Le Palais de la Nation
Bruxelles, Belgique
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Fig. 1 – Façade sur la rue de la Loi
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants
Le Palais de la Nation à Bruxelles
Siège du parlement fédéral belge
Textes : Sophie Wittemans, Conservatrice du patrimoine artistique du Palais de la Nation.
Contribution publiée le 27 mars 2025.
Édifié à la fin du règne de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche selon des plans de Barnabé Guimard, le Palais de la Nation abrite depuis l’indépendance belge de 1830 le Sénat de Belgique et la Chambre des représentants. Son fronton (fig. 2), orné d’un bas-relief dû à Gilles-Lambert Godecharle (du moins à l’origine), montrant la Justice récompensant la vertu et punissant les vices, témoigne de sa fonction judiciaire sous les régimes autrichiens et français. Afin d’adapter l’édifice à sa fonction parlementaire en 1814, Charles Vander Straeten le dota d’un premier hémicycle (devenu celui de la Chambre et des Chambres réunies en 1830), tandis que Tilman-François Suys ajouta l’hémicycle du Sénat en 1849. Deux escaliers d’honneur y mènent depuis le péristyle.
Après un incendie dévastateur fin 1883, le péristyle (fig. 4) ainsi que l’hémicycle de la Chambre (fig. 3) furent rebâtis dans l’esprit néoclassique par Henri Beyaert, tandis que divers salons et salles de lecture recevaient une décoration néo-Louis XVI (voir Trésor 1). L’hémicycle du Sénat, préservé, avait alors déjà été décoré en style Second Empire par Léon Suys en 1863 (voir Trésor 2).
À l’avant, vers la rue de Loi, les ailes formant la Place de la Nation (fig. 1), occupées par divers organes depuis 1783, furent transformées en salons de la présidence du Sénat et de la Chambre dans la seconde moitié du XXe siècle. Ils sont, à l’instar des autres salles du Palais de la Nation et de ses dépendances, richement ornés de peintures, sculptures et tapisseries, dues au talent des artistes belges du XVIIe au XXIe siècle.
À l’arrière, vers la rue de Louvain, deux ailes ajoutées vers 1875 donnèrent naissance à une cour. En son centre, dans un jardinet, la « Fontaine des Éphèbes » de George Minne, placée en 1936, accueille aujourd’hui les visiteurs (voir Trésor 3).

Fig. 2 – Le fronton de la façade sur la rue de la Loi
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants

Fig. 3 – L’hémicycle de la Chambre des représentants
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants

Fig. 4 – Le péristyle reliant la Chambre et le Sénat
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants
UNE SÉLECTION DE TRÉSORS
La salle de lecture de la Chambre des représentants

Fig. 5 – Salle de lecture de la Chambre des représentants
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants
L’actuelle salle de lecture de la Chambre servit, depuis le régime hollandais et jusqu’en 1849, de salle des séances à la Première Chambre et au Sénat de Belgique. Située au premier étage, au milieu du corps central, ses fenêtres donnent sur la place de la Nation et, au-delà du parc, sur le palais royal de Bruxelles. Au centre de la pièce, le trumeau de la cheminée remonte en partie à 1814 et était orné, avant l’incendie de 1883, de renommées dues au ciseau de François Rude. Celles-ci furent alors refaites par Charles Fraikin (fig. 7). Plus globalement, l’architecte Henri Beyaert refit ce salon en style néo-Louis XVI après l’incendie. Il en dessina le mobilier et conçut, de part et d’autre de la cheminée, une galerie à deux niveaux, recevant de manière légèrement encastrés les portraits des présidents de la Chambre (fig. 8). Cette tradition de portraiturer les présidents des deux assemblées remonte à une initiative de 1849 du ministre de l’Intérieur Charles Rogier, qui suggéra de faire également les portraits des présidents des Chambres depuis l’Indépendance belge. En 1860, les bustes des membres du gouvernement provisoire de 1831 furent ajoutés, formant le début d’une « galerie de personnages politiques qui ont rendu des services éminents au pays ». Les portraits en pied des souverains belges ont également trouvé place dans ce salon et dans le salon des Conférences adjacent.

Fig. 6 – Salle de lecture de la Chambre des représentants
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants

Fig. 7 – Salle de lecture de la Chambre des représentants. Le trumeau de la cheminée
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants

Fig. 8 – Salle de lecture de la Chambre des représentants. Une partie de la galerie de portraits
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants
La salle des séances du Sénat

