Les textes ont été rédigés par Thomas Ménard. N’hésitez pas à lui signaler toute erreur en écrivant à t.menard (a) ladpe.fr. La Wallace Collection ne saurait être tenue pour responsable du contenu de ce parcours.
Joséphine
NB : cette courte notice biographique de l’impératrice Joséphine est identique à celle incluse dans le Parcours Napoléon dans les Collections royales.
C’est le jeune général Bonaparte qui choisit de renommer Joséphine celle qui est en fait née Marie-Josèphe Rose Tascher de la Pagerie. Elle voit le jour le 23 juin 1763 dans une grande famille de planteurs de la Martinique. Seize ans plus tard, elle se marie, à Paris, avec le rejeton d’une autre famille installée aux Antilles, Alexandre de Beauharnais. Elle lui donne deux enfants, Eugène et Hortense. À la Révolution, le bouillonnant vicomte-soldat se lance en politique, dans le camp des jacobins. En juin 1791, c’est lui qui préside l’assemblée nationale alors que l’on découvre la fuite de la famille royale qui, comme on le sait, se termine piteusement à Varennes. Bien que jacobin (ou parce que jacobin), Alexandre est emporté par la Terreur et guillotiné, tandis que sa jeune épouse est enfermée aux Carmes.
Puis vient le temps de la gloire pour Joséphine, dans les salons et les alcôves des nouveaux dirigeants, Hoche, Tallien et autre Barras. C’est là (dans un salon, d’abord) qu’elle rencontre Napoléon, un petit général corse qui commence à faire parler de lui. Ils se marient le 9 mars 1796, six mois après leur première rencontre. Il est indéniable que l’influence et l’ambition de l’un a profité à l’autre, et inversement. Encore quelques années et Joséphine devient l’épouse du Premier consul, mais surtout la toute première impératrice des Français. Elle est couronnée avec Napoléon Ier, à Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804. Le fameux tableau de David a contribué à sa légende puisque, comme on le sait, il ne représente pas le pape Pie VII qui couronne Napoléon (il s’est couronné lui-même), mais l’Empereur couronnant Joséphine. La Wallace Collection conserve un magnifique portrait de l’Impératrice où Prud’hon révèle sa grande beauté, ainsi que quatre miniatures, dont l’une, par Isabey, est associée à celle de son auguste époux.

L’impératrice Joséphine (The Empress Josephine), 1805-1809, Pierre-Paul Prud’hon (1758 – 1823), © The Trustees of the Wallace Collection, P315, West Gallery III.



À gauche : L’impératrice Joséphine (The Empress Josephine), 1814, Ferdinando Quaglia (1780-1853), © The Trustees of the Wallace Collection, M288, West Gallery III.
Au centre : L’impératrice Joséphine ? (The pose recalls that in Prud’hon’s portrait of Josephine The Empress Joséphine), vers 1805-1801, Louis-François Aubry (1767-1851), © The Trustees of the Wallace Collection, M5, West Gallery III.
À droite : L’impératrice Joséphine (The Empress Josephine), vers 1804-1810, Daniel Saint (1778-1847), © The Trustees of the Wallace Collection, M295, West Gallery III.

