EXPOSITION # 14

🇫🇷

Note : 5 sur 5.

L’exposition « Rambouillet 1950, dans l’intimité du Président », qui se tient du 10 décembre 2023 au 30 septembre 2024 au château de Rambouillet grâce à un partenariat exceptionnel entre le CMN et le Mobilier national, propose aux visiteurs une immersion dans l’époque présidentielle la plus glorieuse que connut le château : celle de l’après-guerre. Le commissariat scientifique est assuré par Gérald Rémy, inspecteur des collections de mobilier, de céramiques et de sculptures 1900-1964 au Mobilier national, en coordination avec les équipes du CMN. Conçue comme la préfiguration d’un réaménagement qui sera progressivement complété dans les années à venir, cette exposition marque le retour des mobiliers créés spécifiquement pour le château de Rambouillet sous le mandat de Vincent Auriol (1947-1954) par de grands décorateurs de l’époque, étoiles montantes ou confirmées.

Après la guerre, sous la direction de l’architecte Jean Desmaret, d’importants travaux furent entrepris pour doter le château de Rambouillet du confort moderne qu’exige une résidence présidentielle pour l’accueil d’hôtes de marque. Entre 1946 et 1953, plusieurs artistes furent sollicités afin de contribuer aux aménagements et à la décoration des lieux. Ainsi, sous la IVe République naissante, le château connut sa période la plus faste. L’aménagement du château fut alors conçu comme celui d’un paquebot de luxe, pour le confort de ses hôtes. De longs couloirs menaient à des chambres réservées à l’intimité des invités. Ces mêmes invités se retrouvaient ensuite dans l’espace de vie collective d’un grand salon ouvert sur les jardins : la salle des Marbres. Aménagée par André Arbus et Raymond Subes, cette salle avait bénéficié d’une attention particulière de Vincent et Michèle Auriol. Une partie de ces mobiliers a retrouvé le château de Rambouillet grâce à un dépôt de longue durée. Dans un premier temps, cinq pièces ont été reconstituées. 

L’aménagement de quatre chambres, du fameux salon Médicis ou encore du studio des chefs d’État étrangers a pu être entièrement reconstitué ou complété grâce au retour pérenne du mobilier d’origine signé Raymond Subes, André Arbus, Suzanne Guiguichon, Jeanne-Blanche Klotz-Gilles, Pierre Lucas, Jean Pascaud, ou encore Genès Babut. Ce mobilier, jusque-là conservé en réserves, a été entièrement restauré par les ateliers du Mobilier national. Les couvertures textiles des sièges, couvre-lits et rideaux ont été retissés d’après les photographies d’époque et des échantillons conservés afin de s’approcher au mieux de l’atmosphère des pièces.
Si la vie au château de Rambouillet restait majoritairement axée sur le bien-être et le confort du président et de sa famille, les autres résidents n’étaient pas pour autant délaissés. Le personnel présidentiel et certains subalternes s’installèrent sous les combles, mais ceci n’était pas synonyme d’inconfort même lorsque les commodités restaient particulièrement spartiates. Les invités de la Présidence participaient à la diffusion du bon goût à la française en logeant dans une série de chambres commandées à différents décorateurs. Dans le contexte difficile de la reconstruction, ces derniers se tournèrent alors vers le Mobilier national pour garnir leurs carnets de commande. Ces opportunités furent mises à profit par George Fontaine, le nouvel administrateur du Garde-meuble, ravi d’avoir autant d’esprit créatifs à portée de main alors qu’il fallait moderniser les salons et chambres du château.
De 1946 à 1953, ces ensembliers furent appelés à soumettre des aménagements : Pierre Lucas, Jeanne-Blanche Klotz-Gilles, Suzanne Guiguichon. Beaucoup de ces projets alliaient des formes contemporaines à une inspiration plus traditionnelle, multipliant les références aux thèmes de la campagne et des chasses. Seule Guiguichon passa outre cette retenue ambiante pour proposer une composition résolument moderne alliant des matériaux à la fois onéreux (le parchemin) à d’autres (le merisier) plus faciles à se procurer dans cette période de restriction. Grâce aux collections précieusement conservées dans les réserves du Mobilier national et restaurées ces derniers mois dans ses ateliers, quatre chambres ont pu être reconstituées et sont ouvertes au public pour la toute première fois. Chacune des chambres traduit l’univers propre de l’artiste qui a été sollicité pour en réaliser le décor, parfois très audacieux.

