NAPOLÉON // UK // PN // RCT2

Les textes ont été rédigés par Thomas Ménard. N’hésitez pas à lui signaler toute erreur en écrivant à t.menard (a) ladpe.fr. Le Royal Collection Trust ne saurait être tenu pour responsable du contenu de ce parcours.

Note : 5 sur 5.

Par euphémisme, on pourrait dire que les relations entre la France et l’Angleterre, puis le Royaume-Uni, ont parfois été un peu conflictuelles. Il faut bien reconnaître que la Guerre de Cent-Ans a en fait traîné pendant plusieurs siècles. Les nombreuses unions entre les dynasties régnants sur les deux pays, l’anglomanie d’une partie des Français et la francophilie d’une partie des Anglais, les intérêts croisés, qu’ils soient militaires, économiques ou politiques (d’où les alliances matrimoniales), n’ont pas suffi pour établir une paix durable, malgré un certain attrait réciproque, notamment au sein des élites, comme en témoignent les échanges après la paix de 1783 (mais aussi celle de 1802).
En 1789, les Britanniques voient d’abord la Révolution française d’un œil plutôt favorable, puisqu’elle prétend remplacer, en France, la monarchie absolue de droit divin à la française par un régime parlementaire à l’anglaise. Les hordes d’Émigrés qui fuient la guillotine et se réfugient à Londres, la prise de conscience d’une fuite en avant des chefs révolutionnaires, la volonté d’exporter dans toute l’Europe des valeurs françaises considérées par les Français comme universelles (mais suffit-il qu’une valeur soit française pour qu’elle soit universelle ?), poussent les autorités et la population britanniques à condamner l’évolution du mouvement révolutionnaire.
Dès le 1er février 1793, la Convention déclare la guerre à la Grande-Bretagne. Malgré les retournements d’alliance et les choix fluctuants de la plupart des pays d’Europe, le gouvernement de Londres sera le seul à être systématiquement en guerre contre la France, sauf pendant la courte paix d’Amiens (1802-1803). Ce qui était vrai avec les gouvernements révolutionnaires l’est aussi avec Napoléon, qu’il soit général de la Révolution, Premier Consul ou Empereur. Ce dernier considère même le Royaume-Uni comme son principal ennemi. Il lance souvent des campagnes contre des pays tiers (Portugal et Espagne, États pontificaux, Russie, etc.) pour affronter de manière indirecte les Britanniques, notamment pour imposer le Blocus continental. Si Napoléon a souvent été incapable de les battre sur les champs de bataille ou sur les mers, il pense qu’il peut le faire sur le terrain économique. Cela révèle finalement l’antagonisme profond entre les deux acteurs : Napoléon veut instaurer un nouvel ordre politique européen où il imposerait une domination à la fois militaire, politique et juridique, tandis que les ministres du roi Georges veulent maintenir un équilibre entre les pays d’Europe, plus favorable à leurs intérêts commerciaux, financiers et donc économiques. Deux conceptions irréconciliables.

Note : 5 sur 5.

L’amiral Nelson
Buste de sir Francis Chantrey, 1835
Exposé dans la Queen’s Guard Chamber, au château de Windsor

Note : 5 sur 5.

