Jacob Mącznik et les artistes juifs de l’École de Paris
Un dossier réalisé avec Samson Munn, neveu de l’artiste
Cet Hommage # 01 a été publié le 27 janvier 2024, à l’occasion de la « Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste », organisée par l’UNESCO et instituée par l’Assemblée générale des Nations Unis en 2005. Cette date marque la commémoration de la libération du camp de concentration nazi d’Auschwitz-Birkenau par les troupes soviétiques.
Lors de l’édition 2022, l’UNESCO et le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme de Paris ont proposé une table-ronde autour du travail d’Hersh Fenster, grand ami de Jacob Mącznik, évoqué par Samson Munn dans l’introduction qui suit. L’enregistrement de cette table-ronde est disponible sur la chaine YouTube de l’UNESCO (lien).
SOMMAIRE
> Introduction, par Samson Munn
> Galerie # 1 : tableaux de Jacob Mącznik
> Galerie # 2 : tableaux d’autres artistes juifs de l’École de Paris
> Hersh Fenster et Nos artistes martyrs, par Pascale Samuel

Portrait photographique de Jacob Mącznik. © Samson Munn
A
INTRODUCTION
par Samson Munn
Traduction par Thomas Ménard
The original version in English can be found here.
L’École de Paris est formée par un groupe d’artistes dont l’œuvre est centrée sur Paris. Certains étaient français, mais la plupart étaient des étrangers. Ils ont principalement été actifs entre 1900 et 1940. L’école n’avait pas de bâtiment : le campus était la ville de Paris. Il n’y avait pas non plus de faculté : chacun des artistes pouvait être considéré comme une faculté à lui tout seul. Ils enseignaient les uns aux autres, apprenaient les uns des autres, en peignant ou sculptant dans leurs ateliers, sur les trottoirs de Paris ou dans la campagne française.
L’École de Paris n’était pas un mouvement artistique. Chaque artiste avait son propre style et, parfois, en expérimentait d’autres. Le nom d’École de Paris fait surtout référence à cette ville, considérée comme la capitale de l’art occidental au début du XXe siècle. Avant la Première guerre mondiale, son centre était Montmartre ; dans les années 1920, il s’était déplacé à Montparnasse. L’expression « École de Paris » a deux origines possibles. Pour certains, c’est une invention de Roger Allard, poète, critique et essayiste français, en réponse au Salon des Indépendants de 1924, qui séparait les artistes selon leur pays ou leur origine. Pour d’autres, c’est André Warnod, écrivain, critique d’art, illustrateur et chanteur français, qui décrivit ce groupe informel d’artistes, principalement étrangers, qui passaient leur temps et exposaient leurs œuvres dans les cafés, les salons, des ateliers partagés ou des galeries d’art.
Parmi les artistes les plus connus de l’École de Paris, on compte Chagall, Soutine, Modigliani, Mondrian et Piccaso. À leurs côtés ou après eux, on trouve Foujita, Hohermann, Kikoine, Kisling, Codreanu, Krémègne, Lipchitz, Derm, Dufy, Mané-Katz, Nordau, Mącznik, Brâncuşi, Halicka, Dobrinsky, Gotko, Kandinsky, Orloff, Kars, Kraemer, et plus d’une centaine d’autres. Beaucoup d’entre eux, peut-être la majorité, étaient juifs. La plupart étaient étrangers. Leurs œuvres se trouvent aujourd’hui dans des musées, des galeries et des centres d’archives du monde entier.
L’expression « École de Paris » fait d’abord référence au fait que ces artistes étrangers s’étaient installés à Paris. Rapidement, elle prit un sens plus large. Elle était souvent utilisée, de manière péjorative, par des critiques qui voyaient ces étrangers, qu’ils soient juifs ou non, comme une menace pour la pureté de l’art français. Par exemple, le critique d’art Louis Vauxcelles, qui inventa les termes de fauvisme et de cubisme, considérait ces artistes immigrés comme des sales « Slaves déguisés en représentant de l’art français ». La marginalisation des artistes de l’École de Paris progressa au fil des années 1930. Sous le gouvernement de Vichy, à partir de juin 1940, ils ne purent même plus exposer à Paris.
Dans son livre Shocking Paris: Soutine, Chagall and the Outsiders of Montparnasse, le journaliste Stanley Meisler écrit : « It makes more sens to think of the School of Paris as a historical phonomenon – an unprecedented and unexpected migration of young artists, mostly Jewish, many from the Russian empire« . [« Cela a plus de sens de considérer l’École de Paris comme un phénomène historique – la migration sans précédent et inattendue de jeunes artistes, pour la plupart juifs, beaucoup en provenance de l’Empire russe.« ] Quant à la journaliste Wendy Smith, elle écrivait dans The Washington Post en 2015 : « the resentment towards them by French critics in the 1930s was unquestionably fueled by anti-Semitism« . [« le ressentiment des critiques d’art français à leur égard, dans les années 1930, était sans conteste dû à leur antisémitisme« ]. Certains allèrent jusqu’à parler des artistes juifs de l’École de Paris comme de l’École juive de Paris ou comme l’École de Montparnasse.