Soucieux d’obtenir des espaces plus conviviaux, Vincent et Michelle Auriol jetèrent leur dévolu sur un salon du rez-de-chaussée ouvrant sur le jardin. Une vaste pièce aux murs recouverts d’une marqueterie de marbre du Languedoc rouge et gris devint le lieu privilégié de rencontres lors des séjours présidentiels. Pour accueillir les personnalités de ce milieu du XXe siècle, le décorateur André Arbus s’associa à Raymond Subes, maître ferronnier pour créer un ensemble raffiné. La cheminée fut redessinée. Un plafond en stuc orné de formes géométriques simulant des caissons fut installé sous la direction de Subes. Arbus se chargea de l’élaboration du mobilier mêlant des éléments confortables propices à la conversation (canapés et fauteuils) à des sièges cannés facilement transportables pour profiter de la quiétude des jardins. Des tables, des consoles, des lampes, des jardinières symboles de l’importance que portait l’épouse du président à la décoration florale vinrent asseoir la composition. Cette salle des marbres fut fréquemment utilisée durant le septennat Auriol accueillant les invités de la République durant des séjours diplomatiques ou à l’automne lors des chasses présidentielles.

Contrairement au mobilier des cinq pièces reconstituées, le mobilier de Jean-Charles Moreux destiné à une chambre d’hôte de marque, qui sera finalement utilisé à l’Elysée, et le cabinet de travail du Président Auriol créé par Jacques Adnet, qui sont présentés dans l’appartement d’assemblée (XVIIIe siècle), regagneront le Mobilier national après l’exposition. Les visiteurs ont jusqu’au 30 septembre pour les découvrir. 

Note : 5 sur 5.

UNE SÉLECTION DE PIÈCES DE MOBILIER

présentée par Gérald Remy
inspecteur des collections de mobilier, de céramiques
et de sculptures 1900-1964, Mobilier national
et commissaire de l’exposition


Appartement présidentiel, chambre d’ami, table basse :
Suzanne Guiguichon, Merisier, Parchemin, Bois, Cuivre, Métal, 125 x 50 cm, 1946
Mobilier national © Benjamin Gavaudo – CMN.

Dès le mois de mai 1946, Suzanne Guiguichon reçoit la commande d’un mobilier de chambre à coucher pour Rambouillet. Fidèle à son style, la décoratrice dessine un mobilier aux formes particulièrement contemporaines en accord avec la rigueur des boiseries environnantes. Elle associe le bois de merisier au parchemin et métal doré. Composée d’un plateau circulaire, entouré d’une large frise de parchemin supporté par quatre pieds coniques très évasés, cette table est particulièrement représentative des recherches des décorateurs dans ce début des années 1950. Elle illustre cette montée en puissance des meubles fonctionnels privilégiant leur utilité au décorum. Ces formes particulièrement futuristes, proches des représentations d’une soucoupe volante, sont un rappel de la littérature et des premiers films de science-fiction.

Note : 5 sur 5.


Suite n°7, semainier : 
Pierre Lucas, Citronnier, merisier, palissandre et bronze patiné, 150 x 62 x 42 cm, 1946
Mobilier national © Benjamin Gavaudo – CMN.

La suite 7, au premier étage de l’aile réservée aux invités, est la plus grande confiée à Pierre Lucas en juin 1946. Le décorateur imagine un ensemble teinté de néo-classicisme empruntant de nombreuses références au vocabulaire architectural. Reprenant le concept traditionnel du meuble à sept tiroirs, Pierre Lucas récrée ici une véritable architecture. Sur un socle rectangulaire supporté par quatre pieds en pyramide renversée, il dresse une façade flanquée de demi-colonnettes jumelées surmontée d’une ceinture à fronton triangulaire. Les poignées des tiroirs apportent à ce meuble une originalité incontestable en formant une ligne continue du haut jusqu’en bas. Le décorateur réussit ici avec brio à intégrer dans un décor traditionnel un meuble aux lignes résolument contemporaines.

Note : 5 sur 5.


Appartement des chefs d’État étrangers, chambre de Madame, secrétaire : 
Genès Babut, Sycomore ondé frisé, bronze doré, 82 × 42 × 140 cm, 1949
Mobilier national © Benjamin Gavaudo – CMN.

En 1949, auteur du décor d’une des deux chambres de la tour, Genès Babut va se comporter en un véritable ensemblier. Il dessine le mobilier et le met en scène dans un décor global, choisissant les coloris de la moquette, des rideaux et un nouveau trumeau de cheminée. Le mobilier reprend les codes du néoclassicisme typique de cette fin des années 1940. Le décorateur porte une attention soutenue aux détails tant dans le choix des bois, du dessin du tapis tissé par les manufactures d’Aubusson que dans les finitions. Ce meuble dont la forme reprend les recherches des grands décorateurs d’avant-guerre se compose de deux parties. Quatre pieds carrés en gaine à sabot de bronze élèvent le corps inférieur saillant en façade où prennent place deux tiroirs dans un cadre de bronze mouluré. Le corps supérieur en retrait est garni d’un abattant à moulure de bronze et entrée de serrure à masque féminin pivotant. Il dévoile un intérieur gainé de parchemin blanc enrichi de motifs au fer doré. Une architecture évoque le Palais de Chaillot à Paris, les portes formant tiroirs ou petites niches. Au centre de la composition, une statuette de femme dorée se détache sur un ciel traité en laque bleue. 


Appartement des chefs d’État étrangers, chambre de Madame © Benjamin Gavaudo – CMN.

Note : 5 sur 5.

INFORMATIONS PRATIQUES