NAPOLÉON // UK // PN // RCT1

Les textes ont été rédigés par Thomas Ménard. N’hésitez pas à lui signaler toute erreur en écrivant à t.menard (a) ladpe.fr. Le Royal Collection Trust ne saurait être tenu pour responsable du contenu de ce parcours.

Note : 5 sur 5.

Le duc de Marlborough
Buste de Pierre-Charles Bridan, 1800-1801
Exposé dans la Queen’s Guard Chamber, au château de Windsor

Note : 5 sur 5.

Épée d’apparat du Premier consul
Conçue par la manufacture de Versailles, 1802-1803
Exposée dans la Queen’s Guard Chamber, au château de Windsor

Pour cette arme d’honneur, présentée dans les vitrines de la grande salle des gardes du château, nous disposons de quelques éléments permettant de retracer son histoire. L’épée porte en effet les mentions « Boutet Directeur Artiste » et « Manuf A Versailles ». Nicolas-Noël Boutet (1761-1833), fils de l’Arquebusier des chevaux-légers du roi, hérite de son beau-père la charge d’arquebusier ordinaire du roi Louis XVI. Le 23 août 1792, le nouveau régime le nomme directeur-artiste (une sorte de directeur technique) de la manufacture de carabines de Versailles, qui devient le 1er février 1794 la manufacture d’armes de Versailles. Installée dans les anciens appartements de l’aile du Midi, au château de Versailles, elle est d’abord une simple usine de production d’armes à feu pour les armées révolutionnaires.
Pendant la campagne d’Italie, le jeune général Bonaparte prend l’habitude d’offrir des armes d’honneur à ses soldats les plus valeureux. Sous le Consulat, la tradition continue et la manufacture de Versailles se spécialise dans ces armes d’honneur et d’apparat. Grâce au talent de Boutet, certaines sont de véritables trésors d’orfèvrerie.
Cette épée est accompagnée d’un certificat qui précise son histoire. « Je Sousigné Certifie qu’ayant été emplyé (sic) autrefois comme Emballeur De la Maison de S. M. L’Empereur Napoléon, il ma été affirmé par de personne que laproche que le glaive que J’ai Vandu a Messieurs Rundell Bridge et Rundell de Londres, lui avoit appartenu etant premier Consul – Cest pourquoi J’ai delivre le présent a Paris le deux Fevrier Milhuit cent Vingt Sept Chenne Layetier Emballeur du Garde meuble de la Couronne et du Musée rue croix des petets (sic) Champs No28 ». Si l’on en croit ce Monsieur Chenne (il s’agit sans doute en fait de Jean Adam Chenue, 1780-1880), l’épée est donc celle du Premier consul. On sait en effet que trois épées ont été commandées à Boutet pour Bonaparte, Sieyès et Ducos. Deux autres sont ajoutées plus tard, pour Cambacérès et Lebrun. Sur ces cinq épées d’apparat, très proches par le décor, une est conservée à la Malmaison, une autre au Victoria & Albert Museum. On dit que celle de la Malmaison aurait été offerte par Napoléon à son fils, le roi de Rome. Dans ce cas, c’est celle qui aurait dû lui appartenir. Ce qui semble être infirmé par le billet accompagnant l’épée de la Royal Collection. Selon ce dernier, Chenue l’aurait cédée le 2 février 1827 à Rundell, Bridge & Rundell, la célèbre maison de joaillerie et d’orfèvrerie de Londres. Fondée par Philip Rundell et John Bridge en 1787 (Edmond Walter Rundell, le neveu de Philip, devint associé en 1804), la maison obtient le titre de fournisseur de la Cour entre 1804 et 1843. Peu de temps après la transaction, l’épée entre dans les collections de Georges IV. On sait qu’elle est dans l’inventaire de l’armurerie de Carlton House le 9 avril 1827.
Le décor est assez étonnant, mais il faut se rappeler qu’il ne se réfère ni au général Bonaparte ni à l’empereur Napoléon Ier, mais au Premier consul. Ni aigle, ni abeille, donc, mais Hermès et les attributs du commerce, Minerve (portant le bonnet phrygien) et les attributs de l’agriculture. Et puis, tout de même, quelques évocations de l’art militaire.

Note : 5 sur 5.

L’Empereur
Portrait gravé par Auguste Desnoyers, 1808

Le 18 mai 1804, le Sénat proclame l’instauration de l’Empire. Pour être plus précis, le sénatus-consulte dispose que la République française est désormais gouvernée par un empereur, l’empereur des Français. Le Premier consul Bonaparte (consul à vie à partir de 1802) devient Napoléon le Grand ! L’Empereur a choisi Auguste Desnoyers pour réaliser la gravure du célèbre tableau de François Gérard, qui représente Napoléon Ier en costume du sacre (1805, voir œuvre suivante pour la cérémonie). L’idée est bien sûr de diffuser au maximum l’image du nouveau souverain, à travers l’Europe et au-delà, et donc de participer à la propagande du nouveau régime.
L’Empereur est debout, sur une estrade et sous un dais, devant le fameux trône au dossier circulaire imaginé par Percier et Fontaine. À sa droite, l’orbe et la main de justice reposent sur un luxueux tabouret. Il est revêtu du somptueux costume dessiné par Isabey et, encore une fois, Percier. La robe de satin blanc est brodée d’or. Le lourd manteau de velours rouge est bordé d’hermine et brodé d’abeilles, du « N », de branches de chêne, d’olivier et de laurier entrelacées. Napoléon est couronné de feuilles de laurier d’or et tient à la main le sceptre dit de Charlemagne (en fait celui de Charles V). À sa ceinture, on devine l’épée du sacre, dont la garde est revêtue du Régent, l’un des trésors des rois de France. Il est intéressant de préciser que ce diamant blanc fut découvert à Golconde, aux Indes, et qu’il fut vendu à Philippe d’Orléans, le neveu de Louis XIV… par un certain Thomas Pitt (1653-1726), le grand-père de Pitt l’Ancien et l’arrière-grand-père de Pitt le Jeune. Ce dernier était Premier ministre de sa Gracieuse Majesté au moment du sacre de Napoléon et donc l’un des principaux opposants à Napoléon ! On reconnait également le grand-collier de la Légion d’honneur, ordre institué par le Premier consul en 1802.
Cela peut paraître étrange, mais le prince de Galles a acheté cette copie de la gravure de Desnoyers le 1er février 1811, quelques jours avant d’être nommé régent et en pleine guerre contre l’Empereur, notamment dans la péninsule ibérique. Sans rancune !