Napoléon Ier ; L’impératrice Joséphine (Napoleon I ; The Empress Josephine), 1812 ; vers 1810-1814, Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), © The Trustees of the Wallace Collection, M215 / M216, West Gallery III.
Si l’amour n’est évidemment pas absent de leur relation, le mariage de Napoléon et Joséphine reste éminemment politique. Nous l’avons dit : c’est l’alliance stratégique de deux ambitieux. C’est donc assez logiquement la politique qui emporte leur mariage, à défaut d’emporter leurs sentiments. Puisqu’il a instauré une monarchie héréditaire, l’Empereur souhaite une descendance. Comme cela n’est plus possible avec Joséphine, il lui impose un divorce, ou plutôt une dissolution de leur mariage, puisque le mot divorce n’est jamais utilisé. La Wallace a le privilège de conserver dans ses collections le plus fameux tableau représentant la cérémonie officielle, tenue le 15 décembre 1809, dans le grand cabinet de l’Empereur, au palais des Tuileries.
Napoléon est sur son trône. À ses côtés se trouvent Eugène de Beauharnais, le fils de Joséphine, adopté quelques années plus tôt, ainsi que son beau-frère, Joachim Murat, roi de Naples. Joséphine, telle une figure tragique antique, pointe du doigt le document scellant son destin, tenu par Cambacérès, l’archichancelier de l’Empire et le numéro 2 du régime. Près de lui, Regnaud de Saint-Jean d’Angely, secrétaire de l’état de la famille impériale. Joséphine est soutenue par sa fille, la reine Hortense, qui a épouse Louis, le frère de Napoléon et roi de Hollande. Joséphine conserve son titre d’impératrice et l’amitié de l’Empereur, ainsi qu’une confortable pension et des biens immobiliers de premier choix, comme la Malmaison ou le palais de l’Élysée, qui sera bientôt échangé contre le palais de Laeken, près de Bruxelles. Si elle continue à exercer une certaine influence après le divorce, elle ne survit pas à l’Empire. Elle s’éteint à la Malmaison le 29 mai 1814, quelques semaines après l’abdication de l’Empereur et son départ pour l’île d’Elbe.
À lire : Bernard Chevallier et Christophe Pincemaille, L’impératrice Joséphine, Paris, Payot, 2002.

Le divorce de l’impératrice Joséphine (The Divorce of the Empress Josephine), 1846, Henri-Frédéric Schopin (1804-1880), © The Trustees of the Wallace Collection, P568, West Gallery III.
La reine Hortense n’est pas représentée dans les collections d’Hertford House (sauf sur le tableau précédent), à la différence de son frère, Eugène, sur la miniature suivante. Né à Paris le 3 septembre 1781, il a douze ans lorsque son père est guillotiné et quatorze lorsque sa mère épouse Napoléon. Très proche de ce dernier, il représentera toujours pour l’Empereur une sorte de fils idéal, docile et loyal, qu’il malmène, comme tous les autres, mais à qui il pardonne tout, à la différence de tous les autres.
Lorsqu’il devient empereur, puis roi d’Italie, Napoléon Ier le choisit pour être son vice-roi, à Milan. Il en fait également son successeur putatif, en l’adoptant, alors que ses frères et ses neveux sont les héritiers de l’Empire. Pour lui (mais pas pour eux), la naissance du roi de Rome ne change rien puisque Napoléon a promis que le royaume d’Italie serait détaché de l’Empire à sa mort : s’il n’a pas de deuxième fils, le roi de Rome héritera de l’Empire et Eugène du royaume. Mais le sort en a décidé autrement, à moins que ce ne soit l’hiver de Russie. Alors que l’Europe presque entière se soulève contre Napoléon et le traque jusqu’en France, Eugène est l’un des rares à lui rester fidèle. Sa loyauté lui fait peut-être perdre sa couronne d’Italie. Le duc de Leuchtenberg (son autre titre) se réfugie chez son beau-père, le roi de Bavière, où sa fortune lui permet de mener grand train, aux côtés de sa belle épouse, Auguste de Wittelsbach, et de ses enfants, dont certains deviendront gendre du tsar Nicolas Ier, impératrice du Brésil, reine de Suède. Il meurt à Munich le 21 février 1824, à peine trois ans après son père adoptif.
À lire : Michel Kerautret, Eugène de Beauharnais : fils et vice-roi de Napoléon, Paris, Tallandier, 2021.

