EXPOSITION # 50

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

Les mondes de Watteau

Les collections du duc d’Aumale, conservées au musée Condé du Château de Chantilly, abritent un ensemble de dix œuvres d’Antoine Watteau (1684-1721). En partant de ces six dessins et quatre peintures, l’exposition envisage de montrer au public Les mondes de Watteau. Reposant sur de nombreux prêts de collections publiques et privées, françaises et internationales, l’exposition présente cinq thèmes centraux de l’œuvre peint et dessiné d’Antoine Watteau.
De son vivant, Watteau gagne rapidement en notoriété. Né en 1684 à Valenciennes, il arrive aux alentours de 1700 à Paris, où il effectue toute sa carrière, jusqu’à sa mort en 1721. Les sources anciennes et l’historiographie consacrées à Antoine Watteau ont toujours mis en avant son apport à un genre préexistant, celui de la fête galante. Or, pour mettre en place les nouveaux schémas de cette peinture de genre, le peintre fait plusieurs tentatives, lesquelles reposent sur la pratique du dessin. Ainsi, l’exposition aborde quatre thèmes (portraits, copies d’après les maîtres, regards sur le monde contemporain, modes et costumes de divertissement) présents et centraux dans les fêtes galantes de l’artiste, qui concluent le parcours dans une cinquième section.
L’exposition se déroule comme un cheminement dans l’atelier d’Antoine Watteau qui dévoile ses manières de dessiner, de peindre et la postérité immédiate que son entourage s’est empressé d’organiser. Jean de Jullienne a d’ailleurs laissé son nom à l’entreprise qu’il a dirigé et qui consista à graver le plus grand nombre possible d’œuvres de Watteau afin d’en créer le premier catalogue d’un artiste contemporain. L’un de ces extraordinaires et rares recueils sera exceptionnellement présenté à Chantilly.
Aussi mystérieux que célèbre, Watteau est un artiste rare. Le musée Condé conserve la deuxième plus importante collection de ses œuvres en France après le Louvre. Empreintes de délicatesse et de sentiments souvent cryptés, ses compositions d’une poésie sans pareille abordent les thématiques de l’amour, de l’amitié, des plaisirs musicaux, de la danse. Mais il y est aussi question de rejet et de moqueries, d’amour non réciproque et de solitude – autant de sentiments universels qui expliquent pourquoi les dessins et peintures de Watteau n’ont rien perdu de leur force, ni de leur actualité. Cet artiste sut mieux que quiconque capter l’esprit de son temps et retient, avec ses œuvres parfois énigmatiques et ambiguës, tout le raffinement des fêtes privées qui se donnaient sous l’Ancien Régime.
Pour exposer Watteau sous son meilleur jour, le musée Condé a fait restaurer la plupart des chefs-d’œuvre qu’il conserve et emprunté des peintures ou dessins qui le montrent au sommet de son art. Les plus grands spécialistes de l’artiste ont en outre apporté leur concours à ce projet, qui a permis de nombreuses découvertes et des recherches inédites. Le parcours permet de comprendre à quelles sources il a puisé, comment il construisait ses compositions, quels effets il recherchait et nous plonge ce faisant au cœur de la genèse de certaines scènes parmi les plus énigmatiques qui ont jamais été peintes.

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

présentées par les commissaires scientifiques de l’exposition
Axel Moulinier
, docteur en histoire de l’art,
et Baptiste Roelly, conservateur des dessins, estampes, manuscrits et livres anciens
au Petit Palais – Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.

Note : 5 sur 5.

Portrait d’Antoine Watteau

Antoine Watteau (Valenciennes, 1684 – Nogent-sur-Marne, 1721),
François Boucher (Paris, 1703 – Paris, 1770) ou Jean de Jullienne (Paris, 1686 – Paris, 1766) ?
Portrait d’Antoine Watteau au portefeuille, vers 1715
Sanguine, pierre noire et craie blanche. 23,8 × 20 cm
Chantilly, musée Condé, PD 477
© GrandPalaisRmn Domaine de Chantilly – Adrien Didierjean

Ce dessin a été gravé en contrepartie par François Boucher comme frontispice aux Figures de différents caractères, recueil de gravures d’après Watteau publié par son ami Jullienne en 1726. Elle porte la mention : « Watteau pinxit », qui a longtemps fait prendre ce dessin pour un autoportrait de Watteau. D’autres y voient une copie par Boucher. Le dessin faisait partie de la vente Jullienne en 1767. Il apparaît sur le portrait de Jean de Jullienne peint en 1722 par François de Troy (Valenciennes, musée des Beaux-Arts), où Jullienne tient ce dessin et un crayon, ce qui semble indiquer qu’il est l’auteur de la feuille.

Note : 5 sur 5.

