L’Asie fantasmée
Château Borély
23 juin 2023 – 19 mai 2024
musees.marseille.fr
🇫🇷

PRÉSENTATION
(extrait du dossier de presse)
Par sa position privilégiée à la confluence des civilisations, la Provence, et Marseille en particulier, ont été, du XVIIIe siècle à nos jours, le creuset d’échanges et d’inspirations multiples. Aux portes de l’Orient, ses habitants ont su tirer le meilleur parti des modes, des traditions décoratives et des fantaisies venues d’ailleurs. Cette influence se traduit par un goût affirmé pour les images, objets et textiles qui, soit proviennent, soit s’inspirent avec plus ou moins de nuances, d’un Orient rêvé, de la Turquie jusqu’au Japon.
Si cet attrait pour un ailleurs exotisé est bien connu, ses manifestations en Provence le sont moins et c’est ce que l’exposition se propose de mettre à l’honneur à travers plus de 400 œuvres issues des collections de la Ville de Marseille et complétées par des prêts de collections privées et publiques. Entre pièces d’importation, pastiches et œuvres occidentales d’inspiration asiatique, l’exposition offre un éclairage inédit sur cette thématique omniprésente dans les arts décoratifs des XVIIIe et XIXe siècles. Meubles et décors muraux, estampes et peintures, éventails, statuettes en bronze, jade, ivoire, objets de curiosité, faïences et porcelaines, textiles et indiennes illustrent ces échanges – réels ou symboliques – entre l’Asie et la Provence.
Si le Château Borély – Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode souhaite illustrer ici le phénomène de fascination pour l’Asie qui s’empare de l’Europe dès le XVIIe siècle dans les arts décoratifs, il entend également en révéler la part d’ambiguïté, en prise avec les réflexions portées aujourd’hui par l’histoire de l’art, l’histoire et l’anthropologie. L’exotisme comme vision fantasmée portée sur l’Autre et l’Ailleurs soulève des questions liées à l’appropriation culturelle, tant le jeu des échanges et des circulations d’objets et de marchandises orientales entre le Levant, l’Inde, la Perse, l’Extrême-Orient et l’Europe, s’est accompagnée d’une représentation de ces territoires aux contours flous, pour correspondre aux enjeux esthétiques culturels et sociaux de l’Europe des XVIIIe et XIXe siècles.
Cette exposition a été pensée autour de quatre thématiques transversales : l’importance de l’Asie comme modèle et source d’inspiration dans les arts décoratifs provençaux, la fascination de la Provence pour les objets et les décors provenant de l’Empire ottoman dont les « turqueries » sont l’une des manifestations, l’attrait des grands collectionneurs marseillais pour l’Asie et ses aires géographiques connexes : Inde et Amérique, l’expression du goût pour l’exotisme dans les productions textiles, en particulier les indiennes.
UNE SÉLECTION D’ŒUVRES
Cabinet sho-dana, Japon, Ère Meiji (1868-1912), XIXe siècle
Bois, ivoire, nacre, laque, dorure, Incrustations de style shibayama (shibayama zōgan),
Panneaux à décor maki-e, raden, 201 x 124 x 34 cm
Marseille, Château Borély – Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode,
inv. C 657, fonds Cantini © MDM Chipault et Soligny.
Le meuble de type sho-dana, littéralement « cabinet avec étagères », constitue une composante essentielle du mobilier des seigneurs féodaux du Japon. Sous l’ère Meiji, les sho-dana se dotent d’étagères à charnières modulables, accueillant livres, rouleaux et matériel d’écriture.
Le meuble repose sur un piédestal mouluré, à pieds renflés. Les étagères, disposées de façon asymétrique, présentent des panneaux illustrés de compositions florales survolés d’oiseaux, de canards ou de grues. Deux personnages, saisis dans des postures théâtrales, ornent le registre supérieur, l’un tenant un éventail et l’autre un instrument à percussion.
Le travail d’incrustation et de laque est de style shibayama. Cette technique se distingue par le relief des éléments sculptés, faits de nacre, de corail, d’écaille ou d’ivoire, apposés sur le modèle de l’applique. Le mercier Ōnoki Senzō, actif pendant la période An’ei (1772-1781), sous l’époque d’Edo (1600-1868), originaire de la province de Shibayama [actuelle préfecture de Chiba] en est à l’origine. Beaucoup de pièces, conçues selon cette technique, ont été exportées en Europe sous l’ère Meiji (1868-1912), depuis le port de Yokohama. Les Occidentaux pouvaient également contempler ce type de pièces lors des expositions internationales. Dès lors, de nombreux ateliers vinrent s’agglomérer dans les environs de Tokyo, suivant la mode du style de shibayama qui atteint son apogée au XIXe siècle.
Florence Adrover, doctorante à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Campus Condorcet), rattachée au Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine (CECMC), laboratoire Chine, Corée, Japon (CNRS, UMR 8173) (FA).

