Horace Vernet, 1789-1863
Château de Versailles
14 novembre 2023 – 17 mars 2024
www.chateauversailles.fr
🇫🇷

VERNET ET VERSAILLES
par Thomas Ménard
Président de l’association « Les Amis du Patrimoine Européen »
Horace Vernet et Versailles. Lorsque l’on associe ces deux noms, celui de l’artiste et celui du château, on pense immanquablement à l’un des tableaux les plus célèbres de l’iconographie versaillaise : Le roi Louis-Philippe entouré de ses cinq fils sortant par la grille d’honneur du château de Versailles après avoir passé une revue militaire dans les cours, 10 juin 1837. Le titre de l’œuvre est très martial. Il évoque un roi guerrier. C’est pourtant Apollon et ses muses qui étaient convoqués ce jour-là par le roi des Français, plutôt que Mars et ses destructions. C’est en effet le 10 juin 1837 que furent inaugurées les galeries historiques du château de Versailles. Le projet du souverain est connu : rassembler au sein des murs du château une collection de peintures et de sculptures qui retrace l’histoire de la nation française, réconciliant les régimes successifs et ennemis, afin de dédier Versailles « à toutes les gloires de la France ». Très joliment, Victor Hugo, invité au château ce jour-là, dira de Louis-Philippe qu’il a « donné à ce livre magnifique qu’est l’histoire de France, cette magnifique reliure qu’est Versailles ».
Mais Vernet dans tout ça ? Il n’est pas seulement l’auteur de ce sublime et iconique tableau, où les Orléans chevauchent aux côtés de leur lointain oncle (on aperçoit la statue équestre de Louis XIV entre Louis-Philippe et son fils aîné et héritier, le très prometteur duc d’Orléans), sous la fameuse inscription du pavillon Gabriel (« À toutes les gloires de la France »). Il est aussi l’une des chevilles ouvrières de ce musée de l’histoire de France, voulu par le roi des Français. Qu’on ne s’y trompe pas : cette inauguration de 1837, d’ailleurs rattachée aux célébrations du mariage de l’héritier avec Hélène de Mecklembourg-Schwerin, n’est pas l’achèvement, mais une simple étape dans la constitution du musée. Bien sûr, on a terminé la salle de 1830, qui glorifie le nouveau régime. La galerie des Batailles (de Tolbiac en 486 à Wagram en 1809) également, même si les derniers tableaux ne seront achevés qu’en 1844. Mais reste le règne de Louis-Philippe à documenter plus précisément. Et quoi de mieux que la conquête de l’Algérie ? À l’image du Roi-Soleil et de Napoléon Ier, il a repoussé les frontières de la France. De l’autre côté de la Méditerranée, comme l’Empereur en Égypte ! D’ailleurs, plusieurs de ces fils ont participé aux combats. Et c’est bien sûr à Horace Vernet que Louis-Philippe confie la tâche d’orner les trois salles dites d’Afrique. D’ailleurs, Vernet peint l’histoire presque aussi vite qu’elle se déroule. Le dernier coup de pinceau à la Prise de la Smala d’Abd-el-KAder par le duc d’Aumale à Tahuin, le 16 mai 1843 est posé l’année suivante. Le tableau est exposé au Salon de 1845 et accroché aux cimaises de Versailles quelque temps plus tard. Les salles d’Afrique (Constantine, Smala et Maroc) ne seront mêmes pas terminées quand éclate la révolution de 1848. La Prise de Tanger, dans la salle du Maroc, n’est qu’à moitié peinte. Malgré ses voyages en Afrique, Vernet va très vite, lorsqu’il s’enferme dans la Salle du Jeu de Paume (ô combien chargée d’histoire, elle aussi), pour peindre les plus récents épisodes de la conquête de l’Algérie. Mais l’Histoire va encore plus vite et il faudra bientôt penser à créer les salles de Crimée au château. Autre régime, autres guerres, autres artistes.
À Versailles, ces trois salles sont bien connues du grand public, puisque c’est là que sont souvent présentées les grandes expositions temporaires. Mais les tableaux de Vernet sont recouverts par la scénographie. On cache habituellement les batailles d’Algérie pour montrer les visiteurs de Versailles ou les passions de Louis XV. Quel bel hommage que l’équipe du château rend à Vernet en y organisant justement une exposition qui lui est consacrée, débarrassant temporairement les espaces des œuvres, objets et sujets anachroniques ! En un sens, on rend à Horace ce qui est à Horace !
UNE SÉLECTION D’ŒUVRES
présentées par Élise Tandeau de Marsac
assistante de la commissaire de l’exposition

Horace Vernet (1789-1863), Socialisme et Choléra, 1850, huile sur toile, H. 0,35; L. 0,37 m, signé et daté en haut à droite : Vernet 1850, château de Versailles, V.2023.
© Château de Versailles, Dist. RMN / C. Fouin
Cette œuvre allégorique figure le Choléra sous les traits d’un homme asiatique jouant d’une flûte en os tel le joueur de flûte de Hamelin, personnage popularisé dans un conte des frères Grimm. Le Socialisme est associé à la représentation traditionnelle de la Mort tenant une faux, à laquelle est accroché un drapeau sur lequel on déchiffre l’inscription « République sociale ». Cette œuvre étonnante peut surprendre car, avec une grande sincérité, elle exprime les idées politiques d’Horace Vernet deux ans après l’avènement de la Seconde République. Lui-même garde national, l’artiste avait pris part aux combats de février 1848 aux côtés des insurgés républicains. Il avait ainsi participé à la destitution du roi Louis-Philippe pour lequel il avait peint pendant plus de trente ans. Plus qu’aucune autre œuvre, ce tableau exprime avec force un des multiples revirements politiques de Vernet – sujet largement évoqué dans l’exposition. L’iconographie fait directement échos aux publications des conservateurs qui voyaient en la révolution de 1848 la destruction de la culture européenne. Le tableau fut acquis par le prince russe Anatole Demidoff.

