EXPOSITION # 26

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

Couleur, Gloire et Beauté
Peintures germaniques des collections françaises (1420-1540)
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L’exposition Couleur, Gloire et Beauté présentée au Musée Unterlinden au printemps-été 2024 est le volet colmarien de l’ambitieux projet « Peintures germaniques des collections françaises (1370-1550) » mené en partenariat avec l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA), le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon et le Musée des Beaux-Arts de Dijon. Décliné sous la forme d’une exposition en trois volets, ce projet résulte du programme de recherche REPEG (Répertoire des peintures germaniques) mené par l’INHA depuis 2019.

Conçue en écho aux collections de peintures anciennes du Musée Unterlinden dont le fonds comprend des ensembles exceptionnels de panneaux peints parmi lesquels son chef-d’œuvre, le Retable d’Issenheim, l’exposition Couleur, Gloire et Beauté réunit plus d’une soixantaine d’œuvres, attribuées à des artistes renommés comme Martin Schongauer, Albrecht Dürer, Hans Baldung Grien, mais aussi d’autres à (re)découvrir (Caspar Isenmann, Jost Haller, Wilhelm Stetter, ou encore le Maître des Études de draperies…).

Elle invite à une exploration matérielle, historique et stylistique, qui se veut aussi enthousiasmante qu’enrichissante, d’un ensemble significatif et cohérent d’œuvres peintes et produites dans le Rhin supérieur à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance. Elle donne à ses visiteurs des clés de compréhension sur la manière dont ces œuvres étaient techniquement réalisées, sur leurs fonctions et sur les rapports entre les artistes, leurs ateliers et les commanditaires. Elle s’attache également à mettre en exergue les changements qui se sont opérés au fil des décennies dans les goûts des commanditaires et dans les propositions des artistes et donne à voir les résultats du programme de recherche : œuvres redécouvertes, réattribuées, regroupées…

Musée des beaux-arts de DijonMusée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

Présentées par les commissaires de l’exposition
Camille Broucke, conservatrice du patrimoine, chargée des collections d’art ancien et directrice du Musée Unterlinden, et Magali Haas, documentaliste scientifique, responsable des collections d’arts graphiques au Musée Unterlinden

Note : 5 sur 5.

Volets du Retable de la Passion du Christ : La Résurrection, 1465

Fig. 1 : Caspar Isenmann (documenté entre 1432 et 1484)
Volets du Retable de la Passion du Christ : La Résurrection, 1465
Huile et tempera sur bois (épicéa)
187 x 183 cm et 110 x 74,4 cm (première paire de volets)
107 x 155 cm et 107 x 156 cm (seconde paire de volets)
Colmar, Musée Unterlinden (Inv. 88.RP.303)
Séquestre révolutionnaire, 1793 ; don de l’abbé Armpach à Obernai, 1842 pour le panneau de Sainte Barbe et de la Résurrrection du Christ
© Musée Unterlinden, Colmar. Photo Le Réverbère / Mulhouse

Le peintre colmarien Caspar Isenmann se voit confier en 1462 la réalisation des peintures et des polychromie et dorure de l’imposant retable devant orner le maître-autel de la collégiale Saint-Martin. Les circonstances de cette commande sont connues grâce à la conservation d’un contrat passé entre le représentant de l’artiste et les administrateurs de la collégiale, fait assez rare pour être souligné. Achevé en 1465, le retable est installé dans le chœur de Saint-Martin et y reste jusqu’en 1720, date de son effondrement accidentel. Un texte rédigé au verso du contrat de 1462 relate cet évènement qui signe la relégation du polyptyque gothique dans un emplacement moins prestigieux de la collégiale. C’est par conséquent un ensemble incomplet qui est transféré en 1793 dans l’ancien collège des jésuites de Colmar devenu « Musée national ». L’étude matérielle des panneaux a permis d’établir que le retable comportait à l’origine une double paire de volets recouvrant la partie centrale. Fermé, il offrait aux fidèles la vision de six figures de saints représentées en pied (Fig. 2, ci-dessous). La première ouverture donnait à voir les scènes de la Passion, depuis L’Entrée du Christ à Jérusalem jusqu’au Jugement dernier. Enfin, le retable ouvert devait montrer deux scènes sculptées de la Vie de la Vierge ou de l’Enfance du Christ (sans doute la Nativité et l’Adoration des Mages), qui encadraient la caisse du retable, abritant elle-même, probablement, un calvaire sculpté.
Représentée sur la moitié d’un panneau brisé en 1720, La Résurrection (Fig. 1, ci-dessus) devait à l’origine s’articuler avec une autre scène, peut-être un Jugement dernier ou une Ascension. Jésus se tient au centre de la composition, debout devant le tombeau vide. Son manteau rouge retombe sur ses épaules puis sur le sarcophage, mettant sa silhouette en valeur. La position peu naturelle de ses jambes attire elle aussi l’attention du spectateur. La cuve et le couvercle du tombeau sont disposés dans une diagonale qui permet de suggérer la profondeur. Au second plan, la taille réduite des saintes femmes, le petit personnage au bout du chemin ainsi que la disparition progressive des tours de la ville derrière la colline participent également de ces effets de perspective. Sur l’ensemble du retable, la composition des scènes, la conception du paysage, le rendu des textures ou encore des ombres portées révèlent, de la part de Caspar Isenmann, une connaissance de l’art des Pays-Bas méridionaux et de celui de Konrad Witz (Fig. 3, ci-dessous).