La bataille du Nil (1798)
Tableau de Joseph Cartwright, 1801

À travers la campagne d’Égypte (1798-1801), Talleyrand, ministre des Affaires étrangères du Directoire, et Napoléon visent surtout les Britanniques. Alors que le gouvernement de la France a envisagé de confier au jeune général la conquête du Royaume-Uni, celui-ci comprend que cela est impossible et qu’il faut les attaquer ailleurs que chez eux. Son regard se porte alors sur l’Égypte. Au-delà du fait de couper une des routes vers les Indes, argument souvent évoqué, Bonaparte souhaite également semer la zizanie dans ce qui est en passe de devenir un lac anglais, la mer Méditerranée. Ce n’est pas un hasard si l’expédition d’Égypte commence par la conquête de Malte (10-12 juin 1798), qui, alors qu’elle appartient encore à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem (ou ordre de Malte), est déjà devenu un pion essentiel dans le jeu des Britanniques pour dominer les mers. Quelques semaines plus tard, la flotte de Bonaparte arrive en Égypte, après avoir échappé à la poursuite des vaisseaux de Nelson. Le 1er juillet, les Français prennent Alexandrie. Le 21, ils écrasent les Mamelouks lors de la bataille des Pyramides. Le 23, ils entrent dans le Caire et dominent la moitié nord du pays. À ce moment-là, la campagne d’Égypte peut être considérée comme un triomphe, mais cela va vite changer… à cause des Britanniques !
Le 1er août 1798, la flotte de Nelson arrive en rade d’Aboukir. C’est ce qui est représenté sur ce tableau de Cartwright, et ce que les Britanniques appellent la bataille du Nil (Battle of the Nile). Au départ, les forces sont à peu près égales : 13 vaisseaux de ligne de part et d’autre. Mais il y a en plus quatre frégates du côté français et près de 11 000 marins français pour un peu plus de 8 000 Britanniques. Pourtant Nelson triomphe. Quatre des 17 navires de Napoléon sont détruits, notamment L’Orient, le navire-amiral. Il y aurait eu 2 000 morts côté français (dont 1 000 sur L’Orient), contre seulement 218 côté britannique. Plus grave pour la suite, neuf navires français sont capturés et passent sous pavillon anglais. Et c’est là que repose vraiment la défaite de Napoléon : la Royal Navy se renforce et confirme sa supériorité. Le rendez-vous suivant est fixé au large de l’Espagne.

Note : 5 sur 5.

La bataille de Trafalgar (1805)
Gravure de Thomas Hellyer, 1807

Pour comprendre ce qui s’est passé au large des côtes atlantiques de l’Espagne, il faut d’abord se rendre dans la Manche. Après son retour de la campagne d’Égypte, qu’il transforme en triomphe même si c’est un demi-échec, le général Bonaparte est suffisamment puissant à Paris pour envisager de prendre le pouvoir. Le coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) fait de lui le Premier consul du nouveau régime. Certains considèrent cet événement comme un putsch militaire, ce qui est erroné. Ce n’est pas l’armée qui prend le pouvoir politique en France, mais un militaire. D’ailleurs, le futur empereur veille à ce que les militaires soient le moins possible associés au pouvoir. Les premières années de son règne consistent même à ramener une paix générale en Europe, y compris avec Londres.
Lorsque le traité d’Amiens est rompu avec les Britanniques, en 1803 (à cause de leur refus d’évacuer Malte, comme cela était prévu par le traité), le Premier Consul reprend l’idée de conquérir le Royaume-Uni. À cette fin, il rassemble 200 000 hommes dans des camps sur les côtes de la Manche, le plus connu étant celui de Boulogne. Il estime qu’il faut à peine 48 heures pour faire traverser ses troupes sur une multitude de navires de transport de toutes sortes. C’est ce qu’il appelle « la descente ». Sauf que la Royal Navy veille sur les côtes britanniques. Il a donc besoin du renfort de la flotte du vice-amiral Villeneuve, basée en rade de Toulon, ainsi que des navires de son allié espagnol. Mais Nelson est encore maître de la Méditerranée !
Passons sur les détails du plan de Bonaparte, entre temps devenu Napoléon Ier, puisque rien ne se passe comme prévu. Et, encore une fois, laissons parler les chiffres. Le 21 octobre 1805, au large du cap de Trafalgar, du côté atlantique du détroit de Gibraltar, les Français et les Espagnols alignent 33 vaisseaux de ligne, 5 frégates, 2 bricks et environ 26 000 hommes, tandis que les Britanniques ne disposent que de 27 vaisseaux de ligne, 4 frégates, 1 goélette, 1 boutre, et seulement 18 500 hommes. Mais c’est encore une fois un triomphe pour le vice-amiral Nelson, malgré l’infériorité numérique de sa flotte. Quatre vaisseaux sont détruits du côté de l’Empereur, et 17 sont capturés. Nelson conserve tous ses navires. Les alliés déplorent plus de 3 300 morts et plus de 2 500 blessés. Il y a « seulement » 446 morts du côté britannique, et 1 246 blessés. Environ 8 000 marins français et espagnols sont fait prisonniers.
Les conséquences de la défaite de l’Empereur sont considérables. La plus grande partie de la flotte de la Méditerranée étant perdue, le projet d’invasion des iles britanniques tombe à l’eau (sans mauvais jeu de mots). La suprématie des Anglais sur les mers est une nouvelle fois confirmée. Certes, Napoléon peut lancer les troupes rassemblées au bord de la Manche sur d’autres proies, notamment la Prusse et l’Autriche. Mais les Anglais ont une nouvelle fois prouvé qu’il était possible de vaincre l’Empereur.