Eugène de Beauharnais, vers 1814-1815, Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), © The Trustees of the Wallace Collection, M247, West Gallery III.
Marie-Louise et le roi de Rome
Le second mariage de Napoléon est tout aussi politique que le premier, et l’amour est bien présent également, même si la relation semble être beaucoup moins passionnelle qu’elle ne l’avait été avec Joséphine (et qu’elle l’est peut-être toujours). Dans le cadre de sa politique européenne, Napoléon a longtemps hésité à épouser la sœur d’Alexandre Ier de Russie, mais il doit finalement choisir Marie-Louise, l’une des filles de François Ier d’Autriche. L’ancien général jacobin épouse la petite-nièce de Marie-Antoinette. Le conquérant de l’Europe épouse la petite-fille de l’une de ses pires ennemies, Marie-Caroline de Naples. Un premier mariage est célébré le 11 mars 1810, par procuration, à Vienne. Un deuxième, civil, le 1er avril 1810, à Saint-Cloud. Un troisième, religieux, le lendemain, dans le Salon carré du Louvre. Marie-Louise, née le 12 décembre 1791, a 18 ans. Napoléon Ier en a 40. Leur union a été consommée dès le 27 mars, le jour de leur première rencontre !
Dans les collections de Richard Wallace, la jeune impératrice apparaît cinq fois : dans la statue qui va de paire avec celle d’un Napoléon en petite tenue, déjà évoquée ; sur deux miniatures, seule ; sur une autre miniature, avec son fils, le roi de Rome ; sur une dernière, groupée avec celles de son époux et de son fils.

L’impératrice Marie-Louise (The Empress Marie-Louise), 1812, François-Aimé Damerat, fondu par Lacour, © The Trustees of the Wallace Collection, S229, West Gallery III.


À gauche : L’impératrice Marie-Louise (The Empress Marie-Louise), 1812, Jean-Pierre Menuisier (1783-après 1818), © The Trustees of the Wallace Collection, M152, West Gallery III.
À droite : L’impératrice Marie-Louise (The Empress Marie-Louise), 1810-1850, attribué à Jean-Baptiste Isabey, © The Trustees of the Wallace Collection, M212, non exposé.
Le 20 mars 1811, à 9h15 du matin, Marie-Louise donne naissance, au palais des Tuileries, à l’héritier tant attendu : Napoléon François Charles Joseph Bonaparte. Il reçoit le titre de Prince impérial, mais surtout celui de roi de Rome. L’Empereur semble avoir été un père attentif, aimant et très présent, en tout cas lorsqu’il n’était pas absent ! Mais, du fait des voyages officiels dans l’Empire, des campagnes de Russie et d’Allemagne, Napoléon a finalement assez peu côtoyé ce fils qu’il avait tant espéré. Le petit roi de Rome a à peu trois ans lorsque son père l’embrasse pour la dernière fois, le 24 janvier 1814, avant son départ pour la campagne de France. On connait la suite. Marie-Louise doit fuir devant les armées coalisées qui approchent de Paris. Pour sauver sa vie et celle de son fils, ainsi que leur avenir, elle se place sous la protection de son père, l’empereur d’Autriche, l’un de ceux qui, justement, sont en train de chasser Napoléon du pouvoir. Mère et fils se réfugient à Vienne, où, comme chacun sait, l’Aiglon est élevé en archiduc autrichien, avec le titre obscur de duc de Reichstadt. Il meurt, sans alliance ni postérité, le 22 juillet 1832, à l’âge de 21 ans. Il avait dit de lui « Ma naissance et ma mort, voilà toute mon histoire. Entre mon berceau et ma tombe, il y a un grand zéro ». Sa postérité fut en fait sa légende, propre au XIXe siècle romantique, celle d’un prince charmant sacrifié sur l’autel de la lutte politique des adultes, en l’occurrence, celle entre son père français et son grand-père autrichien.