Note : 5 sur 5.

Le Sacre
Illustration d’un livre de Charles Percier et Pierre Fontaine, 1807

C’est donc le couronnement de Napoléon qui symbolise la proclamation de l’Empire, ou plutôt, comme le dit le texte constitutionnel, l’accession d’un empereur au gouvernement de la République française. C’est un acte de politique, autant que de propagande, et sans doute aussi de psychologie personnelle. Un outsider atteint le plus haut niveau de la hiérarchie sociale : le petit hobereau désargenté d’une province récemment unie au royaume de France devient le nouveau souverain du pays, par ses seuls mérites. « Si Papa voyait ça », aurait dit Napoléon à son frère aîné, Joseph, juste avant la cérémonie, apparemment en corse !
Plus que tout ce qu’il a créé ou détruit au cours de ces 15 années au pouvoir, c’est le sacre qui symbolise le plus ce qu’est le bonapartisme initial (celui de Napoléon Ier, qui n’a absolument rien à voir avec le bonapartisme sans Napoléon, celui de Napoléon III, et encore moins le bonapartisme fantasmé de ce début de XXIe siècle. Voir Arthur Chevallier, Napoléon et le Bonapartisme, Paris, PUF, 2021). À savoir, un subtil équilibre entre tradition monarchique millénaire et héritage de la Révolution.
Le sacre se déroule donc le dimanche 2 décembre 1804, à Notre-Dame de Paris, haut-lieu de la monarchie française (l’idée d’un sacre à Reims, comme du temps des rois de France, a été rejetée). Napoléon a choisi un cadre religieux, la cathédrale de Paris, mais l’Empereur ne communie pas. Il a ordonné la présence du pape, Pie VII, mais il se couronne lui-même et il couronne l’impératrice. Le pape n’est donc qu’un simple témoin. Témoin partiel, d’ailleurs, puisqu’il doit se retirer dans la sacristie pendant le serment civique. Le souverain pontife est surtout une sorte de pion sur l’échiquier politique du nouveau souverain républicain. Le serment est clair : l’Empereur « jure de maintenir l’intégrité du territoire de la République » et bien d’autres choses qui, elles aussi, relèvent plutôt de l’héritage révolutionnaire (liberté des cultes, égalité des droits, etc.).
Il est probable que cette glorieuse cérémonie a mis tout le monde d’accord sur un point : la gêne que cela a occasionnée dans tous les esprits, à l’exception de celui de l’Empereur. Les Républicains sont contre le rétablissement d’un pouvoir monarchique. Les royalistes ralliés sont contre l’irruption du civil dans ce moment éminemment sacré. Les royalistes non ralliés y voient une usurpation. Les croyants voient la passivité forcée du pape comme une insulte à l’Église. Les anticléricaux voient la présence du pape comme une insulte à la Révolution. Même la nouvelle famille impériale n’y trouve pas son compte : les sœurs de l’Empereur refusent de porter la traine de leur honnie belle-sœur, Madame Mère boude à Rome parce que Napoléon s’est disputé avec Lucien.
Mais ce sacre, c’est aussi le triomphe de Charles Percier (1764-1838) et Pierre Fontaine (1762-1853), les architectes et décorateurs de Napoléon, créateurs du style Empire. Ce sont eux qui, avec le peintre Jean-Baptiste Isabey, ont imaginé le décor de la cérémonie, sous la direction de Louis-Philippe de Ségur, nommé grand-maître des cérémonies dès la proclamation de l’Empire. La vision de Notre-Dame que nous donne à voir cette illustration est peu commune pour nous : l’imaginaire collectif français a oublié ce genre de célébrations depuis longtemps. On peut toutefois se reporter aux images de l’abbaye de Westminster, le 2 juin 1953. Pour le couronnement d’Élisabeth II, on avait également construit des balcons et des gradins dans les bas-côtés pour accueillir les milliers d’invités. Bien sûr, le décor est différent : ici règnent les grandes armoiries de l’Empire, le N auréolé de couronnes de laurier, les aigles impériales, mais aussi la tiare pontificale. Ce qui frappe, aussi, c’est ce gigantesque podium, couronné d’un arc de triomphe, où l’Empereur est assis sur son trône, sous un dais. Sur l’arc de triomphe, où des divinités ailées et vêtues à l’antique célèbrent le nouveau César, sont inscrits en lettres d’or les mots « Napoléon Empereur des Français », ainsi que « Honneur » et « Patrie », qui forment la devise de l’ordre de la Légion d’honneur.