Note : 5 sur 5.

La balle qui a tué Nelson
Exposée dans la Queen’s Guard Chamber, au château de Windsor

Note : 5 sur 5.

Le duc de Wellington
Buste de sir Francis Chantrey, 1835
Exposé dans la Queen’s Guard Chamber, au château de Windsor

Note : 5 sur 5.

Godoy et le début de l’aventure espagnole
Epée et fourniture conçues par la manufacture de Versailles, 1800-1802
Exposées dans la Queen’s Guard Chamber, au château de Windsor

Note : 5 sur 5.

Joseph en Espagne
Caricature de Thomas Rowlandson, 1808

L’affaire espagnole se complique le 19 mars 1808, lorsque Charles IV est chassé du trône en faveur de son fils, désormais Ferdinand VII. Après bien des rebondissements, le père et le fils sont convoqués à Bayonne le 30 avril suivant. C’est la fameuse « souricière de Bayonne ». Chacun s’attend à ce que l’Empereur tranche en faveur de l’un ou de l’autre, mais il préfère envoyer les deux Bourbons en exil en France, le père à Fontainebleau, le fils à Valençay chez Talleyrand. À leur place, il désigne son propre frère, Joseph, qui régnait alors dans un autre royaume pris à des Bourbons, celui de Naples. Nous avons déjà parlé du règne de José Primero dans la première partie de ce Parcours.
Au cours de l’épopée napoléonienne, les Espagnols sont ceux qui se sont battus le plus férocement contre l’occupation de leur pays. Ce royaume périphérique et l’engagement considérable en hommes et en argent pour le maintenir ont été une véritable épine dans le pied de la stratégie de conquête de l’Empereur. On parlera même de cancer espagnol. En fragilisant l’édifice napoléonien, la résistance espagnole a donc constitué l’une des toutes premières étapes de la ruine de cet édifice. Évidemment, les Britanniques y ont largement contribué. L’argent de Londres et les armées d’Arthur Wellesley ont permis aux rebelles et à leur junte de tenir une grande partie du territoire espagnol. Si les armées régulières des deux camps enchainaient tour à tour victoires et défaites, la guérilla (le terme semble être apparu à ce moment-là) des civils espagnols, souvent menés par des aristocrates ou des prêtres réactionnaires, épuisaient les soldats de l’Empereur. Le climat intervient sans doute aussi dans la défaite finale des Français, ainsi que les pillages. À tous les niveaux de l’armée et de l’administration, en effet, les Français et leurs alliés s’adonnaient au pillage, même s’ils préféraient parler de prise de guerre, voire de contribution.
C’est bien ce dont il est question sur la caricature présentée ici. Comme le dit la légende, le roi Joseph et ses compagnons (King Joe & Company) profitent au maximum de leurs derniers moments avant de quitter Madrid. Au centre, un Joseph perruqué récupère la couronne et l’orbe dans un placard, alors qu’il a déjà un sceptre à la main et un autre dans sa poche de pantalon. Autour de lui, des soldats remplissent des coffres avec des sacs de ducats et de médailles, ainsi que des trésors d’argenterie et d’orfèvrerie. Ailleurs, on s’empare d’une Madone à l’Enfant, tandis qu’un soldat s’apprête à taper sur un buste avec son marteau. On emporte même les rideaux. Au sol, on n’a pas oublié les trésors des églises, qui sont nombreux en Espagne : mitre, crosse, croix et autre calice seront du voyage.
Cette caricature fait peut-être référence à la première retraite de Madrid, le 31 juillet 1808, alors que Joseph avait été obligé de quitter sa capitale après seulement 10 jours. Il ne put y revenir que le 22 janvier 1809. Deux jours plus tard, la junte centrale de Séville signait une alliance avec Londres. Au fil des années, la scène se répéta, notamment le 11 août 1812 (il put rentrer à Madrid le 2 novembre) et, surtout, le 17 mars 1813. Le roi Joseph abandonnait sa capitale pour n’y plus revenir. Mais il ne partait pas les mains vides.

