EXPOSITION # 48

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

Appiani (1754-1817). Le peintre de Napoléon en Italie
Contribution publiée le 25 mars 2025.

Une centaine d’œuvres – peintures, dessins, gravures, médailles appartenant à des collections européennes publiques et privées – sont réunies pour la première rétrospective organisée en France sur cet artiste, considéré comme le plus important peintre de la période néo-classique au nord de l’Italie. L’exposition révélera un portraitiste attachant et un fresquiste brillant, malgré la destruction d’une partie de ses décors peints au Palais Royal et dans certains hôtels particuliers milanais durant les bombardements de 1943.
Victorieux à la bataille du Pont de Lodi le 10 mai 1796, le général Bonaparte fait son entrée dans Milan le 15. Il y rencontre Appiani dont le talent est reconnu pour des décors de théâtre, d’hôtels particuliers et d’églises ainsi que des portraits. La manière de l’artiste a déjà perdu de la relative raideur de ses débuts et le peintre-décorateur sait combiner la précision et la fermeté du trait avec la délicatesse du modelé et la suavité de la matière. Trois ans plus tard, au retour des Français, à l’occasion de la Deuxième campagne d’Italie, Appiani se voit confier par Napoléon la charge de sélectionner les œuvres d’art prélevées dans les églises et les couvents pour enrichir et faire rayonner les musées du Nord de la péninsule.
L’ascension d’Appiani, iconographe de la République puis du Royaume d’Italie est consacrée par le nombre important de commandes publiques et privées qu’il reçoit alors. En cinq séquences chronologiques et thématiques, l’exposition permet de montrer l’œuvre de l’artiste à la fois fresquiste et peintre de chevalet : Appiani avant Napoléon, La rencontre avec Napoléon, Appiani et la société de son temps, Appiani décorateur et La fortune artistique.
Présentée dans les salons du château de Bois-Préau, l’exposition révèle au public le talent et la richesse de l’œuvre de cet artiste au service de l’Empereur. Elle présente la manière sensible, monumentale ou intimiste du plus grand artiste milanais de son temps : les débuts d’un peintre formé au dix-huitième siècle, les scènes de la geste napoléonienne et de la république naissante, les effigies de Napoléon et Joséphine, les études et dessins préparatoires pour les décors des hôtels particuliers et des églises.

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

présentées par le commissaire de l’exposition
Rémi Cariel
, conservateur en chef du patrimoine,
musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau

Note : 5 sur 5.

Giuseppe Vallardi

Andrea Appiani, Portrait de Giuseppe Vallardi, vers 1805-1806
Pierre noire et craie blanche, H. 24,8 ; L. 19,4 cm
Inscription, en bas a gauche : Ritratto / Gius.e Vallardi di Milano [Portrait / Gius.e Vallardi de Milan]
Venise, Gallerie dell’Accademia di Venezia, inv. 1494
© G.A.VE – Archivio fotografico – “su concessione del Ministero della Cultura”

Ce vif portrait d’un homme jeune, que l’on pourrait croire exécuté durant les années romantiques, peut être rapproché du profil d’Eugène de Beauharnais (Venise, Gallerie dell’Accademia di Venezia), pour sa pénétration psychologique. Aucun autre portrait d’Andrea Appiani ne toise si directement le spectateur. Giuseppe Vallardi fut imprimeur, éditeur, libraire en ouvrages de luxe et marchand d’estampes, plus occasionnellement de peintures ; il créa un atelier de lithographie à partir de 1825. On lui doit la compilation et impression d’œuvres géographiques, d’almanachs et, à partir de 1832, de livres d’étrennes avec des planches et de brefs textes de grands auteurs contemporains. Son activité lui permit d’être introduit dans les cercles artistiques et intellectuels milanais. Collectionneur et érudit, il réalisa un catalogue de sa collection de livres, ce qui facilita leur vente lorsqu’il se dédia exclusivement aux dessins anciens. Il s’agissait de feuilles attribuées aujourd’hui à Pisanello et son cercle, ensemble vendu, en 1856, au musée du Louvre et connu sous l’appellation Codex Vallardi. Vallardi joua un rôle dans la fortune critique d’Appiani puisque, en 1820, il réunit trois cent quarante quatre dessins de ce dernier, donnés par Enrico Cernuschi, en 1875, à l’Accademia di Belle Arti di Brera ; cet ensemble forme depuis l’Album Vallardi.

Note : 5 sur 5.

Joséphine en reine d’Italie

Andrea Appiani, Portrait de trois-quart de Joséphine en reine d’Italie, 1807
Huile sur toile, 98,5 x 74 cm
Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau
© GrandPalaisRmn (Musée des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau) / Gérard Blot