Certains artistes de l’École de Paris sont bien connus et leurs œuvres très appréciées. Beaucoup d’autres n’ont jamais vraiment eu l’opportunité d’accéder à la notoriété. C’est le cas de Jacob Mącznik, arrivé à Paris en 1928, avec sa femme, en provenance de Lodz, en Pologne. Il devint un jeune artiste très estimé dans cette génération de l’École de Paris, et même l’une de ses étoiles montantes à la fin des années 1930. Hersh Fenster, journaliste, écrivain et critique d’art dans le Paris des années 1920, 1930 et 1940, lui consacre un article long et laudateur dans son Undzere Farpainikte Kinstler, livre de référence de 1951 sur les artistes de l’École de Paris morts assassinés [voir, plus bas, la contribution de Pascale Samuel, du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme]. En effet, les nazis et les collaborateurs ont non seulement supprimé l’École de Paris, mais aussi exécuté plusieurs dizaines d’artistes européens qui en faisaient partie et détruit une grande quantité de leurs œuvres. Mącznik est l’un des artistes parisiens torturés et assassinés par le Troisième Reich. Après avoir été détenu à Auscwhitz, il termina sa vie dans le camp d’Ebensee, une annexe de Mauthausen. Il y mourut en 1945, à l’âge de 39 ans.
Puisqu’il n’y avait ni salle de classe, ni bâtiment, l’École de Paris était uniquement incarnée par des gens. Le meurtre de ces artistes et la destruction de l’École de Paris est à la fois synonyme et simultanée. Selon Édouard Roditi, poète, essayiste, critique d’art, traducteur et historien de l’art, ils étaient « parmi les plus grands artistes qui moururent victimes des camps d’extermination nazis« , ils étaient « doués d’un talent individuel extraordinaire » et, « s’ils avaient vécu pour profiter du boom international de l’art contemporain après-guerre« , « ils auraient sans doute pu profiter d’une célébrité considérable aujourd’hui« .
L’Encyclopedia Judaica inclue « … Jacob Macznik 1905-1944 [sic]… » dans la liste des dix-sept peintres « parmi les principaux artistes victimes des camps d’extermination nazis« . Elle précise : « Ces artistes martyrs étaient doués de talents si extraordinaires et si diversifiés qu’il serait injuste d’essayer de les réunir dans une ‘École juive’, comme c’était le cas sous le régime nazi, ce serait nier leurs droits humains sous prétexte qu’ils étaient juifs« .
Si, des décennies plus tard, l’immense talent artistique de Mącznik n’est connu que par si peu de gens, c’est uniquement pour cette tragique temporalité. Avant l’occupation nazie, ce talent était déjà reconnu et lui promettait une grande renommée. En octobre et novembre 1932, ses œuvres furent exposées à « Jeune Europe » [ndlr : une librairie-galerie située rue Vavin, à Paris, voir illustration ci-dessous]. Son directeur était Antonio Aniante, un auteur et dramaturge italien qui avait fui le fascisme et s’était installé à Paris, où il publiait des biographies et organisait des expositions d’art. De Mącznik, il écrivit : « Je considère Macznik (avec Carlo Levi et Halé Asafi) comme le meilleur peintre de ma nouvelle troupe d’avant garde. Macznik s’éloigne d’eux avec cette qualité surprenante d’artiste populiste… Macznik surgit du peuple et de la souffrance, mais de l’amour aussi. Vous trouverez dans ces toiles, la joie de la liberté et le charme de la pauvreté rendus sans aucun artifice. Macznik est un réaliste, toute honnêteté et toute foi. C’est un poète, c’est un penseur, c’est un sage qui s’exprime par la couleur et les formes. Avoir compris son passé, son présent et son avenir et étant le premier à l’encourager, à émerger de la foule, voilà le meilleur livre que je viens d’écrire cette année.«
Mącznik exposa également au Salon des Indépendants en 1931 et 1932, à la galerie d’art Jack (à Nevers) en septembre et octobre 1935, à la Fédération des Sociétés Juives en janvier 1937 et au Salon des Tuileries en juin 1939. En 1937, Fenster et lui entreprirent un véritable voyage de résistance artistique, des décennies avant que l’expression de « résistance artistique » n’apparaisse. Ils partirent vers l’Est afin de documenter les synagogues , avant qu’elles ne soient détruites par les nazis et les collaborateurs.
Un petit nombre d’œuvres de Mącznik ont survécu et sont aujourd’hui conservées dans des musées en France, au Canada, aux États-Unis et en Israël, mais aussi dans des collections privées. Le développement de l’Internet depuis les années 1990 a permis de découvrir, de diffuser et de documenter ses tableaux et dessins, ainsi que des documents d’archives. Dans cet « Hommage à Jacob Mącznik », vous découvrirez dix de ses peintures. De plus amples informations au sujet de sa vie et de son œuvres sont disponibles sur macznik.org.