Note : 5 sur 5.

La retraite du roi Joseph
Caricature de Thomas Rowlandson, 1808

Note : 5 sur 5.

La bataille de Vitoria (1813)
Tableau de George Jones, 1822

Après son départ, Napoléon laisse 350 000 hommes en Espagne, commandés notamment par Soult, Marmont, Suchet, Bessières et Macdonald. C’est presque trois fois plus que les forces britanniques, espagnoles et portugaises réunies. Cette supériorité numérique permet aux Français de tenir un moment. Mais c’est sans compter les hordes de civils espagnols qui participent à la résistance et, comme nous l’avons dit, épuisent l’armée régulière par leur harcèlement sans fin. D’autant plus que des troupes britanniques ne cessent de débarquer dans la péninsule.
La bataille finale de cette guerre d’usure se déroule le 21 juin 1813, à Vitoria, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière française. L’armée de Joseph est coupée en deux, la retraite est chaotique : les Français doivent abandonner l’artillerie, mais aussi les fourgons remplis des trésors pillés à travers l’Espagne, notamment les chefs-d’œuvre des collections royales. La défaite est également humiliante pour la France, puisque c’est finalement une petite et rapide bataille (« seulement » 700 morts de part et d’autre) qui met un terme à l’aventure espagnole. Napoléon est évidemment furieux : le roi Joseph, qui ne règne plus sur rien, est rappelé à Paris ; Soult prend le commandement de l’armée française d’Espagne. Mais celle-ci opère désormais dans le sud de la France, puisqu’il s’agit désormais d’arrêter le duc de Wellington qui menace le pays. Arthur Wellesley avait en effet été titré vicomte Wellington en 1809, avant de devenir comte, puis marquis de Wellington en 1812. Le 3 mai 1814, peu après la première abdication de l’Empereur, il est finalement élevé au rang de duc.
Ce tableau de George Jones, qui servit lui-même en tant qu’officier pendant la guerre péninsulaire, est une commande de Georges IV et date de 1822. Il était destiné à orner un mur de la salle du trône du palais de Saint-James, et c’est là qu’il se trouve encore de nos jours. Notre regard est immanquablement attiré par Wellington, sa cape blanche et son fier destrier de la même couleur. Sur une éminence, en face de la ville de Vitoria assiégée par les Français, il donne ses derniers ordres à l’état-major. Il y a comme un contraste entre les troupes britanniques bien rangées, au deuxième plan, et les Français qui semblent être complètement désorganisés autour des remparts de la ville. C’est sans doute là que réside le principal motif de l’échec espagnol : loin de Madrid, Napoléon n’est jamais parvenu à mettre de l’ordre dans l’état-major de son armée d’Espagne, où ses fidèles lieutenants ne cessaient de se chamailler entre eux, mais aussi avec le roi Joseph.

Note : 5 sur 5.

Le bâton de maréchal de Jourdan
Exposé dans la Queen’s Guard Chamber, au château de Windsor