NB : Jean Tulard a consacré un magnifique album au sacre lors du bicentenaire de 2004, avec le détail du procès-verbal rédigé par Louis-Philippe de Ségur, grand maître des cérémonies, et de nombreuses illustrations d’époque (Jean Tulard, Le Sacre de l’empereur Napoléon : histoire et légende, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux ; Fayard, 2004.).

Note : 5 sur 5.

Napoléon domine l’Europe
Portrait de Charles Howard Hodges, vers 1811

Qui dit empereur, dit empire. Et qui dit empire, dit fédération, ou au moins association, de plusieurs États souverains, a priori des royaumes, sous le sceptre commun d’un souverain unique. La légende de cette gravure de 1811 nous donne quelques indices quant à ce nouveau « système continental » érigé par Napoléon.
Nous l’avons vu, Napoléon Ier est l’empereur des Français. Cela a une dimension particulière, puisque la République française est alors constituée de plus de 100 départements, avec un maximum de 134 départements en 1813. Cela inclut ce qui avait été les Pays-Bas autrichiens, la rive gauche du Rhin, le Piémont, la République de Gênes, le grand-duché de Toscane, le duché de Parme, les États pontificaux, les Provinces-Unis, des territoires de l’ancienne Hanse, la Catalogne et d’autres territoires. À cela s’ajoutent les 6 provinces illyriennes. Ces territoires dit « réunis » ont tout simplement été annexés à la France au cours des guerres de la Révolution et de l’Empire. En 1812, cela représentait 750 000 km² et 44 millions de Français, soit environ un tiers de l’Europe. En 1815, le second traité de Paris ramène la France à 86 départements.
La Révolution française a donné des idées à de nombreux peuples, en tout cas à une minorité agissante au sein de ces peuples. Les Pays-Bas autrichiens, les Provinces-Unies, les cantons suisses, certains des États italiens ont eu leur révolution au début des années 1790, ce qui donna parfois lieu à la création de républiques, dites sœurs de la République française. Ainsi, en Italie, la République cispadane et la République transpadane, qui forment rapidement la République cisalpine, devenue en 1802 la République italienne, dont le président n’est autre qu’un certain Napoléon Bonaparte. Bien sûr, après la proclamation de l’Empire, l’empereur des Français peut difficilement rester par ailleurs président de la République italienne. Comme leurs confrères français, les républicains italiens doivent se soumettre : le 17 mars 1805, on proclame le royaume d’Italie. Napoléon devient roi d’Italie et il est représenté sur place, à Milan, par son beau-fils, le fidèle et loyal Eugène de Beauharnais, le fils de Joséphine. Fidèle, il le reste jusqu’à la campagne de France. Le royaume d’Italie survit même quelques jours de plus que l’Empire.
Napoléon est également médiateur de la Confédération helvétique. Là aussi, la Révolution française s’est exportée. Après l’invasion de 1798, les armées françaises forcent les cantons suisses à se réunir au sein d’une éphémère République helvétique. Cinq ans plus tard, le 19 février 1803, le Premier consul, par l’Acte de médiation, impose une nouvelle constitution et la restauration d’une Confédération helvétique. C’est ainsi qu’il devient le médiateur du nouvel État. En fait, le représentant de l’Empereur en Suisse exerce une influence considérable sur le gouvernement de la Suisse. Autant dire que c’est Napoléon qui décide de tout.
Enfin, le document nous apprend qu’il est protecteur de la Confédération du Rhin. Celle-ci a été imposée aux peuples germaniques, et notamment à l’Autriche, après la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805), et instituée par le traité du 12 juillet 1806. Seize États quittent le Saint Empire romain germanique pour former la Confédération du Rhin, dont l’empereur des Français est le protecteur. Progressivement, d’autres États adhèrent à la confédération. À son maximum, elle incorpore 35 États, plus de 15 millions d’habitants et 350 000 km². Parmi ces États, citons les royaumes de Bavière, de Saxe, de Westphalie et de Wurtemberg, cinq grands-duchés, quatorze duchés et de nombreuses principautés. Si certains conservent une large autonomie, d’autres sont directement soumis à l’Empereur (par exemple le royaume de Westphalie, confié à Jérôme Bonaparte, ou le grand-duché de Berg, apanage de Murat, puis du fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande). L’une des conséquences, c’est la dissolution du Saint Empire, qui existait depuis près de 1 000 ans. Le 6 août 1806, moins d’un mois après la création de la Confédération du Rhin, l’empereur François II abdique. Prévoyant, il avait pris le titre d’empereur d’Autriche, sous le nom de François Ier, le 11 août 1804, quelques mois après que le Premier consul fût devenu Napoléon Ier, empereur des Français.
Mais le « système continental » de l’Empereur ne s’arrête pas là. Des « royaumes frères » sont placés sous la dépendance de Napoléon, et d’ailleurs confiés à ses frères ou beau-frère : le royaume de Naples, pris aux Bourbons et attribué d’abord à Joseph Bonaparte, puis à Joachim Murat, l’époux de Caroline Bonaparte ; le royaume d’Espagne, enlevé à une autre branche des Bourbons, accordé à Joseph, qui quitte Naples pour Madrid. Citons également le royaume de Hollande, où Napoléon place Louis Bonaparte, avant de l’annexer à l’Empire sous forme de nouveaux départements français. Il y a également le duché de Varsovie, confié au fidèle roi de Saxe.

Voir Thierry Lentz, Napoléon : dictionnaire historique, Paris, Perrin, 2020, et Jean Tulard (dir.), L’Europe au temps de Napoléon, Paris, Cerf, 2020.

Note : 5 sur 5.

