NAPOLÉON // UK // PN // WACO3

Les textes ont été rédigés par Thomas Ménard. N’hésitez pas à lui signaler toute erreur en écrivant à t.menard (a) ladpe.fr. La Wallace Collection ne saurait être tenue pour responsable du contenu de ce parcours.

Note : 5 sur 5.

Peut-être moins connu du grand public que son collègue Riesener, Adam Weisweler est toutefois l’un des ébénistes les plus remarquables de la fin de l’Ancien Régime et des premières décennies de la nouvelle Europe. Né en Allemagne en 1746, élève de David Roentgen, il s’installe en France et collabore avec plusieurs maisons renommées, notamment celle de Dominique Daguerre, marchand-mercier fournisseur de la Cour. Ce dernier lui permet de concevoir des meubles de prestige pour Louis XVI et Marie-Antoinette, mais aussi la sœur de cette dernière, Marie-Caroline, reine de Naples, ou encore le Prince Régent, futur Georges IV, ou Sophie-Dorothée de Wurtemberg, fille du prince souverain de Montbéliard et mère d’Alexandre Ier de Russie. Outre son fantasque client d’Outre-Manche, la connexion avec l’Angleterre se fait également à travers son habitude d’incorporer des plaques de porcelaines de Wedgwood dans ses précieuses pièces de mobilier. C’est le cas pour cette somptueuse table à ouvrage qui, selon un inventaire de 1807, figurait dans les appartements de l’impératrice Joséphine au palais des Tuileries. Rappelons que la raison d’être de ces meubles volants (c’est-à-dire petits, légers et facilement déplaçables) est de permettre aux dames de la bonne société de se débarrasser de leurs ouvrages de broderie ou de couture. Celui-ci, qui date des années 1786-1790, est en bois de chêne, noyer, tulipier, ébène et amarante. Les 16 camées viennent effectivement des usines de Josiah Wedgwood and Sons. On sait que le meuble est encore aux Tuileries en 1809 (il porte d’ailleurs la marque « PLS DES TUI »), mais on perd sa trace ensuite. Suit-il Joséphine à la Malmaison, à Navarre ou ailleurs après le divorce que nous avons évoqué plus haut ? Weisweler avait continué à travailler après la Révolution et à fournir les nouvelles élites. On sait qu’il collabore avec Thomire, le bronzier de l’Empereur, et a notamment pour cliente la reine Hortense, fille de Joséphine.

Quant aux deux derniers objets, ils se pourraient qu’ils revêtent un caractère historique. Selon la légende, c’est sur cette table et avec cet encrier que Napoléon et Alexandre Ier auraient signé le traité de Tilsit du 7 juillet 1807. Deux jours plus tard, le 9 juillet, Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse, l’aurait également utilisé pour acter sa reddition. Le reste de l’histoire de ces pièces est tout aussi incertaine. Si elles portent la marque de l’ébéniste Jacques Dubois (1694-1763), elles ont sans doute plutôt été réalisées par son fils, René Dubois (1737-1799). Un dessin de l’architecte et décorateur Charles de Wailly (1730-1798) laisse supposer que c’est lui qui a imaginé l’ensemble (il y a aussi une étagère, qui se fixe à l’extrémité de la table à écrire et qui est également conservée à la Wallace). Ce que l’on sait donc, c’est que, à travers les noms de Dubois et de Wailly, ces pièces font partie des plus anciens chefs-d’œuvre du style à l’Antique, ou style néoclassique, qui s’apprête à déferler sur l’Europe. Ils sont, en soi, des trésors de l’art décoratif mondial. Charles de Wailly a travaillé dans plusieurs pays européens, notamment au palais de Laeken, attribué à Joséphine après le divorce, mais aussi pour Catherine II de Russie. C’est elle qui aurait fait l’acquisition de ces pièces remarquables, avant de les offrir à son fils, Paul Petrovitch, le futur Paul Ier, et le père d’Alexandre Ier. Ce dernier les aurait donc apportées avec lui dans ses bagages, en prévision de l’entrevue avec l’empereur des Français, sur un radeau, au milieu du Niémen.