L’Amour désarmé

Antoine Watteau (Valenciennes, 1684 – Nogent-sur-Marne, 1721), L’Amour désarmé, vers 1715
Huile sur toile. 47 × 38 cm, ovale
Chantilly, musée Condé, PE 369
© RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly – Harry Bréjat

Ce tableau, l’un des moins contestés de Watteau, présent dans toutes les monographies de l’artiste, est l’une des huit peintures que Jean de Jullienne, l’ami et le protecteur de Watteau, a conservées jusqu’à sa mort en 1766. Passé en 1767 dans la vente après décès de Jullienne, puis en 1783 à la vente de Montullé, exécuteur testamentaire de Jullienne, il disparut alors pour resurgir un siècle plus tard dans la collection du Marquis Maison. Selon le peintre Pierre-Nolasque Bergeret (1782-1863), L’Amour désarmé aurait été vendu à l’hôtel Bullion après la Terreur pour une somme dérisoire à un ancien amateur et aurait reparu à Paris, revenant de Londres, acquise par un riche Anglais. Le sujet surprend chez le peintre des fêtes galantes, qui traite assez rarement de sujets mythologiques. Selon Mariette, Watteau se serait inspiré d’un dessin de Véronèse (Louvre) ayant appartenu au banquier Pierre Crozat, puis à Mariette lui-même. C’est pourquoi les spécialistes ont souvent rapproché ce tableau du dessin de Crozat et de L’Automne du musée du Louvre, dont l’esprit et le format sont voisins. Rares sont en effet les sujets mythologiques chez Watteau : serait-ce un tableau académique peint au moment de sa réception ?

Note : 5 sur 5.

Le Plaisir pastoral

Antoine Watteau (Valenciennes, 1684 – Nogent-sur-Marne, 1721), Le Plaisir pastoral, vers 1716
Huile sur panneau de noyer. 31 × 44 cm
Chantilly, musée Condé, PE 370
© RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly – Michel Urtado

Comme à son habitude, Watteau a utilisé plusieurs dessins préexistants pour Le Plaisir pastoral. Le plus ancien, datable entre 1711 et 1713, prépare la danseuse principale ; deux autres réalisés vers 1714-1715 présentent l’homme couché et la femme sur la balançoire. Un dernier, aujourd’hui perdu mais connu par une copie, montre l’homme qui se tient à côté de cette dernière. Watteau a également travaillé à partir de deux dessins, utilisés uniquement pour Les Bergers, la version de Berlin, datant d’environ 1717, pour l’homme au bâton et la femme assise à côté de lui. L’artiste les a peut-être exécutés pour retravailler ces figures pour la deuxième version afin de les rendre plus raffinées et contemporaines. Une figure à gauche de la danseuse du tableau de Chantilly, visible à l’œil nu et à la radiographie, n’a pas été conservée par Watteau, vraisemblablement pour rendre sa composition plus lisible. L’analyse du tableau de Berlin montre qu’il a été peint en peu de temps, sans modifications importantes. Sa composition a été entièrement préparée au pigment brun, à l’exception du chien, qui a été ajouté plus tard. En comparaison, Le Plaisir pastoral a une matérialité plus complexe et a dû être peint sur une période plus longue. La succession d’une première composition laborieusement élaborée avec des repentirs et d’une seconde version, comportant des améliorations très spécifiques apportées à la composition d’origine, peinte rapidement avec une technique parfaite, est caractéristique de l’œuvre de Watteau. D’après le style des dessins utilisés et celui des tableaux, Le Plaisir pastoral peut être daté sur un intervalle entre 1715 et 1717. Les aspects hollandais les plus ruraux du Plaisir pastoral de Chantilly sont sublimés et améliorés dans Les Bergers de Berlin. La différence entre les deux tableaux marque également le passage d’une scène de genre d’inspiration flamande à Chantilly à une véritable fête galante à Berlin ou, comme l’a dit Donald Posner, d’une scène champêtre à un jardin d’amour.

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES

Quoi ?
Les mondes de Watteau

Cette exposition est organisée par le musée Condé du château de Chantilly (Institut de France), avec le mécénat des Friends of the Domaine de Chantilly et le généreux soutien de Lionel et Ariane Sauvage.
Commissariat général : Mathieu Deldicque, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée Condé et du musée vivant du Cheval, Château de Chantilly.
Commissariat scientifique : Axel Moulinier, docteur en histoire de l’art, et Baptiste Roelly, conservateur des dessins, estampes, manuscrits et livres anciens au Petit Palais – Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.

Comment ?
Le catalogue de l’exposition, dirigé par Axel Moulinier et Baptiste Roelly, est publié aux Éditions Faton (112 pages, 50 illustrations, 29 euros).