EXPOSITION # 25

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

Maîtres et merveilles.
Peintures germaniques des collections françaises (1370-1530).

Pour la première fois, trois musées, le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon, le musée Unterlinden de Colmar et le musée des Beaux-Arts de Dijon s’unissent pour proposer, en trois expositions simultanées, une histoire à épisodes de la peinture germanique du Moyen Âge à la Renaissance : la période du XVe siècle au début du XVIe siècle à Dijon, la Renaissance à Besançon, la peinture dans la région du Rhin supérieur aux XVe et XVIe siècles à Colmar.
Ce panorama a été rendu possible grâce au travail scientifique d’Isabelle Dubois-Brinkmann assistée d’Aude Briau. Toutes deux ont établi le catalogue des peintures germaniques des collections françaises dans le cadre du programme de recherche de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), qui fut à l’initiative de ce projet fondamental intitulé Répertoire des peintures germaniques des collections françaises (1370-1550). Les trois villes associées à ce programme partagent, outre des œuvres nombreuses, remarquables et incontournables du patrimoine français, un passé qui les ont toutes liées au Saint Empire romain germanique, selon des temporalités et des territorialités variables.

Mosaïque de principautés, le Saint Empire romain germanique est une entité politique mouvante selon les époques. Les puissances locales, tant laïques que religieuses, ont une grande autonomie par rapport à l’empereur. Dans un climat politique et social difficile – guerres, brigandage, révoltes -, les empereurs successifs peinent à garder le contrôle des provinces.
Pour autant, dans l’empire comme dans le reste du monde occidental, le XVe siècle est un moment de basculement important dans les arts. Depuis la seconde moitié du XIVe siècle dans le nord de l’Europe, les sensibilités et les pratiques religieuses évoluent. Des foyers artisanaux émergent et des individualités artistiques s’affirment dans toutes les régions de l’empire, alors que s’intensifient les circulations des hommes comme des œuvres. Ces territoires, situés entre l’Allemagne, le nord de la Suisse, l’Alsace et l’Autriche actuels, sont ainsi le théâtre d’une intense activité créatrice.
L’exposition du musée des beaux-arts de Dijon présente un fragment de cette histoire par le prisme des peintures, l’un des points forts de la collection du musée grâce au legs de Marie-Henriette Dard en 1916. Le fil du parcours est thématique. Il propose des clés de lecture essentielles à la compréhension de la place de ces œuvres à la fin du Moyen Âge. Il restitue également un état des recherches récentes sur les questions de styles et d’attributions, au gré d’un cheminement entre l’enquête sur des « mains » et des maîtres souvent tombés dans l’anonymat et la découverte de ces « merveilles » rares qui continuent d’étonner et de susciter notre curiosité.

Musée Unterlinden de ColmarMusée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

Présentées par Lola Fondbertasse,
conservatrice du patrimoine, en charge des collections médiévales,
musée des beaux-arts de Dijon,
commissaire de l’exposition

N.B. : les textes proviennent de l’album de l’exposition du musée de Dijon,
publié aux éditions Faton,
en complément du catalogue commun aux trois expositions.

Note : 5 sur 5.

Deux volets d’un retable de la Passion

Atelier du Maître à l’œillet et au brin de lavande de Baden (Thüring Meyerhofer ?)
Deux volets d’un retable de la Passion, Vers 1500
Peinture sur bois, 168 x 76 cm chacun
Dijon, musée des Beaux-Arts, inv. DA 105 C à DA 105 F, Legs Marie-Henriette Dard, 1916
© Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay

Ces deux volets, peint sur la face et au revers, présentent des épisodes de la Passion du Christ. Le retable fermé montre la Cène, le Christ au jardin des Oliviers, le Christ devant Caïphe et la Flagellation. Le récit se poursuit à l’intérieur avec le Couronnement d’épines, l’Ecce Homo, le Portement de croix et la Descente de Croix. Il manquerait par conséquent au centre, aujourd’hui disparue, la scène de la Crucifixion peinte ou sculptée. Un certain nombre de détails, cruels ou anecdotiques, concourent à la narration de l’histoire sainte tandis que les gestes violents et les expressions des personnages devaient susciter l’émotion du fidèle.
Les compositions de six des huit épisodes sont reprises de gravures du cycle de la Passion de Martin Schongauer. Mais, par son dessin vif et l’emploi de couleurs chatoyantes,  l’artiste en a donné une interprétation expressive, qui prend racine dans la peinture strasbourgeoise du milieu du XVe siècle. Le peintre principal était peut-être originaire de cette région avant de rejoindre l’atelier de Baden (Suisse). À ses côtés travaillaient des collaborateurs, comme celui qui introduisit ici et là des visages empreints de douceur, absents des gravures.
À deux reprises figure sur ces panneaux un œillet, qui se retrouve sur un ensemble d’œuvres attribuées à un artiste appelé Maître à l’œillet ; en réalité, elles furent réalisées au sein de plusieurs ateliers suisses actifs autour de 1500 à Fribourg, Berne, Zurich, Soleure et Baden. Alors qu’à la fin du XVe siècle, cette marque prend la forme de deux œillets coupés, rouge et blanc, vers 1500, la fleur blanche est remplacée par un brin de lavande. La signification de ce signe n’est pas complètement élucidée ; il semble faire référence à une association de peintres partageant une même façon de travailler, dont les rapports restent difficiles à cerner.