À gauche : Le roi de Rome, d’après Isabey, 1814-1850, J.J. Bilfeldt (1792-1849), © The Trustees of the Wallace Collection, M250, non exposé.
Au centre : L’impératrice Marie-Louise et son fils, le roi de Rome (The Empress Marie-Louise and her son, the King of Rome), 1815, Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), © The Trustees of the Wallace Collection, M210, West Gallery III.
À droite : le roi de Rome (The King of Rome), 1815-1860, Jean-Baptiste-Désiré Troivaux (1788-1860), © The Trustees of the Wallace Collection, M312, West Gallery III.
Après s’être réfugiée à Vienne, Marie-Louise refuse de rejoindre Napoléon à l’île d’Elbe, pas plus qu’elle n’ira à Sainte-Hélène. Le congrès de Vienne fait d’elle la nouvelle duchesse de Parme, où elle s’empresse d’aller régner, sans son fils, qu’elle abandonne à la Hofburg, mais avec l’Autrichien Neipperg, qui devient son amant, puis son mari, le 8 août 1821, quelques mois après la mort de Napoléon. Ils ont quatre enfants. Elle convole une troisième fois, en 1834, avec un militaire français, Charles-René de Bombelles. Elle meurt à Parme, le 17 décembre 1847.
À lire : Charles-Eloi Vial, Marie-Louise, Paris, Perrin, 2017.

Napoléon Ier, Marie-Louise et le roi de Rome (Napoleon I), vers 1815, à la manière de Jean-Baptiste Isabey, © The Trustees of the Wallace Collection, M244, West Gallery III.
Les frères et sœurs de l’Empereur
Parmi les quatre frères de l’Empereur, Louis (1778-1846) et Jérôme (1784-1860) sont représentés, mais ni Joseph (1768-1844), l’aîné, ni Lucien (1775-1840).
Comme nous l’avons dit, Louis a été choisi comme époux pour Hortense, la fille de Joséphine. Il est donc à la fois le frère et le gendre de Napoléon, puisque celui-ci a adopté sa belle-fille. L’idée était que leur progéniture pourrait unir les deux familles, Bonaparte et Beauharnais, en une seule. D’ailleurs, le fils aîné de Louis et Hortense a longtemps été considéré comme le successeur désigné de l’Empereur. L’idée, quelque peu machiavélique, fut abandonnée avec sa mort prématurée et surtout après la naissance du roi de Rome.
Il faut dire que le frère cadet de Napoléon, né le 2 septembre 1778, posait quelques problèmes à son aîné. À la proclamation de l’Empire, seuls Joseph et Louis avaient reçus le titre de prince français et l’une des grandes dignités de l’Empire, celle de grand électeur pour Joseph et celle de grand connétable pour Louis. Lucien était fâché avec son frère et vivait reclus à Rome puis… en Angleterre, de manière plus ou moins forcée. Quant à Jérôme, le chef de famille l’avait envoyé calmer son ardeur et son indiscipline dans la Marine impériale. Et puis vint le temps des royaumes associés à l’Empire. Le 30 mars 1806, Joseph devient roi de Naples. Il doit céder ce trône à Murat en 1808, contre celui d’Espagne. Jérôme, lui, s’est vu attribuer le nouveau royaume de Westphalie en 1807. Entre temps, le 5 juin 1806, Louis est devenu roi de Hollande.
Le problème de Louis, comme plusieurs de ses frères d’ailleurs, est qu’il souhaite être un roi à part entière, alors que Napoléon ne le considère que comme son représentant sur place. Si l’on ajoute des problèmes médicaux et, sans doute, des désordres psychologiques, ainsi que sa mésentente avec Hortense, exacerbée par les manigances de Napoléon et Joséphine, on comprend un peu mieux son caractère rebelle. L’histoire néerlandaise s’achève par sa fuite de Hollande et son installation dans une Autriche qui allait bientôt se soulever contre l’Empereur. Louis est donc contraint de rentrer en France, où l’Empire s’effondrait. Vient ensuite le temps de l’exil, puis sa mort, le 25 juillet 1846. Deux ans plus tard, le plus jeune de ses fils, Louis-Napoléon, est élu Président de la République, avant de se proclamer empereur des Français.