Napoléon et sa Cour
Gravure parisienne, après 1809

Ce trombinoscope est intéressant puisqu’il donne un aperçu des « hommes de l’Empereur » et des différents cercles de l’entourage de Napoléon. Sa composition nous révèle d’ailleurs que le document date probablement de 1809 et donc pas d’ « environ 1807 », comme spécifié par la Royal Collection. Pour plus de clarté, les personnages apparaissent ici en gras lorsqu’ils sont cités pour la première fois.

Il y a d’abord les hommes de la famille impériale. Ici on retrouve d’abord trois des quatre frères Bonaparte : Joseph (1768-1844, N°2), Louis (1778-1846, N°3) et Jérôme (1784-1860, N°5). Lucien (1775-1840), qui a eu un rôle important dans la prise de pouvoir de Brumaire, est désormais brouillé avec Napoléon et n’est donc pas représenté. Il convient de rappeler qu’il vit en résidence surveillée, sous la « protection » des Anglais, entre 1810 et 1814, d’abord dans le Shropshire, puis dans le Worcestershire. Viennent ensuite les beaux-frères : Joachim Murat (1767-1815, N°6), époux de Caroline (1782-1839) ; Félix Baciocchi (1762-1841, N°9), époux d’Élisa (1777-1820) ; Camille Borghèse (1775-1832, N°10), époux de Pauline (1780-1825). Citons également deux neveux de l’Empereur : Napoléon Louis (1804-1831, N° 4), fils de Louis et d’Hortense de Beauharnais et donc à la fois le neveu de Napoléon Ier et le petit-fils de l’impératrice Joséphine ; Napoléon Achille Murat (1801-1847, N°7), fils de Joachim Murat et Caroline Bonaparte. Sont également présents le fils adoptif de Napoléon, Eugène de Beauharnais (1781-1824, N°8), qui est le fils de Joséphine, ainsi que Charles Frédéric de Bade (1786-1818, N°11), qui est l’époux de Stéphanie de Beauharnais (1789-1860), une cousine de Joséphine, adoptée par l’Empereur en 1806 (pour faire accepter le mariage à la famille de Bade). Il est à noter que certains de ces personnages ont reçus la qualité de prince français.

Ce document est également une sorte d’organigramme de la cour impériale. On trouve d’abord les grands dignitaires de l’Empire, institués par la Constitution du 18 mai 1804, qui sont nommés à vie, inamovibles, « jouissent des mêmes honneurs que les princes français et prennent rang immédiatement après eux ». Il y a d’abord six grandes dignités de l’Empire, celles de grand électeur (Joseph Bonaparte, N°2), d’archichancelier de l’Empire (Cambacérès, 1753-1824, N°12), d’archichancelier d’État (Eugène de Beauharnais, N°8), d’architrésorier (Lebrun, 1739-1824, N°13), de connétable (Louis Bonaparte, N°3) et de grand amiral (Murat, N°6). Par la suite, sept autres grandes dignités sont créées : en 1807, celle de vice-grand électeur (Talleyrand, 1754-1838, N°14), celle de vice-connétable (Berthier, 1753-1815, N°15), celle de vice-grand amiral, non attribuée ; en 1809, celle de gouverneur général des départements au-delà du Rhin (Camille Borghèse, N°10) et celle de grande-duchesse de Toscane (Élisa Bonaparte) ; en 1810, celle de gouverneur général des départements de Hollande (Lebrun également, N°13) et celle de gouverneur général des départements de Rome et du Trasimène, non attribuée.

Après les grands dignitaires de l’Empire, voici les grands officiers de l’Empire. Le document présente d’abord les deux premiers des six grands officiers civils de l’Empire, à savoir le grand maréchal du palais (Duroc, 1772-1813, N°30, qui sera remplacé par Bertrand après sa mort) et le grand écuyer (Caulaincourt, 1773-1827, N°29). Un des grands officiers de l’Empire est également l’un de ses grands dignitaires : il s’agit de Berthier (N°15), qui cumule la dignité de vice-connétable et l’office de grand veneur, ce qui n’est pas précisé ici. C’est également le cas de Talleyrand, qui est grand électeur et grand chambellan, en tout cas jusqu’en 1809. S’agit-il d’une omission sur le document, comme pour Berthier ? Ou a-t-il déjà été remplacé par Montesquiou-Fezensac ? Enfin, le document n’évoque ni le grand maître des cérémonies, Ségur, ni le grand aumônier, qui n’est autre que Joseph Fesch, demi-frère de Madame Mère.

Quant aux grand officiers militaires de l’Empire, il s’agit des fameux maréchaux (mais également des inspecteurs généraux et des colonels généraux). Sur ce point, le document n’est pas très précis. En 1804, Napoléon Ier nomme 14 maréchaux (il peut y en avoir 16 au total). Neuf seulement sont présentés ici : Berthier (N°15), Moncey (1754-1842, N°22), Masséna (1758-1817, N°21), Augereau (1757-1816, N°16), Soult (1769-1851, N°25), Mortier (1768-1835, N°23), Ney (1769-1815, N°24), Davout (1770-1823, N°18) et Bessières (1768-1813, N°17). S’y ajoute Murat (N°6), dont l’office de maréchal de France n’est pas précisé sur ce document. En revanche, n’apparaissent ici ni Jourdan, ni Bernadotte, ni Brune, ni Lannes : Jourdan est chef d’état-major de Joseph en Espagne, Bernadotte est en train de devenir prince héritier de Suède, Brune est en disgrâce et Lannes est mort le 31 mai 1809 à la bataille d’Essling.
Le 19 mai 1804, l’Empereur désigne également quatre maréchaux sénateurs, qui ne sont pas grands officiers. Deux sont présents ici (Kellermann, 1735-1820, N°19 ; Lefebvre, 1755-1820, N°20) et deux sont absents (Pérignon et Sérurier).
Par la suite, huit nouveaux maréchaux sont créés : Victor (1764-1841, N°26) en 1807, Marmont (1774-1852, N°28), Oudinot (1767-1847, N°31) et Macdonald (1765-1840, N°32), ainsi que Suchet en 1811, Gouvion-Saint-Cyr en 1812, Poniatowski en 1813 et finalement Grouchy, pendant les Cent-Jours, en 1815, mais aucun de ces quatre derniers maréchaux n’apparaissent ici puisqu’ils sont postérieurs au document.