Note : 5 sur 5.

L’empereur Auguste et la sibylle de Tibur / Saint Augustin

Konrad Witz, actif à Bâle, L’empereur Auguste et la sibylle de TiburSaint Augustin, Vers 1435
Peinture sur bois, 103 x 82 cm
Dijon, musée des Beaux-Arts, inv. DA 161 A, DA 161 B, Legs Marie-Henriette Dard, 1916
© Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay

Selon la Légende dorée, l’empereur Auguste consulte la sibylle de Tibur pour savoir s’il doit accepter d’être divinisé ; la femme désigne alors l’apparition d’une Vierge et l’Enfant, qu’elle prophétise comme plus grand que le souverain romain. Vêtu d’un manteau de velours rouge bordé de fourrure évoquant la pourpre impériale, l’empereur lève la main devant ses yeux, comme ébloui. La sibylle, à la lourde robe bleue ornée de pierreries, lui montre dans le ciel une vision désormais disparue. À l’origine situé au revers du même panneau, saint Augustin occupe quant à lui l’espace réel avec force, dans un décor architectural cohérent, traité en perspective et ouvert sur un paysage.
Les figures de Konrad Witz présentent un canon ramassé et des corps synthétiques et puissants. Artiste majeur du second quart du XVe siècle, il intègre les innovations de la peinture flamande, sensibles dans le rendu des tissus et de l’orfèvrerie tout comme dans le traitement des volumes et de la lumière.
Avec dix autres tableaux conservés aux musées de Bâle et de Berlin, ces panneaux formaient les volets articulés d’un Retable du Miroir du Salut, dont le nom est tiré d’un texte du XIVe siècle qui pourrait avoir servi de source d’inspiration. Son programme iconographique, qui met en rapport des événements du Nouveau Testament avec ceux de l’Ancien Testament ou de l’Antiquité, présente en effet une lecture typologique de la Bible. L’épisode de l’empereur Auguste, pensé comme une préfiguration de la naissance du Christ, était sans doute mis en relation avec la Nativité.
Bien que cela ne soit pas documenté, on considère que ce grand retable a été commandé en 1435 par les chanoines de l’église Saint-Léonard de Bâle. Il est donc contemporain du concile ouvert dans cette ville par le pape Eugène IV.

Note : 5 sur 5.

Saint Florian

Bavière, Saint Florian, Vers 1460
Peinture sur bois, 126,5 x 62 cm
Dijon, musée des Beaux-Arts, inv. 2021-5-1
Cette acquisition a bénéficié du soutien de l’État et de la Région Bourgogne-Franche-Comté dans le cadre du FRAM, et du mécénat du cabinet Cléon Martin Broichot et associés.
© Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay

Saint Florian de Lorch, soldat romain martyrisé sous Dioclétien au début du IVe siècle, est représenté ici dans une armure qui correspond, malgré certains détails fantaisistes, aux harnois germaniques du milieu du XVe siècle. Il porte un étendard et son attribut, un seau d’eau représenté avec une grande acuité (avec un fond en bois scellé à la poix pour éviter les fuites), qu’il verse sur une maisonnette en flammes. Son visage est plein et ovale, à la fois empreint de douceur et de gravité. Par sa compréhension de l’espace, le traitement de l’architecture colorée et l’usage d’une palette vive et chatoyante, le peintre s’inscrit dans la tradition bavaroise de la seconde moitié du XVe siècle. Il a adopté des Pays-Bas méridionaux une technique raffinée, visible dans le rendu des textures et dans la sensibilité aux ombres et aux lumières, perceptible dans le travail sur l’armure, les gouttelettes d’eau, le visage, mais aussi dans les baies, à la luminosité singulière.
Cette peinture peut être rapprochée d’un Ange de l’Annonciation et des Saints Corbinien et Antoine, également conservés au musée des Beaux-Arts de Dijon, ainsi que d’un quatrième panneau, figurant les Saints Acace et Pantaléon, conservé à la Staatsgalerie de Burghausen en Bavière. L’échelle des figures, les concordances stylistiques, le traitement comparable des architectures laissent supposer qu’ils proviennent du même atelier, voire qu’ils pourraient avoir appartenu au même retable, bien qu’il soit difficile d’en comprendre la disposition d’origine.

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES

Quoi ?
Maîtres et merveilles. Peintures germaniques des collections françaises (1370-1530).
Cette exposition est organisée par le musée des beaux-arts de Dijon, en partenariat avec l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), le musée Unterlinden de Colmar (exposition « Couleur, gloire et beauté ») et le musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon (exposition « Made in Germany »).

Reconnue d’intérêt national par l’État (ministère de la Culture / préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté), qui lui apporte à ce titre un soutien financier exceptionnel, elle est placée sous le haut patronage d’Emmanuel Macron, Président de la République française, et de Frank-Walter Steinmeier, Président de la République fédérale d’Allemagne.

Commissariat scientifique commun aux trois expositions : Isabelle Dubois-Brinkmann, directrice du musée des Beaux-Arts et du musée historique de Mulhouse, et Aude Briau, doctorante en histoire de l’art (EPHE, PSL / Université d’Heidelberg), chargée d’études et de recherche à l’INHA
Co-commissariat pour l’exposition de Dijon : Lola Fondbertasse, conservatrice chargée des collections médiévales au musée des Beaux-Arts de Dijon