Louis Bonaparte, roi de Hollande (Louis Bonaparte, King of Holland), vers 1810, Daniel Saint (1778-1847), © The Trustees of the Wallace Collection, M294, West Gallery III.
NB : cette courte notice biographique de Jérôme Bonaparte est identique à celle incluse dans le Parcours Napoléon dans les Collections royales.
Jérôme, le petit dernier des frères, aurait pu mal tourner ! C’est un adolescent turbulent. Alors, Napoléon l’envoie dans la marine pour le calmer. Cela ne le calme pas vraiment. En 1803, il abandonne son commandement dans les Antilles pour filer aux États-Unis. Là, encore mineur, il épouse une Américaine, Elizabeth Patterson. L’Empereur, furieux, fait casser l’union par décret, deux ans plus tard, et interdit l’accès du territoire à la jeune femme, qui est enceinte. La souche des Bonaparte-Patterson donnera à l’Amérique un certain Charles-Joseph Bonaparte-Patterson (1851-1920), qui fondera l’ancêtre du FBI pour le président Theodore Roosevelt !
Quant à Jérôme, il est remarié avec une certaine Catherine : un parti nettement plus intéressant, surtout d’un point de vue politique, puisqu’elle est la fille du roi de Wurtemberg. Encore une fois, Napoléon place les membres de sa famille sur l’échiquier européen. D’ailleurs, Jérôme devient lui-même roi de Westphalie quelques jours après son mariage, le 8 juillet 1807. Il conserve son trône pendant plus de 6 ans, implantant plutôt bien en Allemagne les fameuses « masses de granit » voulues par son frère dans l’Empire. Et puis, comme souvent avec les frères et sœurs de Napoléon, les choses tournent au vinaigre : Jérôme participe à la campagne de Russie, mais il abandonne son commandement et rentre à Cassel, sa capitale. Quand les choses commencent à mal tourner pour Napoléon, il abandonne Cassel pour Paris. Puis, quand elles tournent vraiment mal, il abandonne la France pour Trieste ! Commence alors une vie d’exil, comme tous les Napoléonides, entrecoupée par l’épisode des Cent-Jours. Mais, dans un sens, on peut dire que c’est celui des frères qui a le mieux réussi, puisqu’il est le dernier encore en vie lorsque le Second Empire est proclamé. C’est aussi dans sa descendance que se prolonge, jusqu’à nos jours, la Maison Bonaparte. Il meurt le 24 juin 1860 et est inhumé aux Invalides, aux côtés de Napoléon et de Joseph. Quant à son épouse, la reine Catherine, elle s’est éteinte à Lausanne en 1835 et repose auprès de sa famille, dans la chapelle du château de Ludwigsburg.