Pour terminer, ce trombinoscope met en avant la nouvelle aristocratie mise en place par l’Empereur, qu’il s’agisse des souverains de sa parentèle ou de la noblesse d’Empire. Parmi les plus proches de Napoléon, il y a :
– quatre rois : Joseph, roi des Espagnes et des Indes, mais qui ne parvient à régner que sur une partie de l’Espagne (N°2) ; Louis, roi de Hollande (N°3) ; Jérôme, roi de Westphalie (N°5) ; Murat, roi de Naples et de Sicile, ou plutôt roi de Naples en fait et roi de Sicile en titre, puisque les Bourbons n’en ont jamais été délogés (N°6),
– un vice-roi : Eugène de Beauharnais, vice-roi d’Italie et prince de Venise (N°8),
– deux princes qui sont également princes français : ses beaux-frères, Félix Baciocchi, prince de Lucques et Piomboni (N°9) et Camille Borghèse, prince et duc de Guastalla (N°10),
– un grand-duc et prince français : son neveu, Napoléon Louis, fils de Louis de Hollande, qui est grand-duc de Berg et Clèves (N°4), où il a remplacé Murat après son départ pour Naples,
– le futur grand-duc souverain de Bade (N°11),
– deux autres princes : Talleyrand, prince de Bénévent (N°14) et Berthier, prince de Neuchâtel (N°15),
– dix-sept autres ducs : Cambacérès, duc de Parme (N°12), Lebrun, duc de Plaisance (N°13), Augereau, duc de Castiglione (N°16), Bessières, duc d’Istrie (N°17), Davout, duc d’Auerstaedt (N°18), Kellermann, duc de Valmy (N°19), Lefebvre, duc de Dantzig (N°20), Masséna, duc de Rivoli (N°21), Moncey, duc de Conegliano (N°22), Mortier, duc de Trévise (N°23), Ney, duc d’Elchingen (N°24), Soult, duc de Dalmatie (N°25), Victor, duc de Bellune (N°26), Junot, duc d’Abrantès, qui apparait ici pour la première fois (1771-1813, N°27), Marmont, duc de Raguse (N°28), Caulaincourt, duc de Vicence (N°29) et Duroc, duc de Frioul (N°30). Le document oublie toutefois de préciser qu’Oudinot est duc de Reggio (N°31) et Macdonald duc de Tarente (N°32), mais peut-être ce document présente-t-il un état des lieux des proches de l’Empereur entre le 12 juillet 1809 (nomination de Marmont, Oudinot et Macdonald comme maréchaux de l’Empire) et le 15 août 1809 (création des titres ducaux d’Oudinot et Macdonald).

Note : 5 sur 5.