Fig. 2 : Caspar Isenmann,
Volets du Retable de la Passion du Christ : Sainte Catherine, saint Laurent et saint Martin, 1465
© Musée Unterlinden, Colmar. Photo Le Réverbère / Mulhouse

Fig. 3 : Caspar Isenmann,
Volets du Retable de la Passion du Christ : la Déploration et la Mise au tombeau, 1465
© Musée Unterlinden, Colmar. Photo Le Réverbère / Mulhouse

Note : 5 sur 5.

Retable d’Orlier, de Martin Schongauer

Fig. 4 : Martin Schongauer (Colmar, vers 1445 – Breisach, Allemagne, 1491)
Retable d’Orlier : L’Ange et la Vierge de l’Annonciation (retable fermé), 1475-1480
Huile sur bois (tilleul), 189 x 57 cm (chaque volet)
Colmar, Musée Unterlinden (Inv. 88.RP. 452). Séquestre révolutionnaire, 1793
© Musée Unterlinden, Colmar. Photo Christian Kempf

Les panneaux du Retable d’Orlier sont les seuls vestiges d’un retable dédié à la Vierge Marie et réalisé par Martin Schongauer pour l’église de la commanderie des Antonins d’Issenheim. Il tient son nom de son commanditaire, Jean d’Orlier, supérieur du couvent entre 1463 et 1490, dont le blason est représenté sur l’un des panneaux. À l’origine, le retable se présentait sous la forme de deux volets latéraux encadrant une partie centrale, certainement une sculpture de Vierge à l’Enfant, aujourd’hui disparue.
Les faces internes des volets (Fig. 5, ci-dessous), visibles quand le retable était ouvert, représentent à droite la Vierge adorant l’Enfant et, à gauche, la figure de saint Antoine. Le patron de l’ordre des Antonins est reconnaissable à ses attributs : la crosse en forme de tau, un livre et, à ses pieds, un petit cochon avec une clochette. Debout et légèrement tourné vers la partie centrale du retable, il fait écho au panneau de Marie adorant l’Enfant Jésus. À ses pieds, le donateur Jean d’Orlier, agenouillé et en prière.
Schongauer réussi à adapter de manière parfaitement habile ses compositions au format étroit et allongé des volets. La figure de la Vierge adorant son enfant prend place dans un jardin dont l’évocation est réduite à sa plus simple expression : une palissade de bois tressé à l’arrière-plan et un sol parsemé de fraisiers. Ce parterre végétal, naturel et délicat à la fois, tranche avec la rudesse de la sombre palissade qui ferme la composition. Au-dessus, sur un fond d’or gravé de rayons, la figure de Dieu le Père bénissant est représentée en buste, au milieu de nuages.
Fermé (Fig. 4, ci-dessus), le retable présente une scène de l’Annonciation qui s’étend sur les deux volets : à droite, l’ange Gabriel et à gauche, la Vierge Marie recevant son message. L’unité de la composition est assurée par un riche tissu de brocards appliqués rouge et or qui est tendu derrière les deux figures, délimitant ainsi l’espace. Gabriel, positionné légèrement de biais, est tourné à la fois vers la Vierge et le spectateur. Face à lui, Marie, pleine d’humilité, se présente tête et yeux baissés, les mains croisées sur un livre. Au premier plan de la composition, le peintre a judicieusement placé le vase contenant le lys, symbole de la pureté de la Vierge. Dominant la composition et étendu sur les deux volets, le buste de Dieu le Père, le globe à la main, émerge au milieu des nuages d’où la colombe au nimbe crucifère s’élance pour se diriger vers Marie.
Le langage pictural de Schongauer, alliant grâce et monumentalité, se traduit principalement par l’élégance des gestes, la douceur des expressions et la netteté des lignes. Autant d’emprunts au naturalisme des flamands et la douceur idéale héritée des peintres du Rhin supérieur.