À gauche : Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie (Jerome Bonaparte, King of Westphalia), 1808, Jean-Baptiste-Jacques Augustin (1759-1832), © The Trustees of the Wallace Collection, M7, West Gallery III.
Au centre : Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie (Jerome Bonaparte, King of Westphalia), vers 1807-1813, à la manière de Jean-Baptiste Isabey, © The Trustees of the Wallace Collection, M213, West Gallery III.
À droite : Catherine, reine de Westphalie (Catherine, Queen of Westphalia), 1807-1840, à la manière de Jean-Baptiste-Jacques Augustin, © The Trustees of the Wallace Collection, M150, West Gallery III.
On le sait, Napoléon n’avait pas que des frères. Élisa (1777-1820), Pauline (1780-1825) et Caroline (1782-1839) ont aussi joué un rôle important dans l’épopée napoléonienne.
Elisa, qui avait épousé Felix Baciocchi sans l’autorisation de son frère, est sans doute la plus brillante–: Napoléon fait d’elle « la première femme haut fonctionnaire de notre histoire » (voir Thierry Lentz, Napoléon : dictionnaire historique, Paris, Perrin, 2020), en la nommant gouverneur général des départements de Toscane. Pauline est peut-être la plus loyale : elle obéit aux ordres de son frère et épouse Leclerc, qui meurt à Saint-Domingue, puis le richissime prince Camille Borghèse. Avec Madame Mère, c’est le seul membre de la famille à rendre visite à Napoléon à l’île d’Elbe et à tenter d’améliorer son sort en utilisant la fortune de son mari. Mais la plus flamboyante, c’est évidemment Caroline. C’est d’ailleurs la seule des sœurs à être représentée à la Wallace Collection.
Née Maria-Annunziata Buonaparte le 25 mars 1782 à Ajaccio, elle épouse en 1800 le non moins flamboyant Joachim Murat. Elle ne daigne pas se rendre dans le grand-duché de Berg, confié à Murat en 1806. En revanche, deux ans plus tard, elle le suit à Naples. Son époux succède à Joseph en tant que roi de Naples. Elle devient donc reine, la seule des filles Bonaparte à porter ce titre. Mais, comme tous les autres, et comme cela a déjà été dit, Joachim et Caroline sont jaloux de leur position et entendent l’occuper pleinement. D’où des tensions continuelles avec l’Empereur, jusqu’à la rupture. Après la débâcle de la campagne de Russie, Napoléon s’empresse de rentrer à Paris pour reconstituer ses forces. Il confie le commandement de la Grande Armée à Murat. Mais celui-ci file à son tour (comme Jérôme, plus tôt), abandonnant le commandement à Eugène de Beauharnais. Finalement, Naples se range du côté des Alliés : pour sauver son trône, Murat attaque le royaume d’Italie. Pendant le congrès de Vienne, les vainqueurs lui font miroiter le maintien de sa souveraineté sur le Sud de la péninsule. Mais il joue à nouveau un jeu trouble pendant les Cent-Jours. Il s’attaque aux Autrichiens et prétend unifier l’Italie sous son sceptre. Il finit exécuté, le 13 octobre 1815, sur ordre de Ferdinand IV, le Bourbon restauré à Naples. Quant à Caroline, sentant le vent tourner, elle s’était placée sous la protection des Autrichiens. Pendant le quart de siècle suivant, elle passe d’un exil à l’autre, de l’Autriche à l’Italie, à peu près abandonnée par la famille qu’elle avait abandonnée. Elle meurt à Florence le 18 mai 1839.



À gauche : Joachim Murat, roi de Naples (Joachim Murat, King of Naples), après 1805, Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), © The Trustees of the Wallace Collection, M208, West Gallery III.
Au centre : Caroline Murat, reine de Naples (Caroline Murat, Queen of Naples), vers 1808-1812, Louis-François Aubry (1767-1851), © The Trustees of the Wallace Collection, M4, West Gallery III.
À droite : Joachim Murat, roi de Naples (Joachim Murat, King of Naples), vers 1805-1810, Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), © The Trustees of the Wallace Collection, M248, non exposé.
Les tableaux de Joseph et de l’oncle Fesch
S’ils ne sont pas représentés dans les collections de la Wallace, deux autres membres de la famille impériale y sont tout de même présents à travers des tableaux qu’ils ont possédés. Il s’agit de Joseph Bonaparte, le frère aîné de Napoléon, et de Joseph Fesch, le demi-frère de sa mère. Certaines de ces œuvres illustrent d’ailleurs une part, plus ou moins sombre, des conquêtes napoléoniennes.
Le premier tableau, celui de Murillo, appartenait aux collections royales espagnoles. Il est mentionné au palais du Prado en 1772, sous le règne de Charles III de Bourbon. En 1808, à l’occasion de l’entrevue de Bayonne, l’Empereur confisque leur royaume à Charles IV et son fils, Ferdinand, qui se disputaient la couronne, et le confie à son frère aîné, Joseph, qui était jusque-là roi de Naples. Logiquement, le nouveau roi d’Espagne fait main basse sur tout le patrimoine royal espagnol, y compris les inestimables collections de tableaux. Certains sont sans doute envoyés en France, dans les propriétés personnelles du roi Joseph. D’autres restent à Madrid et dans les palais espagnols. Lorsqu’il est contraint de fuir, Joseph se livre à un véritable pillage et il faut bien reconnaître que les innombrables chariots qui suivent l’armée ont contribué à la défaite des Français. Joseph n’est d’ailleurs pas le seul responsable : les maréchaux, les officiers et les simples soldats se sont largement servis. Prise de guerre ou pillage ? La plus grande partie est perdue à la bataille de Vittoria. C’est ainsi que le général Wellesley récupère une partie des collections de tableaux des anciens rois d’Espagne. Charles IV, reconnaissant, lui en offre quelques dizaines, dont beaucoup ornent aujourd’hui les murs d’Apsley House, la demeure londonienne des ducs de Wellington.
Le destin de ce Murillo est incertain. Après avoir appartenu à Joseph, il passe au duc de Bellune, c’est-à-dire à Claude-Victor Perrin, plus connu sous le nom de maréchal Victor. Est-ce à dire que Joseph l’avait envoyé en France, puis vendu à Victor ? Ou qu’il était resté à Madrid et était passé à Victor pendant la campagne d’Espagne ? Victor l’aurait-il envoyé en France avant la défaite ? Ou a-t-il pu le sauver de la débâcle française ? On sait seulement qu’il le cède lors d’une vente aux enchères à Paris le 27 mai 1841. Il n’est pas, dans tous les cas, rendu aux Bourbons d’Espagne après la chute de l’Empire.