Joseph Bonaparte
Gravure d’après une peinture de Robert Lefèvre, vers 1810

Premier des enfants de Carlo-Maria de Buonaparte et de son épouse, Maria Letizia, née Ramolino, Joseph Nabulion Bonaparte voit le jour le 7 janvier 1768. Napoléon le rejoint un an et demi plus tard, le 15 août 1769. Ils grandissent ensemble dans la maison d’Ajaccio, avant de partir pour le collège d’Autun, début 1779. L’aîné y reste quelques années, le cadet à peine quelques mois. Ils se retrouvent en Corse après la mort de leur père. Là, ils commencent à rivaliser pour le rôle de chef de famille. Si Joseph est l’aîné, Napoléon est le plus vif et sans doute déjà un peu tyrannique. S’ensuivent quelques années à s’agiter sur la scène politique locale, notamment dans l’ombre de Pasquale Paoli, revenu de son exil londonien après le vent de liberté qui souffle avec la Révolution. L’épisode se termine mal : Paoli finit par les considérer comme des traitres à la cause corse et les Bonaparte, proscrits, sont contraints à rejoindre le Sud de la France. Le sort de la famille, d’abord incertain et médiocre, va considérablement s’améliorer alors que la destinée de Napoléon commence à s’accomplir.
Le 1er août 1794, Joseph épouse la fortunée Julie Clary (1771-1845), fille d’un riche négociant marseillais. Elle va lui donner deux filles : Zénaïde (1801-1854) et Charlotte (1802-1839). Une première Zénaïde avait brièvement vécu en 1796-1797.
En 1797, il est nommé ambassadeur à Rome, auprès du Saint-Siège, mais l’expérience se termine mal. Il est aussi député aux Cinq-Cents et ses contacts dans la classe politique profitent à Napoléon, notamment au moment du coup d’État de brumaire (9 novembre 1799). Pendant le Consulat, il sert souvent de diplomate à son frère, le représentant lors de la négociation de traités avec les États-Unis, avec l’Autriche, avec la papauté pour le Concordat, avec l’Angleterre aussi, pour la paix d’Amiens (1802).
En 1804, avec la proclamation de l’Empire, il devient prince français et l’un des grands dignitaires de l’Empire : il est grand électeur, comme nous l’avons vu précédemment. À cela s’ajoutent une très confortable pension et un rôle prépondérant dans l’entourage de l’Empereur. Napoléon pense à lui pour devenir roi d’Italie, mais il refuse, parce que cela implique de renoncer à ses droits sur la succession impériale. Toutefois, le 30 mars 1806, il accepte le trône de Naples. Il tente de lutter contre les Bourbons, réfugiés en Sicile, contre leurs alliés britanniques, et contre leurs soutiens locaux, notamment parmi le petit peuple de Calabre et des Pouilles. Il tente aussi d’appliquer les ordres de son frère. Il tente, enfin, de se faire aimer du peuple, ce qui n’est pas toujours facile, justement à cause de ces ordres fraternels. Il n’aura guère le temps.
En 1808, Napoléon profite d’un embrollo (imbroglio en espagnol !) dynastique pour s’emparer du trône d’Espagne. Lors de l’entrevue de Bayonne (30 avril 1808), l’Empereur règle le sort des deux souverains rivaux, le roi Charles IV et son fils, le roi Ferdinand VII, invités/convoqués en France. Plutôt que de trancher entre eux, il les expédie en exil (Charles IV à Compiègne et Ferdinand VII à Valençay, chez Talleyrand) et attribue Madrid à Joseph, qui cède donc Naples à Joachim Murat, leur beau-frère, époux de Caroline Bonaparte.
Le règne de José Primero est encore plus compliqué que celui de Giuseppe Primo, toujours à cause de Napoléon. Comme Murat à Naples, comme Louis en Hollande, Joseph prétend être un roi à part entière, mais l’Empereur ne le considère que comme un simple fonctionnaire à son service, placé sur le trône du palais d’Orient pour exécuter les décisions prises à Paris. C’est d’autant plus compliqué que la situation militaire dans la péninsule ibérique est catastrophique, du fait de la guérilla menée par les Espagnols, avec le soutien des Anglais. Rappelons que, bien avant Waterloo, c’est en Espagne que le futur duc de Wellington a établi sa gloire.
Joseph et les armées françaises finissent par être chassées d’Espagne. Le 21 juin 1813, el rey intruso passe la frontière et arrive à Saint-Jean-de-Luz : il n’est plus roi qu’en titre. Il perd ce titre le 11 décembre, alors que Napoléon est contraint de rétablir Ferdinand VII. Il faut dire qu’entre temps sont survenues la campagne de Russie et la tragique retraite qui s’en est suivie. Puis vient le temps de la campagne d’Allemagne et de la campagne de France : une bonne partie de l’Europe s’est soulevée contre l’Empereur et marche sur le territoire national. Malgré ses échecs (relatifs) à Naples et à Madrid, son frère lui conserve sa confiance et lui confie la lieutenance générale pendant la campagne de France, mais aussi la protection de Paris, de l’impératrice Marie-Louise et du petit roi de Rome. On connaît la suite : l’abdication, l’exil de Napoléon au large des côtes italiennes, le retour en France, les Cent-Jours, l’abdication encore, l’exil au milieu de l’Atlantique Sud. Et Joseph dans tout ça ? Pendant la Restauration (la première), il vit en exil en Suisse, au château de Prangins, mais rapplique évidemment pendant le vol de l’Aigle. Après Waterloo, il s’enfuie vers l’Ouest et retrouve Napoléon à Rochefort (5-8 juillet 1815). Les frères se voient pour la dernière fois : Joseph parvient à filer en Amérique, tandis que Napoléon préfère se rendre aux Anglais.
Pendant 17 ans, de 1815 à 1832, l’aîné des Bonaparte va jouer la vie d’un richissime particulier aux États-Unis d’Amérique. Il s’installe dans le luxueux manoir de Point Breeze, à Bordentown, New Jersey (à 65 km de Philadelphie, au bord du fleuve Delaware). Il le remplit de trésors : précieux mobilier de style Empire, objets d’art et d’art décoratif, tableaux de David, Rubens, Titien, Murillo et même un Léonard de Vinci ! Après la mort de l’Empereur à Sainte-Hélène, le 5 mai 1821, il redevient le chef de famille. Finalement, le 20 juin 1832, il s’embarque sur l’Alexander pour rentrer en Europe et tenter de mettre un peu d’ordre dans une famille turbulente, notamment à cause de ce neveu, Louis-Napoléon, qui deviendra Napoléon III. Il réside souvent à Londres, où il reçoit toutes les personnalités de l’époque, y compris ceux qui avaient conduit à la chute de l’Empire et à la mort de l’Empereur (notamment Wellington).
Après un dernier séjour aux États-Unis (1835-1839), il rentre à Londres puis s’installe en Italie. C’est là qu’il meurt, le 28 juillet 1844, dans un palais de Florence, entouré par Julie, qui ne l’avait pas suivi en Amérique, mais aussi par ses frères, Louis et Jérôme. D’abord enterrée à la basilique Santa Croce de Florence, sa dépouille est ramenée aux Invalides en 1862, sur ordre de Napoléon III. Il repose désormais aux côtés de l’Empereur.

Voir Thierry Lentz, Joseph Bonaparte, Paris, Perrin, 2019.

Note : 5 sur 5.

