EXPOSITION # 44

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

Dans l’atelier de Guido Reni

Guido Reni (1585-1642) fut l’un des artistes les plus recherchés des cours européennes du XVIIe siècle, mais aussi un artiste très présent sur le marché de l’art naissant en Italie. Formé dans la dernière mouvance d’un certain maniérisme bolonais, il se tourne rapidement vers la nouvelle académie des frères Carracci (Annibale, Ludovico, Antonio), découvrant une nouvelle approche de la figuration avant de rejoindre Rome, où convergeaient toutes les nouveautés de la peinture d’Europe occidentale du temps. Reni se construit rapidement une solide réputation qui lui vaut les plus prestigieuses commandes. De retour à Bologne, qu’il ne quitta presque plus durant le reste de sa vie, il établit un imposant atelier afin de faire face aux nombreuses demandes d’artistes souhaitant se former à son contact, mais aussi de commanditaires ou de collectionneurs désireux d’obtenir une toile du « divin Guido ». Probablement l’un des peintres aux rémunérations les plus élevés de l’époque, Reni est également profondément marqué dans sa carrière par une addiction aux jeux, le conduisant au moins une fois dans sa vie à presque tout perdre.

Les dernières années ont été profondément marquées par un renouveau de l’intérêt pour l’artiste, à qui trois expositions ont été dédiées à Rome, Francfort et Madrid. La première, centrée sur le rapport à la nature, était suivie par deux imposantes monographies indépendantes, permettant de faire un vaste point sur un peintre aussi renommé que complexe. La recherche fut ainsi relancée, avec un regard tout à fait nouveau sur le multiple dans l’atelier du peintre. Si le regard contemporain conduit le plus souvent à une vision pyramidale de la création artistique, centrée sur un original et des copies, la réalité de la bottega du Seicento (atelier du XVIIe siècle) est bien différente. Le principal biographe de Reni, Malvasia, rapporte que l’atelier du peintre pouvait rassembler jusqu’à 60 personnes, et même parfois jusqu’à 200, venant de toutes les nations d’Europe.

David contemplant la tête de Goliath reste l’un des plus grands chefs-d’œuvre de Reni, connu et célébré dès le vivant du peintre. La restauration récente de la version du musée des Beaux-Arts d’Orléans par Cinzia Pasquali et l’atelier Arcanes a permis de la réévaluer et de reconnaitre un original de Reni. Ce tableau d’Orléans, mentionné en France pour la première fois peu après la mort de Reni, était relégué depuis plus d’un siècle au rang de copie, par opposition avec le tableau du musée du Louvre provenant des collections royales. De longue date, les différents historiens travaillant sur Reni ont questionné les multiples versions connues de ce tableau décliné en versions autographes, d’atelier et copies postérieures. Présenté à Francfort puis à Madrid aux côtés des chefs-d’œuvre de l’artiste, le tableau redécouvert d’Orléans a fait son entrée dans le corpus de l’artiste, comme l’une des principales redécouvertes des dernières décennies.

Grâce aux sources, les commissaires des deux expositions ont pu revenir à une vision plus organique de l’œuvre de Reni, c’est à dire celle d’un peintre qui travaillait régulièrement sur plusieurs toiles à la fois et qui n’hésitait pas à faire refaire par des membres de l’atelier certains tableaux qu’ils pouvaient parfois complètement recouvrir et retoucher à sa manière. Les dernières expositions consacrées au peintre ont soulevé la question des multiples versions des tableaux de Reni. À leur suite, cette exposition s’intéresse pour la première fois au fonctionnement de l’atelier dans sa richesse et sa multiplicité, réunissant plusieurs tableaux étudiés sous un nouveau jour. Une importante section est notamment consacrée aux David contemplant la tête de Goliath de Reni et de ses collaborateurs afin d’explorer la naissance, le développement et l’héritage d’une composition qui fut l’une des plus marquantes de l’art d’Europe occidentale du XVIIe siècle.

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION D’ŒUVRES

présentées par
Corentin Dury, conservateur du patrimoine,
chargé des collections anciennes, musées d’Orléans,
commissaire de l’exposition

Note : 5 sur 5.

David contemplant la tête de Goliath

Guido Reni, David contemplant la tête de Goliath
Huile sur toile, 228 x 163 cm
Orléans, musée des Beaux-Arts, inv. PE.1177 © musées d’Orléans

