn Domaine de Chantilly – Gérard Blot

Dès 1671, les premières embarcations d’agrément voguent à Chantilly. En 1791, dans son recueil de vues des jardins de Chantilly, le graveur Jean-Gabriel Mérigot précise : « Le grand Canal a trois quarts de lieus de longueur, et environ quarante toises de largeur. Il est animé par des groupes de cygnes qui flottent fièrement sur la surface, et par des carpes énormes, de différentes couleurs, qui bondissent et jouent dans le fond de l’eau, ou s’avancent en troupe sur les bords, pour recevoir l’aliment qu’on a coutume de leur porter ». D’ailleurs, vingt-neuf ans plus tôt, le duc de Croÿ parle déjà de ces gros poissons colorés, qu’il estime à environ quarante mille individus, et qui arrachent le pain de la main. D’apparence simple, le Grand Canal de Chantilly est cependant savamment pensé, associant un grand axe principal à quatre parties distinctes et pourtant complémentaires dans leur fonction de drainage et de gestion des eaux : le Grand Rond, l’Hexagone, la Manche et la Grande Écluse.
Lors de manœuvres spécifiques ou d’événements extraordinaires, il convient de recourir ponctuellement à un personnel qualifié ou tout au moins plus nombreux. En 1688, au cours de la fête donnée en l’honneur du Dauphin, le prince de Condé fait expressément venir à Chantilly des mariniers pour jouter sur l’eau et tirer l’oie sur le Grand Canal afin de divertir Louis de France (1682-1712) et les seigneurs qui l’accompagnent. Mais le plus souvent, le temps d’une promenade ou d’une fête, les valets des Condé se costument en matelots et s’improvisent rameurs des somptueuses embarcations. C’est le cas en 1688, lors du séjour du Dauphin de France à Chantilly. À ce titre, en 1786, une petite veste de matelot est raccommodée pour la modique somme de 6 sols. Mais qu’importe le prix, les princes ne regardent pas à la dépense lorsqu’il s’agit de leur flottille de Chantilly, surtout lorsque celle-ci transporte sur les eaux, au cours de fêtes somptueuses et mémorables, l’illustre renommée de leur famille.

Note : 5 sur 5.

Israël Silvestre (1621-1691), Veuë du Chasteau de Chantilly a dix lieues de Paris, vers 1661
Gravure sur cuivre. H. 0,13 m ; L. 0,24 m
Chantilly, musée Condé, don Le Maresquier 1207, 1971-3-8
© GrandPalaisRmn Domaine de Chantilly – Adrien Didierjean

Les plus grandes embarcations sont souvent escortées par de plus petites qui sécurisent l’appareillage et ouvrent la voie à la navigation. Les dimensions et la faible profondeur des canaux de Chantilly limitent la taille des bateaux qui sont contraints de s’adapter aux lieux. Les plus longs, à grande voilure ou encore à fort tirant d’eau, en sont de fait exclus. Cependant, en fonction des besoins ou des festivités nautiques, les bâtiments sont quelquefois déplacés. En septembre 1726, par exemple, Guillaume Poirée, charpentier de son état, consacre deux jours à mener une petite chaloupe depuis le Grand Canal jusque sur le fossé du château. Deux groupes composent la flottille de Chantilly : celui d’embarcations richement décorées, imaginées pour les plaisirs nautiques et les divertissements aristocratiques, et celui d’embarcations plus modestes réservées au travail, à la pêche ou à la chasse. Les archives sont muettes sur le nom des bateaux de plaisance de Chantilly. Seul le responsable des chasses des princes de Condé, Jacques Toudouze, semble y faire allusion en novembre 1779 dans le journal qu’il tient au quotidien de 1748 à 1785 : « Après diner promenades de LL. AA. SS. et compagnie à la Ménagerie, aux Eaux minérales, et ensuite LL. AA. SS. ont été voir la Géante ». Mais s’agit-il vraiment bien là d’un bateau ? En tout cas, ce qui est certain, c’est que le Grand Condé, dès la création de sa flottille à Chantilly, place à sa tête un référent chargé de l’entretenir et de la conduire.

Note : 5 sur 5.

Anonyme (XVIIIe siècle), d’après Jean-Baptiste Le Paon (vers 1736-1785),
Chasse au cerf offerte au comte et à la comtesse du Nord dans le parc de Chantilly ; 12 juin 1782 ;
hallali dans le Grand Canal,
4e quart du XVIIIe siècle-4e quart du XIXe siècle
Copie réalisée en Russie de l’original peint entre 1783 et 1785
Huile sur toile. H. 0,980 m ; L. 1,60 m
Chantilly, musée Condé, PE 400
© GrandPalaisRmn Domaine de Chantilly – Gérard Blot

La flottille princière de Chantilly ne se résume pas à quelques galiotes. Bien d’autres embarcations naviguent sur les canaux dessinés par Le Nôtre, à l’instar des chaloupes. Ici, barques et chaloupes manœuvrent sur le Grand Canal de Chantilly, et certains rameurs portent la livrée des valets de pied des princes de Condé, ventre-de-biche et amarante. L’original de l’œuvre, peint de 1783 à 1785 pour le prince de Condé, fut offert en souvenir par ce dernier au comte du Nord, le grand-duc Paul, futur tsar Paul Ier (palais musée de Pavlovsk). En 1884, lors d’un séjour à Chantilly, le grand-duc Wladimir fit don de cette copie au duc d’Aumale.

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES

Quoi ?
La flottille princière du château de Chantilly (XVIIe – XIXe s)

Cette exposition est organisée par le musée Condé du château de Chantilly (Institut de France).
Commissariat : Florent Picouleau, chargé d’archives du musée Condé.

Comment ?
Le catalogue de l’exposition est publié aux Éditions Faton (112 pages, 50 illustrations, 29 euros).