Les deux galeries suivantes sont composées d’œuvres réunies par Samson Munn, médecin et enseignant américain, neveu de Mącznik. Il collectionne les peintures d’artistes de l’École de Paris tués par les nazis et les conserve dans des conditions muséales afin qu’elles puissent être prêtées dans le cadre d’expositions.
La seconde galerie présente dix tableaux de neuf artistes différents. Elles reflètent leurs styles très différents et prouvent que l’École de Paris n’était ni un mouvement ni un style artistique. On verra aussi que le même artiste pouvait expérimenter différents styles au cours de sa carrière. Un seul de ces artistes n’a pas été tué par les nazis, mais il s’est suicidé à leur approche.
Dans ces galeries, il manque malheureusement des œuvres de femmes artistes. Il est certain que l’École de Paris a comporté des femmes peintres et des sculptrices de grand talent, qui ont produit des œuvres magnifiques. Samson Munn n’a malheureusement pas encore eu l’occasion d’en acquérir.
B
GALERIE # 1
Tableaux de Jacob Mącznik
de la collection personnelle de Samson Munn
Jacob Mącznik (Jakub ou Yankel Mącznik) est né en Pologne le 4 décembre 1905. Il a survécu à son emprisonnement à Auschwitz, mais il est mort, des suites des mauvais traitements reçus pendant sa captivité, au camp d’Ebensee, annexe de Mathausen, le 10 mai 1945, quelques jours après sa libération par les Alliés.



Le premier tableau est un autoportrait de Jacob Mącznik. Le deuxième représente son épouse, Sonia, surnommée Stella. Le torse figurant au second plan est une sculpture de Ben, le frère de Jacob (et le père de Samson Munn), lui aussi membre de l’École de Paris dans les années 1936-1938. Le troisième portrait est celui de Jacqueline Mignac, une star de cinéma des années 1930.

Ce quatrième portrait représente Wolf Wieviorka, écrivain et journaliste, né en Pologne en 1896. Avec son épouse Rosa, il est déporté vers Auschwitz le 28 octobre 1943, dans le même convoi que Jacob et Stella. Wolf est le grand-père d’Annette, Sylvie, Michel et OIivier Wieviorka. Dans la table-ronde organisée par l’UNESCO citée en début d’article, Annette Wieviorka, éminente historienne de la Shoah et de l’histoire des Juifs au XXe siècle, évoque justement les liens de ses grands-parents avec Mącznik.