En 1796, Joséphine Bonaparte couronne le myrte sacré de Vénus suivait Le général Bonaparte et le Génie de la Victoire gravant ses exploits à la bataille du pont de Lodi [ndlr : voir ces deux tableaux ici dans notre dossier « Napoléon dans les collections britanniques »] ; le portrait en dame romaine fut peint la même année 1801 que celui du Premier Consul. Ce portrait a été réalisé deux ans après Portrait de Napoléon vu de trois quarts et en « petit habillement » de roi d’Italie [ndlr : voir ici sur le site du Kunsthistorisches Museum de Vienne] et constitue, là encore, une forme de pendant. Les dimensions sont les mêmes ainsi que l’occasion du portrait, le couronnement du 26 mai 1805 à Milan, même si la composition de l’arrière-plan diffère : plus formelle pour Napoléon, plus directement allusive pour Joséphine, avec la partie supérieure du Dôme, symbole de la ville, au dernier plan. Celle-ci arbore les attributs de son statut : le manteau de velours vert brodé de fleurs d’argent par Augustin-François Picot et la couronne de perles, rubis et saphirs du couronnement, œuvre de Bernard Armand Marguerite. Aux décors de dignitaire ostensiblement portés par le roi d’Italie répondent les décors à caractère plus esthétique de la reine : le diadème et la ceinture sont ornés de camées alternant avec des rubis, comme dans le portrait de 1801 ; ils peuvent être rapprochés d’une parure qui se trouvait dans l’inventaire après-décès de Joséphine, en 1814 : « Une parure nicolo gravée entourée de rubis et perles fines, collier, peigne, boucles d’oreilles ». Sur le diadème bordé de perles se déploient un profil couronné, au centre, et des figures ailées tenant chacune un attribut. Le profil tout aussi romain du médaillon de la ceinture est probablement une évocation de Napoléon ; il est cerné de rubis et cantonné de deux cornes d’abondance. Il faut voir dans ces deux camées à iconographie romaine le goût partagé de Joséphine et de Napoléon pour la glyptique, symbole impérial. Étant donné son iconographie, il est possible que le prince Eugène ait accroché ce portrait au Palazzo Reale de Milan et l’ait emporté dans son exil à Munich. Il provient, en effet, de la collection des princes de Hohenzollern-Sigmaringen, branche issue de la prestigieuse dynastie des Hohenzollern. Or, Eugénie de Beauharnais-Leuchtenberg avait épousé, en 1826, le prince Constantin de Hohenzollern-Hechingen, dernier représentant de cette lignée.

Note : 5 sur 5.

Francesca Ghirardi Lecchi

Andrea Appiani, Portrait de Francesca Ghirardi Lecchi, 1803
Huile sur toile, 97,5 x 72,5 cm
Fondazione Trivulzio, Milan © Fondazione Trivulzio, Milano

Fille du comte Faustino Lechi et de Doralice Bielli, Francesca Lechi, « l’être le plus séduisant et les plus beaux yeux que l’on ait jamais vus » – ils avaient exercé leur ascendant sur Claude-Louis Petiet et sur Joachim Murat –, appartenait à une famille de premier plan de la Brescia napoléonienne : ses frères s’étaient engagés à la tête de la révolution citoyenne et républicaine de 1797. Francesca Lechi avait adhéré à cette cause et confectionné un drapeau vert-blanc-rouge qui devait être brandi en tête du soulèvement. Son mariage avec Francesco Ghirardi, avocat fiscal de la République de Venise puis Senior au Parlement de la République cisalpine, la conduisit à s’installer à Milan, où elle fut la première dame d’un influent salon. Le portrait de celle « qui joignait à tout le génie de son père une douce gaieté, une simplicité réelle » offre un équilibre parfait entre la noblesse de la pose et l’atmosphère d’intimité domestique. Combinant psychologie et idéalité, l’artiste suggère la douceur teintée de mélancolie d’une part, la verticalité associée à la vertu de l’autre, plastiquement unies par le voile, qui dessine une courbe autour de la tête inclinée puis descend. En accord avec la sobriété de la mode vestimentaire du moment et la blancheur marmoréenne du teint et de la robe, Andrea Appiani inventa – plus librement que dans les portraits masculins – un canon de beauté fait d’idéal et de naturel. Faut-il voir dans la couronne de myrte – emblème de fidélité conjugale – et la Victoire ailée sur le dossier de la chaise, dans la pénombre, une allusion à la vie sentimentale du modèle, qui la fit s’éloigner puis revenir vers son époux ? Le caractère pensif correspond en tout cas au sérieux avec lequel Mme Ghirardi traitait dans la conversation des affaires de cœur, aux dires de Stendhal, qui, comme Appiani, fréquentait son salon.

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES

Quoi ?
Appiani (1754-1817). Le peintre de Napoléon en Italie
Cette exposition est produite par le GrandPalaisRmn, en collaboration avec le Palazzo Reale de Milan, qui en présentera une variante sous le titre Appiani. Lo splendore di Milano dall’età di Parini a Napoleone, de septembre 2025 à janvier 2026.
Commissariat : Rémi Cariel, conservateur en chef du patrimoine, musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau.

Comment ?
Un cycle de conférences (in situ et hors les murs) accompagne l’exposition, ainsi qu’une série de concerts sur le thème « Les Italiens et Italiennes à Paris, 1763-1830 », organisée par l’association La Nouvelle Athènes à l’Orangerie du château de Bois-Préau, dans le cadre du Festival de Pentecôte. Le programme est disponible dans l’agenda culturel, sur le site internet du château.
Par ailleurs, un catalogue, dirigé par Élisabeth Caude et Rémi Cariel, est publié par GrandPalaisRmnÉditions (224 pages, 175 illustrations, 40 euros).