Ce tableau est le point de départ du projet et de la réflexion du musée sur l’atelier de Guido Reni. Une pièce monumentale, d’une qualité exceptionnelle et qui au XVIIe siècle appartenait au collectionneur de tableaux italiens le plus important de Paris, Louis Phélypeaux de La Vrillière. Alors comment ce tableau a-t-il pu être dissimulé durant deux siècles derrière le label dévalorisant de « copie d’après Reni », oublié des historiens ? La réponse est développée dans l’exposition : le regard du XXe siècle cherchait un original et des copies, négligeant la réalité d’un atelier du XVIIe siècle, et en particulier celui de Reni qui contenait jusqu’à 200 personnes, selon son principal biographe, Carlo Cesare Malvasia, dont il fut l’ami. Ce peintre et ses contemporains étaient coutumiers de la répétition, de la variation, des collaborations, aussi l’existence d’autres David déjà donnés à Reni n’est pas un argument en soit pour ne pas regarder le tableau d’Orléans. La restauration mécénée et conduite par l’atelier Arcanes en 2018 a permis de confirmer l’intuition de plusieurs historiens : cette œuvre est bien de la main de Guido Reni. L’analyse complète de cette œuvre permet également d’interroger plus avant le processus de création du peintre : ne serait-ce pas ce tableau qui fut le premier de la série tant le travail révélé par l’imagerie scientifique est dense, tâtonnant, évolutif ?

Note : 5 sur 5.

L’Annonciation

Giovanni Maria Tamburini (en partie d’après des dessins de Guido Reni), L’Annonciation
Huile sur toile, 255 x 155 cm
Bologne, église Santa Maria della Vita © Fondazione Cassa di Risparmio di Bologna

L’exposition d’Orléans s’est donnée pour objectif de fournir une incarnation précise de l’atelier de Reni et pour cela il fallait faire se rencontrer les œuvres, mais aussi les témoignages de l’époque. Le biographe Malvasia, qui a connu l’artiste, raconte comment ce dernier était généreux avec ses propres dessins, les distribuant à ses proches ou à des artistes, conscient qu’ils pouvaient être source de revenus ou d’inspiration pour eux. L’auteur cite précisément le cas de Giovanni Maria Tamburini qui reçut nombre de dessins de Reni, qu’il vendit parfois ou qu’il n’hésita pas aussi à utiliser dans certaines de ces créations. Pour la première fois réunis, le grand tableau de Tamburini de l’église Santa Maria della Vita et les dessins de la Galleria degli Uffizi de Florence témoignent de ce réemploi d’inventions de Reni. Le peintre est l’auteur indépendant de toute la composition et de l’exécution de ce tableau. Toutefois, il est clair que l’archange Gabriel et la Vierge Marie relèvent directement des dessins de Reni, sans même y retoucher le moindre mouvement de drapé ! L’Annonciation est ainsi un exemple d’une collaboration originale et pas nécessairement consciente au moment du don des dessins par Reni à Tamburini. Comment caractériser alors ce tableau authentique témoin des croisements entre chef d’atelier et collaborateur ?

Note : 5 sur 5.

Saint Pierre pleurant

Guido Reni, Saint Pierre pleurant
Huile sur toile, 74 x 61 cm
Vienne, Kunsthistorisches Museum, inv. GG 243 © KHM-Museumsverband

Le prêt exceptionnel consenti par le musée national de Vienne est l’une des pièces les plus émouvantes parmi toutes celles réunies actuellement à Orléans. La touche particulièrement libre dont Reni fait usage dans cette œuvre est vibrante et saisissante. Le peintre se démarque totalement de la contrainte d’une touche fine, achevée qui caractérise l’essentiel de la peinture contemporaine pour ne plus brosser que largement les traits de la figure et les effets de lumière, laissant pour l’essentiel à l’œil de l’observateur le soin de recomposer les masses de couleurs pour en extraire des formes lisibles. Ce tableau est d’autant plus important pour l’exposition qu’il fait l’objet d’un commentaire dans une lettre envoyée quelques années avant la mort de Reni. Dans ce document il est fait état de la qualité de ce tableau, de sa dimension pleinement autographe sans collaboration avec un membre de l’atelier et surtout de l’existence d’un certificat sur ce point de la main même du peintre. La simple évocation d’un tel document souligne combien, même à l’époque, le questionnement de la réception des œuvres de l’atelier passe aussi sur la notion d’authenticité et d’autorité entre travail majoritairement du chef d’atelier ou plus largement délégué à un ou des collaborateurs.

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES

Quoi ?
Dans l’atelier de Guido Reni

Cette exposition est organisée par le musée des beaux-arts d’Orléans, avec le soutien des Amis des Musées d’Orléans et de l’Institut Culturel Italien. Elle est placée sous le patronage du Consulat général d’Italie à Paris.
Commissariat : Corentin Dury, conservateur du patrimoine, chargé des collections anciennes, musées d’Orléans.

Comment ?
Des visites guidées, des cours d’histoire de l’art et des ateliers sont proposés par l’équipe du musée, dans le cadre de l’exposition. L’ensemble de la programmation est disponible dans l’agenda du site internet des musées d’Orléans : www.museesorleans.fr.
L’exposition a également donné lieu à la publication d’un catalogue, dirigé par Corentin Dury et co-édité par le musée des beaux-arts d’Orléans et Silvana Editore (120 pages, 117 illustrations, 39 euros).