C
GALERIE # 2
Tableaux d’autres artistes de l’École de Paris
de la collection personnelle de Samson Munn
(sauf le tableau d’Ephraim Mandelbaum : collection de la famille Fenster)

Abraham Berline est né en Ukraine en 1894 et mort à Auschwitz en 1942. Ce tableau a été peint au camp de Royallieu (Frontstalag 122), camp de transit nazi situé à Compiègne.

Jacques Gotko (Yankelli/Jacob/Jakub Gotkovski) est né en Ukraine et mort à Auschwitz en 1944. Cette aquarelle représente également le camp de Compiègne.

Ce second tableau de Gotko représente un homme berbère, dans un tout autre style que le paysage précédent.

Ernest Biro, dit Biri Biri, est né en Hongrie et mort à Auschwitz en 1944. À droite, on reconnait Pierre Laval, qui fut Président du Conseil à deux reprises sous la IIIe République, puis chef du gouvernement de Vichy, sous l’État français, pendant l’Occupation du territoire national par les nazis. Il fut jugé dès la fin de la guerre et exécuté en octobre 1945. À gauche, la caricature représente un personnage moins connu : Joseph Paul-Boncour fut l’éphémère Président du Conseil du 18 décembre 1932 au 28 janvier 1933. Par la suite, anti-vichyste convaincu, il appela la France à continuer sa lutte contre le IIIe Reich depuis Alger.

Fiszel Zber (Zilberberg) est né en Hongrie et est mort à Auschwitz en 1944. Ce portrait a été dessiné dans le camp de Beaune-la-Rolande en 1941.

David Goychman est né en Ukraine et est mort à Auschwitz en 1942. Ce tableau représente le petit village de Bruniquel, dans le Quercy.

Joseph Raynefeld (Jozef Rajnfeld) est né en Pologne et s’est suicidé en 1940, alors que l’armée allemande approchait du village de Sainte-Foy-la-Grande, où il s’était caché.

Ephraim Mandelbaum est né en Pologne et est mort à Auschwitz en 1942.

Samuel Granovsky, dit « le Cowboy », est né en Ukraine en 1889 et est mort à Auschwitz en 1942.

Yehuda Cohen (Juda Cohen) est né en Grèce en 1897 et est mort à Auschwitz en 1942. Ce tableau a probablement été peint en Palestine.
D
Hersh Fenster et Nos artistes martyrs
par Pascale Samuel
[nldr : Conservatrice du patrimoine, responsable des collections moderne et contemporaine du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (Paris), Pascale Samuel était la commissaire de l’exposition « Hersh Fenster et le shtetl perdu de Montparnasse », présentée au mahJ du 19 mai au 10 octobre 2021.]
« Quand je suis retourné à Paris, au lendemain de la grande destruction, ma première tâche a été de savoir qui avait survécu au brasier. Je suis allé à Montparnasse où j’avais beaucoup d’amis, où des artistes juifs parisiens venus de partout avaient l’habitude, après le travail dans leurs pauvres ateliers, de se retrouver dans les cafés et devant une tasse de café pour parler d’art et de création. Eux, les éternels rêveurs de beauté qui exprimaient sous une forme artistique leur nature intérieure […], eux les ambassadeurs spirituels de notre peuple, manquaient au rendez-vous : ils avaient été emportés par la tempête. Dans ma douleur, j’ai vu naître en moi l’idée d’évoquer leur personne et leur travail, de les rappeler aux générations futures« .
Hersh Fenster (1882-1964), Nos artistes martyrs.