Jérôme Bonaparte
Buste de François-Joseph Bosio, vers 1810
Exposé dans la Lancaster Room, à Clarence House

Jérôme, le petit dernier des frères, aurait pu mal tourner ! C’est un adolescent turbulent. Alors, Napoléon l’envoie dans la marine pour le calmer. Cela ne le calme pas vraiment. En 1803, il abandonne son commandement dans les Antilles pour filer aux États-Unis. Là, encore mineur, il épouse une Américaine, Elizabeth Patterson. L’Empereur, furieux, fait casser l’union par décret, deux ans plus tard, et interdit l’accès du territoire à la jeune femme, qui est enceinte. La souche des Bonaparte-Patterson donnera à l’Amérique un certain Charles-Joseph Bonaparte-Patterson (1851-1920), qui fondera l’ancêtre du FBI pour le président Theodore Roosevelt !
Quant à Jérôme, il est remarié avec une certaine Catherine : un parti nettement plus intéressant, surtout d’un point de vue politique, puisqu’elle est la fille du roi de Wurtemberg. Encore une fois, Napoléon place les membres de sa famille sur l’échiquier européen. D’ailleurs, Jérôme devient lui-même roi de Westphalie quelques jours après son mariage, le 8 juillet 1807. Il conserve son trône pendant plus de 6 ans, implantant plutôt bien en Allemagne les fameuses « masses de granit » voulues par son frère dans l’Empire.
Et puis, comme souvent avec les frères et sœurs de Napoléon, les choses tournent au vinaigre : Jérôme participe à la campagne de Russie, mais il abandonne son commandement et rentre à Cassel, sa capitale. Quand les choses commencent à mal tourner pour Napoléon, il abandonne Cassel pour Paris. Puis, quand elles tournent vraiment mal, il abandonne la France pour Trieste ! Commence alors une vie d’exil, comme tous les Napoléonides, entrecoupée par l’épisode des Cent-Jours. Mais, dans un sens, on peut dire que c’est celui des frères qui a le mieux réussi, puisqu’il est le dernier encore en vie lorsque le Second Empire est proclamé. C’est aussi dans sa descendance que se prolonge, jusqu’à nos jours, la Maison Bonaparte. Il meurt le 24 juin 1860 et est inhumé aux Invalides, aux côtés de Napoléon et de Joseph. Quant à son épouse, la reine Catherine, elle s’est éteinte à Lausanne en 1835 et repose auprès de sa famille, dans la chapelle du château de Ludwigsburg.

Note : 5 sur 5.

Pauline Bonaparte
Coupes sur piédestaux par Odiot, entre 1798 et 1819

Ces magnifiques objets d’orfèvrerie ne représentent pas Pauline Bonaparte, comme vous l’aurez compris, mais peut-être une partie de son anatomie. La facture d’Odiot évoque une coupe « formant sein de Vénus ». Un historien de l’art pense qu’ils auraient été dessinés d’après la poitrine de la sœur de Napoléon. C’est en tout cas l’occasion pour nous de parler de cette grande personnalité de l’Empire.
Deuxième des trois filles de Charles et Letizia Bonaparte, elle nait le 20 octobre 1780 à Ajaccio. Lorsque la famille doit fuir les paolistes et s’installer en Provence, Maria Paola francise son nom en Pauline, plutôt qu’en Marie-Paule. Bien sûr, comme ses frères et sœurs, elle profite de l’étoile montante de Napoléon. Pendant la campagne d’Italie, alors qu’il joue au souverain au château de Mombello, près de Milan, il marie sa jeune sœur avec l’un de ses plus fidèles compagnons, le général Charles Victor Emmanuel Leclerc, surnommé « le Bonaparte blond ». Le mariage se tient le 14 juin 1797, en même temps que celui d’Élisa, la sœur aînée, avec un ami corse du nom de Félix Baciocchi (mariage toléré par Napoléon, mais qui ne répondait pas à ses ambitions grandissantes).
Deux ans plus tard, Leclerc participe au coup d’État qui fait de Napoléon le Premier consul. Et puis, en 1801, il part pour une mission périlleuse, avec son épouse, Pauline, et leur fils Dermide. Il s’agit de réprimer la révolte de Toussaint Louverture et de ramener Saint-Domingue dans le giron français. Pauline est prise dans une lutte sans merci entre anciens esclaves et armée coloniale. Cet épisode nous révèle l’une des tâches les plus sombres du règne napoléonien : le rétablissement de l’esclavage aux Antilles et la guerre à outrance contre les populations noires des colonies françaises, sujet désormais bien documenté (voir Thierry Lentz et Pierre Branda, Napoléon, l’esclavage et les colonies, Paris, Fayard, 2006). La belle et joyeuse Pauline est très marquée par son séjour aux Caraïbes, puisqu’elle a failli être victime des combats et qu’elle rentre sans son époux, terrassé par la fièvre jaune, le 2 novembre 1802, à l’âge de 30 ans.
L’année suivante, Pauline est mariée avec une autre personnalité, importante pour les manœuvres politiques de Bonaparte, Camille, prince Borghèse. C’est un richissime prince romain, issu d’une famille qui a donné un pape et plusieurs cardinaux, et amassé, au fil des siècles, l’une des plus considérables collections d’œuvres d’art en Europe. Lorsque l’Empire est proclamé et que Napoléon devient roi d’Italie, Camille et Pauline sont fait duc et duchesse de Guastalla (c’est avec ce titre que Camille figure sur le document étudié plus haut), mais la sœur préférée de l’Empereur préfère vivre en France, dans l’hôtel Borghèse, à Paris (nous en reparlerons), ou au Petit Trianon, qui lui est attribué. Napoléon a beaucoup d’estime et de respect pour l’aînée de ses sœurs, Élisa, dont il fait la première femme fonctionnaire de l’histoire française, en la nommant gouverneur général des départements de Toscane, avec autorité sur les préfets, la police et l’armée, mais il a une affection particulière pour Pauline, qui, à la différence de Caroline, ne fait pas trop d’histoires. Elle est fidèle et loyale à l’Empereur.
Sa fidélité, elle la prouve après la chute de l’Empire, puisqu’elle est le seul membre de la famille, avec Madame Mère, à se rendre sur l’île d’Elbe pour passer du temps avec l’Empereur (il a conservé ce titre). Elle lui cède également une partie de ses précieux bijoux, à utiliser en cas d’urgence. Une partie de ces derniers seront pris par les Prussiens, dans la voiture de l’Empereur, à l’issue de la bataille de Waterloo. Elle ne lui survit pas longtemps puisqu’elle meurt le 9 juin 1825, à Florence, où elle s’était installée avec son époux, le prince Borghèse. Elle est aujourd’hui inhumée dans la chapelle Borghèse de la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome.
Nous avons évoqué l’hôtel que Pauline et Camille occupaient à Paris, dans la rue du Faubourg-Saint-Honoré, à deux pas du palais de l’Élysée-Napoléon. Ancien hôtel de Charost (il a retrouvé ce nom), il devient la résidence du duc de Wellington, alors qu’il est nommé ambassadeur de Georges III auprès de Louis XVIII, juste après la première abdication. Acquis par le gouvernement britannique, il est depuis la résidence des ambassadeurs du Royaume-Uni à Paris. Puisque Wellington a acheté, en 1814, une partie du mobilier et des objets d’art et d’art décoratif, au nom de son gouvernement, l’hôtel de Charost conserve encore aujourd’hui bien des souvenirs de Pauline, notamment la copie d’une des sculptures les plus connues d’Antonio Canova, désormais conservée à la galerie Borghèse de Rome, la Vénus victorieuse (Venus Vitrix) ou Vénus Borghèse. Cette statue de Vénus, déesse de l’amour, nue comme il se doit, a la particularité de représenter Pauline ! Celle-ci a toujours eu la réputation de ne pas redouter le scandale, voire de se plaire à le provoquer. Les coupes « en forme de sein de Vénus » de la Royal Collection sont donc peut-être bel et bien un souvenir de la beauté de la sœur préférée de l’Empereur.