La Buveuse de café, anonyme XVIIIe siècle, huile sur toile, 81,4 cm x 64,8 cm
Marseille, musée des Beaux-Arts, inv. BA 242.
© Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais Jean Bernard
La femme recluse et le café figurent parmi les thèmes les plus populaires de la représentation du monde ottoman dans l’imaginaire européen des Lumières. Très souvent associés, ils sont déjà présents en 1714 dans l’ouvrage de Ferriol [ndlr: voir ici sur Gallica], une des sources d’inspiration majeures de la turquerie en France.
« La Buveuse de café », œuvre d’un peintre de la première moitié du XVIIIe siècle, relève pleinement du portrait de fantaisie : la forme de son turban à aigrette dérive plutôt des coiffures masculines et l’usage de boire le café avec une cuillère n’est pas celui des Turcs. Dans l’esprit de la peinture galante du temps, le peintre s’est plutôt attaché à rendre une vision séduisante du luxe ottoman : habits brodés d’or, bijoux précieux, tasse chinoise évoquant l’importation ou l’imitation des productions de la porcelaine bleu et blanc des ateliers de Jingdezhen. Le café introduit en France depuis le XVIIe siècle demeure toujours au siècle suivant communément associé au monde turc, même si sa consommation est désormais bien ancrée dans la sociabilité européenne. La représentation de sa dégustation en Turquie, lorsqu’il s’agit d’une femme, prend le plus souvent place dans un intérieur évoquant l’univers clos du harem, et très rarement à l’extérieur comme c’est le cas dans ce tableau. La scène inclut généralement la présence de la servante comme c’était déjà le cas chez Ferriol. L’image de la jeune femme aux yeux bleus et au teint clair renvoie vraisemblablement à un autre des mythes voyeurs de l’orientalisme, celui de la Circassienne ou de l’Européenne, favorites convoitées des harems. Cette représentation illustre la durable fascination pour cette institution dont la reconstruction fantasmatique à la puissante charge érotique va parcourir pendant deux siècles l’imaginaire occidental dans les arts plastiques, la littérature ou la musique.
Luc Georget, Conservateur en chef du patrimoine, Directeur du Musée des Beaux-Arts, Marseille.

Plat circulaire, Fabrique de Saint-Jean-du-Désert, Marseille, dernier quart du XVIIe siècle.
Faïence stannifère à décor de grand feu en camaïeu de bleu et violet de manganèse
sur fond d’émail bleuté, 40 x 3,5 cm.
Marseille, Château Borély – Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode, inv. GF 3034, Don Jean Roubaud, 1951 © MDM G. Bonnet
Le développement de la faïence artistique au XVIIe siècle à Marseille et de son décor ne doit rien au hasard. La naissance de fabriques de renom va de pair avec l’essor économique et artistique de la ville. Le contexte législatif élaboré par Colbert, pour inciter au développement d’une industrie d’excellence destinée à servir Louis XIV y eut un impact considérable.
À la suite de Nevers ou Rouen, Marseille s’engage dans la production de faïence grâce à la fondation d’une première manufacture en 1679, celle de Saint-Jean du Désert, née d’un accord entre Joseph Fabre, financier, armateur marseillais, ambassadeur de France au Levant et Joseph Clérissy, faïencier originaire de Moustiers.
À l’imitation des porcelaines blanc-bleu de l’époque Ming, la faïence européenne reprend et aménage dès le milieu du XVIIe siècle des décors chinois ou d’inspiration orientale, très prisés des amateurs. C’est dans ce contexte artistique que les faïenciers de Saint-Jean du Désert à la fin du XVIIe siècle commencent à produire des pièces à base de bleu et blanc. Ils adjoignent une troisième couleur, le violet de manganèse magnifiant les deux premières dans toutes sortes de nuances et d’utilisations, soit pour cerner le dessin du motif décoratif, soit comme couleur à part entière pour en améliorer la lisibilité, et ce, dans des camaïeux d’une très grande subtilité.
Ce plat à aile godronnée et 25 pointes est décoré d’un médaillon couvrant tout le bassin, représentant une scène maritime de départ composée à la manière chinoise. Un large ruban recouvrant la chute de l’aile vers le bassin est orné d’alternance de fleurs stylisées à 4 pétales bleu clair et cœur bleu foncé et de motifs d’oves et de lingzhi symétriques, caractéristiques de cette production marseillaise.
Marina Lafon-Borelli, Présidente du Fonds de dotation du musée Borély et de l’Académie des sciences, lettres et arts de Marseille
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ?
L’Asie fantasmée. Histoires d’exotisme dans les arts décoratifs en Provence aux XVIIIe et XIXe siècles.
Commissariat : Marie-Josée Linou, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du Château Borély et du Musée Grobet-Labadié, musées de la Ville de Marseille.
Où ?
Château Borély / Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode de la Ville de Marseille
132, avenue Clot-Bey – 13008 Marseille
https://musees.marseille.fr/chateau-borely-musee-des-arts-decoratifs-de-la-faience-et-de-la-mode
Quand ?
Du 23 juin 2023 au 19 mai 2024.
Du mardi au dimanche de 9h00 à 18h00.
Les dates de fermetures exceptionnelles sont consultables sur le site internet du musée.
Combien ?
Plein tarif : 6 euros
Tarif réduit : 3 euros
Informations sur les tarifs et billetterie en ligne sur le site internet du musée.
Comment ?
La bande annonce de l’exposition est disponible sur la chaîne Youtube de la Ville de Marseille.
Pour accompagner l’exposition, le Château Borély propose de nombreuses visites (visites commentées, visites sensorielles, visites ludiques…) et ateliers, ainsi qu’une riche programmation culturelle (conférences, spectacles, concerts, projections…). Le détail est disponible sur le site internet du musée.
Le catalogue de l’exposition est publié par les Éditions Snoeck et disponible au prix de 35 euros.