Le mariage de la Vierge Marie (The Marriage of the Virgin), vers 1670, Bartolomé-Esteban Murillo (1617-1682), © The Trustees of the Wallace Collection, P14, Great Gallery.
La trajectoire du Teniers est encore plus floue. Il appartient à Joseph, roi d’Espagne. Mais on ne sait pas comment il en est devenu propriétaire. Appartenait-il aux collections royales espagnoles ou à un quelconque grand d’Espagne ? A-t-il même un rapport avec l’Espagne ? Ou Joseph, roi d’Espagne, l’a-t-il acheté à Paris ou ailleurs ? Peut-être même s’en est-il emparé à Naples ? Ce qu’on sait, c’est que le tableau passe ensuite à Anatole Demidoff. Celui-ci, un richissime collectionneur russe, n’est autre que le mari de Mathilde Bonaparte, la fille de Jérôme, et donc la nièce de Joseph. Mais c’est une autre histoire !

La femme adultère, d’après Titien (The Woman taken in Adultery, after Titian), XVIIe siècle, David Teniers le Jeune (1610-1690), © The Trustees of the Wallace Collection, P637, East Drawing Room.
Napoléon avait fait de l’oncle Fesch le premier personnage de l’Église de France. Il est le demi-frère de Madame Mère, Letizia Bonaparte. Archevêque de Lyon et Primat des Gaules en 1802, il est fait cardinal l’année suivante, avant de devenir grand aumônier de l’Empire en 1805. Cet état ecclésiastique a peut-être poussé Joseph Fesch a constituer sa collection de manière plus vertueuse que celles de son neveu et des autres dignitaires de l’Empire. Il semble que la plupart de ses tableaux aient été achetés ! Lorsqu’il meurt, le 13 mai 1839, son palais romain renferme 17 626 objets d’art et environ 16 000 tableaux. Un millier de ces tableaux sont légués à la ville d’Ajaccio et constituent le noyau du musée Fesch. D’autres vont aux Bonaparte encore en vie. Une partie est également vendue, lors de deux grandes ventes aux enchères, en 1841 et en 1845. Le 4e marquis d’Herford, père de Richard Wallace, en acquiert trois lors de la seconde vente, tenue à Rome du 17 mars au 15 mai 1845. Les voici.

Le voyage de Jacob (The Migration of Jacob), 1663, Adriaen van de Velde (1636-1672), © The Trustees of the Wallace Collection, P80, East Gallery III.

Lièvres et faisan à une fontaine avec un chien (Hares and Pheasant at a Fountain with a Dog), 1699, Jan Weenix (1642-1719), © The Trustees of the Wallace Collection, P87, Great Gallery.

La danse des saisons (A Dance to the Music of Time), vers 1634-1636, Nicolas Poussin (1594-1665), © The Trustees of the Wallace Collection, P108, Great Gallery.