Horace Vernet (1789-1863), La Chasse au lion, 1836, huile sur toile, H. 0,571; L. 0,817 m,
Londres, The Wallace Collection, P585.
© Wallace Collection, London, UK / Bridgeman Images
La Chasse au lion est véritablement l’un des chefs-d’œuvre du maître. Horace Vernet fit preuve d’une grande sensibilité dans le traitement du sujet. Dans une vision anthropomorphique, il sut rendre l’intensité dramatique du combat entre les hommes et les lions défendant leur progéniture et mettre en scène la tragédie des lionceaux capturés voyant leurs parents mourir sous leurs yeux. La composition elle-même, avec son mouvement kaléidoscopique et ses lignes fortes, est remarquable. Elle donne une impression quasi cinématographique. Les contemporains y ont d’ailleurs vu une véritable scène de théâtre. Le tableau sut séduire le marquis d’Hertford, un grand collectionneur britannique amateur d’art français. Outre le talent d’Horace Vernet, ce tableau témoigne du goût du peintre pour la chasse – discipline qu’il pratiquait avec plaisir – et sa fascination pour l’Orient, à la fois dans sa dimension civile, militaire et religieuse.

Horace Vernet (1789-1863), Portrait de Théodore Géricault, 1822-1823, huile sur toile, H. 0,473; L. 0,384 m, New York, The Metropolitan Museum of Art,
achat avec la participation de Joanne Toor Cummings, par échange, 1998, 1998.84.
© CC0 New York, The Metropolitan Museum of Art
Théodore Géricault est représenté le front soucieux, portant un turban, le visage encadré par le col blanc de sa chemise. Le coup de pinceau est délié : Vernet a peint les blancs en empâtements, a grossièrement brossé l’arrière-plan, et surtout a laissé le bas de la toile inachevé. Il s’agit d’un portrait intime, dans lequel Vernet s’est senti libre de peindre avec énergie. Ce portrait témoigne de l’amitié et de l’émulation artistique entre Horace Vernet et Théodore Géricault, qui s’imposait alors comme un des chefs de file du Romantisme. De deux ans son cadet, Géricault devint pourtant le mentor d’Horace Vernet. Les deux hommes s’étaient rencontrés dans l’atelier de Carle Vernet, le père d’Horace, auprès duquel ils étudiaient tous les deux. Ils partageaient un goût pour la peinture, l’amour des chevaux et une anglophilie marquée. Ils firent ensemble un voyage en Angleterre et possiblement en Écosse en 1819. Horace Vernet y retourna en 1822. L’artiste, inspiré par ces séjours, en tira plusieurs sujets de tableaux. La mort prématurée de Géricault en 1824 mit fin à cette amitié artistique.
POUR ALLER PLUS LOIN
En plus de l’ Entretien # 14 avec Valérie Bajou, commissaire de l’exposition, qui sera disponible le 16 janvier prochain, vous pouvez retrouver de nombreuses œuvres de Vernet dans notre Parcours Napoléon à la Wallace Collection, créé en 2021, dans le cadre des commémorations du bicentenaire de la mort de l’Empereur (une miniature représentant Napoléon Ier et sept tableaux). Quant au Parcours Napoléon dans les Collections royales britanniques, il présente deux tableaux de Paul Delaroche, le gendre de Vernet, époux de sa fille unique Louise.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ?
« Horace Vernet. 1789-1863 »
Exposition au château de Versailles
Commissariat : Valérie Bajou, conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, assistée d’Élise-Marie Tandeau de Marsac.
Scénographie : Antoine Fontaine, Roland Fontaine et Perrine Villemur.
Où ?
Salles d’Afrique et d’Italie – Château de Versailles
Place d’Armes 78000 VERSAILLES
RER : ligne C, station Versailles Château – Rive Gauche
Bus : ligne 171 de la RATP au départ du pont de Sèvres
Trains SNCF : trains depuis la gare Montparnasse vers Versailles – Chantiers ou depuis la gare Saint-Lazare depuis Versailles – Rive droite.
Autoroute : A13, sortie Versailles – Château
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Quand ?
Du 14 novembre 2023 au 17 mars 2024
Tous les jours, sauf le lundi, de 9h00 à 17h30
Fermeture de la billetterie à 16h50, dernière admission à 17h00
Fermeture le 25 décembre et le 1er janvier
Combien ?
Billet Château, donnant accès aux expositions temporaires : 19,50 € (tarif réduit : 14,50 €)
Passeport (1 journée) : 21,50 €. Le passeport donne accès au château, aux jardins, à Trianon, au domaine de Marie-Antoinette et aux expositions temporaires.
Carte d’abonnement « 1 an à Versailles » : 55,00 €.
Toutes les informations concernant les tarifs, les réductions et les gratuités sont disponibles en ligne.
Réservations via www.chateauversailles.fr
Comment ?
Un parcours audioguidé, avec 17 commentaires d’œuvres, est disponible en français et en anglais. Il est disponible sur l’application du château sur votre smartphone. il peut également être suivi sur les audioguides en location au château.
Plusieurs visites guidées sont proposées pour les individuels, à la fois pour l’exposition et sur d’autres thématiques en lien : « Les Vernet à Versailles », « La galerie des Batailles », « Voyage en Orient à travers les Croisades ». Des activités spécifiques sont programmées pour les familles, les 18-25 ans et les personnes en situation de handicap.
Une brochure et un livret-jeu sont disponibles en téléchargement sur le site web du château.
Un catalogue, publié aux Éditions Faton, est en vente dans les boutiques du château et sur son site web.