Voir Jean Nérée Ronfort et Jean-Dominique Augarde, À l’ombre de Pauline : la résidence de l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, Paris, Éditions du Centre de recherches historiques, 2001).

Note : 5 sur 5.

L’impératrice Joséphine
Portrait gravé attribué à Charles Levachez

Note : 5 sur 5.

L’impératrice Marie-Louise
Portrait gravé par Antoine Cardon, 1810

Note : 5 sur 5.

Coffret de nécessaire de l’Empereur
Œuvre de Martin Guillaume Biennais, 1810-1814

Note : 5 sur 5.

Bureau de l’Empereur
Meuble des Frères Jacob, vers 1796-1815
Exposé dans le King’s Drawing Room, au château de Windsor

Autre grand nom des arts décoratifs français de l’Empire, celui de Jacob, ou plutôt des Jacob.
Georges Jacob (1739-1814) est un menuisier en siège, l’un des plus prolifiques des années qui ont précédé la Révolution. Il a pour clients la reine Marie-Antoinette, Provence et Artois, les frères du roi, et bon nombre de représentants de la haute aristocratie française, sans oublier quelques souverains étrangers. Malgré la protection du peintre Jacques-Louis David pendant la période révolutionnaire, son atelier fait faillite en 1796. Ses fils, Georges II Jacob (1768-1803) et François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter (1770-1841) reprennent alors le flambeau sous le nom Jacob Frères. À la mort de l’aîné, le père revient aider le cadet et Jacob Desmalter et Cie est fondée. Précisons que Desmalter vient d’un domaine bourguignon, les Malterres, qui appartenait à la famille. Les Jacob, père et fils, deviennent les ébénistes les plus en vue sous l’Empire, donnant vie aux projets de Percier et Fontaine, Isabey ou Denon. C’est à eux qu’on doit les trônes impériaux, le fameux berceau du roi de Rome, le serre-bijou de Marie-Louise ou encore le mobilier du salon d’Argent encore conservé au palais de l’Élysée.
Ce magnifique bureau en orme et chêne, qui n’est pas daté, ressemble beaucoup aux tables à écrire réalisées pour les différents cabinets de l’Empereur, aux Tuileries, à Saint-Cloud ou ailleurs. Mais, comme il n’est pas tout à fait identique, les conservateurs de la Royal Collection supposent que le Prince Régent l’aurait acquis en pensant qu’il s’agissait d’un meuble ayant appartenu à son ennemi, ce qu’il n’était peut-être pas. Le style est toutefois caractéristique des goûts de Napoléon, avec ses pieds en forme de lion ailé, les boucliers à la romaine latéraux, mais aussi le mécanisme qui permettait de faire glisser le plateau du bureau.
C’est l’un des trésors de mobilier français acquis par le futur Georges IV en 1820, par l’intermédiaire de François Benois, son maître pâtissier français, qui lui servait également d’acheteur dans les salles de ventes parisiennes. Il a longtemps figuré dans l’inventaire du pavillon royal de Brighton, avant de rejoindre les collections du château de Windsor.

Note : 5 sur 5.

La Table des grands capitaines de l’Antiquité
Meuble provenant de la manufacture de Sèvres, 1806-1812
Exposé dans le Blue Drawing Room, au palais de Buckingham