


Le 18 juin 1815, Arthur Wellesley, 1er duc de Wellington, et son collègue prussien, le feld-maréchal Blücher, mettent un terme définitif à l’épopée napoléonienne. Après une vingtaine d’années de conflit, l’un des rares pays d’Europe à ne pas avoir plié sous le joug de Bonaparte, peut enfin tourner la page. Pourtant, le Royaume-Uni reste à jamais marqué par le souvenir de l’Empereur. C’est d’ailleurs sur les bords de la Tamise que nait véritablement la légende napoléonienne, alors qu’y sont publiés certains des souvenirs des derniers compagnons de Sainte-Hélène et que les opposants au gouvernement conservateur tentent de réhabiliter l’image de l’Ogre corse. La guerre étant terminée, des nuées de Britanniques peuvent assumer au grand jour leur fascination pour Napoléon. Ils ne risquent plus d’être taxés de trahison. Même, le fait de célébrer l’empereur déchu est presque devenu un acte patriotique chez ceux qui sont enfin parvenu à le vaincre. Les 200 000 personnes qui viennent pour admirer la berline de Napoléon à l’Egyptian Hall de Piccadilly n’en sont qu’une expression, au même titre que les toiles de Turner qui évoquent les guerres napoléoniennes ou l’ouvrage de Walter Scott qui retrace la vie du Français.
Dès avant la fin de la guerre, les premiers souvenirs napoléoniens entrent dans les collections royales. S’il déteste et méprise l’Usurpateur, le Prince Régent se plait à collectionner les caricatures, notamment celles qui participent à l’humiliation de Napoléon. Il reçoit également en cadeau de nombreuses reliques de Waterloo ou de Sainte-Hélène.
Quelques décennies plus tard, les choses ont bien changé. La reine Victoria, qui est la nièce du Prince Régent, sympathise avec Napoléon III, qui est à la fois le neveu de Napoléon Ier et le petit-fils de Joséphine. Elle l’accueille à Windsor avec l’impératrice Eugénie et, lors de son voyage officiel à Paris, va se recueillir sur le tombeau temporaire de l’Empereur aux Invalides. D’autres types d’objets napoléoniens entrent dans les collections royales, dans un autre contexte : celui de l’alliance entre la France et le Royaume-Uni et de la grande amitié entre les deux souverains et leurs familles respectives. N’a-t-on pas envisagé le mariage du Prince Impérial avec une fille de la reine Victoria ?
Alors qu’en France le souvenir de Napoléon Ier relève désormais de la politique et de l’idéologie et qu’il soulève de violentes polémiques, jusqu’à nos jours, l’épisode napoléonien est considéré, en Angleterre, de manière beaucoup plus détachée, beaucoup moins passionnée. Finalement, la gloire passée du vaincu ne fait que renforcer la gloire présente des vainqueurs. Alors que Napoléon III pousse son dernier soupir dans la banlieue de Londres, alors que son fils étudie à l’académie royale de Woolwich avant de mourir, tué par les Zoulous en Afrique du Sud, en portant un uniforme britannique, alors que l’impératrice Eugénie leur fait construire un mausolée à Farnborough, le prince de Galles installe une « Napoleon Room » dans sa demeure de Marlborough House. Ce petit musée personnel à la gloire de l’Empereur est ensuite conservé par la reine Mary, épouse de Georges V. Cette même reine Mary qui se voit offrir un buste miniature de Napoléon Ier pour sa fameuse maison de poupées, aujourd’hui installée au château de Windsor. La résidence du Berkshire est encore aujourd’hui remplie de souvenirs napoléoniens, tandis qu’un guéridon en porcelaine de Sèvres conçu pour l’Empereur trône dans l’un des salons du palais de Buckingham. Le conflit national et familial du premier XIXe siècle est apaisé depuis longtemps, comme en témoigne la chaleureuse poignée de main entre le prince Charles et le Prince Napoléon, le 18 juin 2015, pour le bicentenaire de Waterloo, sous les yeux des descendants de Wellington et de Blücher. Les reliques napoléoniennes des collections royales britanniques sont l’expression de cette entente devenue cordiale.
Il est important de comprendre que ce Parcours Napoléon dans les collections royales britanniques est purement virtuel. La quarantaine d’œuvres d’art et d’objets qui le composent est disséminée dans l’ensemble des demeures royales. Certains sont visibles au château de Windsor, ou au palais de Buckingham lorsque celui-ci est ouvert à la visite. Ceux qui ne sont pas exposés sont toutefois visibles sur le site du Royal Collection Trust. Certains sont véritablement historiques, comme la lettre de reddition envoyée par l’Empereur au Prince Régent après la seconde abdication, d’autres plus anecdotiques, comme le buste miniature déjà cité. Certains relèvent bien sûr de la mémoire nationale, comme le buste de Wellington, les caricatures antinapoléoniennes ou les reliques de Waterloo, d’autres témoignent d’une certaine fascination pour l’Empereur et son épopée, comme le buste de Jérôme ou certains objets du quotidien de Napoléon. Tous, en tout cas, témoignent d’une rivalité féroce entre deux empires et d’une concorde retrouvée entre deux grandes nations.
Ce Parcours Napoléon dans les collections royales britanniques est l’un des parcours proposés par la Fondation culturelle francophone de Londres, dans le cadre du bicentenaire de la mort de l’empereur Napoléon Ier, survenue le 5 mai 1821, en territoire anglais. Ces parcours font partie de la programmation officielle de l’Année Napoléon 2021 et sont soutenus par la Fondation Napoléon et le British Napoleonic Bicentenary Trust.
Le présent parcours a été réalisé grâce au soutien et à la confiance du Royal Collection Trust.
Les textes ont été rédigés par Thomas Ménard, porteur du projet de création de la Fondation culturelle francophone de Londres. N’hésitez pas à lui signaler toute erreur en écrivant à t.menard (a) ladpe.fr. Le Royal Collection Trust ne saurait être tenu pour responsable du contenu de ce parcours.
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