Fig. 5 : Martin Schongauer (Colmar, vers 1445 – Breisach, Allemagne, 1491)
Retable d’Orlier : La Vierge adorant l’Enfant 
et Saint Antoine présentant Jean d’Orlier (retable ouvert), 1475-1480
Huile sur bois (tilleul), 189 x 57 cm (chaque volet)
Colmar, Musée Unterlinden (Inv. 88.RP. 452). Séquestre révolutionnaire, 1793
© Musée Unterlinden, Colmar. Photo Christian Kempf

Note : 5 sur 5.

Saint Jean l’Évangéliste bénissant la coupe de poison

Fig. 6 : Wilhelm Stetter (Strasbourg, 1497 – 1552)
Saint Jean l’Évangéliste bénissant la coupe de poison, 1519
Huile sur bois (tilleul)
Colmar, Musée Unterlinden (Inv. 88.RP.467). Séquestre révolutionnaire, 1793
© Musée Unterlinden, Colmar. Photo Christian Kempf

Ce panneau daté de 1519 a été réalisé par un peintre strasbourgeois désormais identifié sous le nom de Wilhelm Stetter. Au début des années 1930, il est appelé « Maître WS à la Croix de Malte » en référence aux initiales et à cette même croix qui figurait au revers de ses tableaux. Cette hypothèse est écartée dans les années 50, à l’appui d’un inventaire de 1741 de l’ancienne commanderie Saint-Jean de Strasbourg évoquant le peintre « Wilhelmus Stetter ». Comme l’ensemble des œuvres de l’artiste, ce tableau a été réalisé pour la commanderie des Hospitaliers de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem à Strasbourg, dite Commanderie de l’Ile verte. L’origine de cet ordre militaire et hospitalier, devenu à partir de 1530 l’ordre de Malte, remonte au milieu du XIe siècle en Terre Sainte, suite à la Première Croisade. Dès le XIIe siècle, l’ordre, structuré en commanderies, se répand dans toute l’Europe. Wilhelm Stetter est mentionné pour la première fois dans les archives de la confrérie strasbourgeoise en 1509. Il se verra confier la garde du Trésor ainsi que la création de tous les cycles décoratifs des bâtiments.
L’iconographie de ce tableau suit au plus près le récit de la Légende dorée, texte apocryphe rédigé au XIIIe siècle par Jacques de Voragine, qui est une source pour la conception de nombre d’œuvres médiévales. L’épisode ici représenté est celui où le grand prêtre Aristodème met à l’épreuve saint Jean l’Évangéliste et lui ordonne de boire un breuvage empoisonné. Pour s’assurer de l’efficacité du poison, celui-ci est au préalable testé sur deux condamnés à mort qui succombent aussitôt. Saint Jean prend à son tour la coupe en main, fait un signe de croix et boit d’un trait son contenu sans en éprouver aucun mal.
La scène se déroule au bord d’un lac aux eaux calmes, dont les rives montagneuses plongées dans une atmosphère bleutée témoignent d’une connaissance des paysagistes de l’École du Danube, qui s’épanouit dans les années 1500-1530. La composition choisie par l’artiste confronte deux groupes : d’un côté saint Jean avec les deux condamnés effondrés à ses pieds, de l’autre Aristodème et les habitants d’Éphèse massés derrière lui. Wilhelm Stetter apporte un soin particulier au traitement des visages, tous individualisés, mais aussi aux costumes dont les coloris bigarrés et les détails d’ornement sont caractéristiques de son langage pictural.
Son art, marqué par des figures allongées et parfois mal proportionnées, aux gestes amples mais toujours précis, doit aussi beaucoup à Hans Baldung Grien, formé auprès de Dürer et installé à Strasbourg à partir de 1509.

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES

Quoi ?
Couleur, Gloire et Beauté. Peintures germaniques des collections françaises (1420-1540).

Cette exposition est organisée par le musée Unterlinden de Colmar, en partenariat avec l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), le musée des beaux-arts de Dijon (exposition « Maîtres et merveilles ») et le musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon (exposition « Made in Germany »).

Reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture (direction régionale des affaires culturelles du Grand Est), qui lui apporte à ce titre un soutien financier exceptionnel, elle est placée sous le haut patronage de Viola Amherd, Présidente de la Confédération suisse, d’Emmanuel Macron, Président de la République française, et de Frank-Walter Steinmeier, Président de la République fédérale d’Allemagne.

Commissariat scientifique commun aux trois expositions : Isabelle Dubois-Brinkmann, directrice du musée des Beaux-Arts et du musée historique de Mulhouse, et Aude Briau, doctorante en histoire de l’art (EPHE, PSL / Université d’Heidelberg), chargée d’études et de recherche à l’INHA
Co-commissariat pour l’exposition de Colmar : Camille Broucke, conservatrice du patrimoine, chargée des collections d’art ancien et directrice du Musée Unterlinden, Magali Haas, documentaliste scientifique, responsable des collections d’arts graphiques au Musée Unterlinden, et Pantxika de Paepe, conservatrice honoraire