Portrait de Hersh Fenster, Paris, vers 1960 © mahJ
Né en 1882 à Baranów en Galicie dans une famille juive traditionnelle, Hersh Fenster est le parfait représentant des kultur-tuers, ces militants qui multiplièrent, dans la première moitié du XXe siècle, associations et actions visant au développement d’une culture juive moderne, fondée sur la reconnaissance de la langue yiddish. Socialiste libertaire, antimilitariste et végétarien, Fenster rejoint en 1918 un groupe d’autodéfense juive en réaction au pogrom de Lwów. En 1925, après son arrivée à Paris, il assiste l’écrivain Shalom Asch et collabore à de nombreux titres de la presse yiddish, lus par une importante communauté immigrée. À la fin des années 1930, la détresse des réfugiés juifs l’amène à ouvrir rue Richer à Paris Dos yidishe vinki, un « foyer amical », à la fois cantine, salle de conférences, de concerts et de célébrations, fréquenté par de nombreux artistes d’Europe centrale et orientale.
Interné entre 1941 et 1942 par le régime de Vichy, Fenster rejoint Saint-Gervais (alors en zone italienne), puis gagne la Suisse en août 1943. À son retour à Paris en 1945, il constate la disparition de la plupart de ses amis artistes. Dès lors, pendant six ans, il se consacre à l’écriture d’Undzere farpaynikte kinstler (Nos artistes martyrs). Il enquête sur ces 84 artistes assassinés ou morts dans le dénuement pendant l’Occupation pour rassembler iconographie et témoignages. À sa parution en 1951, le livre est salué par nombre d’écrivains qui y voient une stèle funéraire pour ceux qui, pour la plupart, n’ont pas de sépulture, un monument digne du « Peuple du livre ».

Jaquette de couverture d’Undzere farpaynikte kinstler (Nos artistes martyrs)
de Hersh Fenster, par Arthur Kolnik, Paris, 1951
© Paris, Maison de la culture yiddish – Bibliothèque Medem
Fenster situe son ouvrage dans le voisinage des livres de souvenir publiés dans l’immédiat après-guerre pour témoigner d’un shtetl [ndlr : village, quartier, communauté] disparu. Ce qui le singularise, c’est qu’il ne porte pas sur une ville ou un territoire donné, mais sur une communauté d’artistes, celle qui animait les ateliers et les trottoirs de Montparnasse, du 9, rue Campagne-Première chez Efraïm Mandelbaum, à la Ruche du passage Dantzig d’Henri Epstein, en passant par la Villa Seurat de Soutine ou la rue Vaugirard de Nahoum Aronson. Mais ce livre n’est pas tant un « tombeau de papier », comme certains l’ont écrit, qu’un « musée de papier ». C’est un livre ou des artistes racontent d’autres artistes, qui permet d’incarner la vitalité de l’art à Paris et de redécouvrir un « monde disparu ».
À travers 84 portraits d’hommes et de femmes, né pour la plupart entre 1880 et 1910, en France, mais surtout en Europe centrale ou orientale (Pologne, Allemagne, Autriche, Hongrie, Roumanie, Russie, Ukraine…), Fenster décrit les multiples facettes de la communauté d’artistes juifs attirés par Paris, où ils pouvaient compléter leur formation dans les écoles et les académies, travailler librement et exposer leurs œuvres dans nombre de galeries et de salons. Ils ne sont d’aucune « École » au sens traditionnel : ils ne partagent pas un style, mais une histoire commune, un idéal et un destin.
La postérité a retenu le nom de quelques-uns comme Chaïm Soutine ou Otto Freundlich, mais nombre d’entre eux sont tombés dans l’oubli, ou restés ignorés de la critique. L’exil, la guerre, l’Occupation, la déportation briseront des vies et entraîneront souvent la disparition des archives et des fonds d’atelier, plongeant une seconde fois dans l’oubli l’œuvre de nombreux acteurs de l’ultime moment de ce qu’André Warnod désignait comme l’École de Paris.
L’ouvrage de Fenster, rédigé en yiddish, préfacé par Chagall et publié à compte d’auteur, à Paris en 1951, se classe dans la catégorie des « livres du souvenir » parus après-guerre pour témoigner de l’anéantissement du yiddishland. Tiré à 375 exemplaires, Undzere farpaynikte kinstler était connu des seuls initiés. Co-édité par le musée d’art et d’histoire du Judaïsme et Hazan, avec le concours de la Maison de la culture yiddish-bibliothèque Médem, sous la direction de Juliette Braillon, Nos artistes martyrs est la première traduction française d’Undzere farpaynikte kinstler, enrichie d’un appareil critique et d’une nouvelle iconographie.
Hersh Fenster, Nos artistes martyrs, Paris, mahJ-Hazan, 2021, 312 pages, 170 illustrations, 39 euros.

Nos artistes martyrs, Paris, mahJ-Hazan, 2021