Fig. 9 – Une partie de l’hémicycle du Sénat
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants
Lorsque le visiteur entre dans la salle des séances du Sénat de Belgique, c’est d’abord le plafond doré de la coupole qui attire son attention (fig. 10). Cette dorure fut ajoutée en 1863, tout comme la couleur des blasons et des chiffres royaux sculptés, sur une coupole néoclassique blanche réalisée lors de la construction de l’hémicycle en 1849 par l’architecte Tilman-François Suys.
En même temps que cet « embellissement » chromatique, le Sénat décida d’orner le pourtour de l’hémicycle d’un lambris sculpté en acajou, présentant les portraits de personnages historiques (fig. 9). Le programme en fut établi par l’historien Joseph Kervyn de Lettenhove, la réalisation confiée au peintre tournaisien Louis Gallait, grande gloire de la peinture d’histoire de la seconde moitié du XIXe siècle. Il eut ainsi l’occasion de représenter, de gauche à droite, le groupe des « symboles de la guerre et des croisades », comprenant Pépin de Herstal, Charlemagne, Godefroid de Bouillon, Robert de Jérusalem et Baudouin de Constantinople. À leur suite, le prince-évêque Notger, Jean II de Brabant, Philippe d’Alsace, Guillaume le Bon et Philippe le Noble représentent les « princes législateurs ». Enfin Philippe le Bon appartient, avec Charles Quint, les archiducs Isabelle et Albert et l’impératrice Marie-Thérèse au groupe des « symboles relatifs aux arts et aux industries » autrement dit les « protecteurs des sciences, arts et lettres ». Lors de l’agrandissement de la salle des séances au début du XXe siècle, le Sénat commandera deux portraits supplémentaires pour son hémicycle, celui de Charles de Lorraine et de Marie-Christine.
À l’avant, au-dessus de la tribune présidentielle, du blason de la Belgique et des tribunes de la presse, se déploie aujourd’hui l’histoire des régimes successifs auxquels les Belges eurent à faire face et contre lesquels ils luttèrent, depuis la bataille des Éperons d’or de 1302 jusqu’à celle de Waterloo en 1815, en passant par les ducs de Bourgogne, Philippe II et le duc d’Albe, Louis XIV, Joseph II et la révolution brabançonne. Ces trois grandes toiles de Jacques de Lalaing remplacèrent en 1897 la toile néoclassique d’Édouard de Biefve intitulée « La Belgique couronnant la royauté ».
Sous les bustes des premiers souverains, Louise d’Orléans et Léopold Ier, du sculpteur Guillaume Geefs, deux plaques rendent enfin hommage aux 36 civils qui osèrent défier l’occupant allemand pendant la Grande Guerre et furent condamnés à mort dans l’hémicycle du Sénat par le tribunal militaire. Parmi ceux-ci, deux femmes, Edith Cavell et Gabrielle Petit.

Fig. 10 – Le plafond de la salle des séances du Sénat
© KIK-IRPA Bruxelles
La Fontaine des Éphèbes

Fig. 11 – La Fontaine des Éphèbes de George Minne
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants
Le visiteur, arrivant par la rue de Louvain au Palais de la Nation, peut découvrir derrière les grilles un petit square, entouré de réverbères. En son centre, figure depuis juillet 1936 la « Fontaine des Ephèbes » du sculpteur gantois George Minne (fig. 11).
Les cinq éphèbes furent offerts au Parlement par le comte Adrien Van der Burch, commissaire général de l’exposition universelle de 1935 à Bruxelles. Coulés en bronze à cette occasion, placés sur une fontaine de marbre, ils accueillaient les visiteurs à l’entrée du pavillon de l’Art Moderne. Le Livre d’Or de l’Exposition qualifia cette œuvre d’« introduction à l’Art Moderne, dont elle est un des chefs-d’œuvre ».
Chez Minne, le concept de l’éphèbe ou de l’adolescent agenouillé (ou en d’autres positions, porteur ou non de reliques) remonte à 1898. Il en existe plusieurs déclinaisons, tout comme il existe plusieurs versions de la fontaine : une version en marbre au musée Folkwang à Essen en Allemagne, une version en bronze disposée sur un bassin en basalte noir à Gand et la version du parlement, en bronze sur un bassin en pierre bleue. La version originelle en plâtre, que l’artiste conserva pendant toute sa vie dans son atelier, se trouve actuellement au musée des Beaux-Arts de Gand.
George Minne aurait aimé que sa fontaine fut installée sur la Place de la Nation, rue de la Loi. Des essais furent faits à l’aide d’un gabarit, qui démontra que cette localisation ne la mettait nullement en évidence. Une commission d’avis, composée de Questeurs du Sénat et de la Chambre, décida alors de la placer à l’arrière, au milieu d’un jardinet aménagé à cette occasion.
Les éphèbes firent dès lors écho aux personnages du grand vase monumental (fig. 12) de bronze que Charles Brunin, sculpteur d’origine montoise, réalisa pour la balustrade de la terrasse arrière du parlement, après avoir gagné un concours à cet effet en 1879. Haut de 2,25 m, ce vase présente à l’avant les figures allégoriques de la Royauté, du pouvoir législatif et de la Justice, autour desquels se meuvent, en direction d’une urne de vote, une vingtaine de citoyens, souvent des ouvriers. Réalisé en bronze par les ateliers Luppens, il a été placé en janvier 1883. Son socle a été dessiné par l’ornemaniste Georges Houtstont, qui conçut également les réverbères du square de Louvain, légèrement antérieurs.
Reste enfin sur ce square, le fronton rectangulaire au lion Belgique, portant la devise « L’Union fait la force », probablement conçu vers 1875-1880 et peut-être confié au même sculpteur Houtstont, mais à propos duquel aucune documentation ni archive ne semble exister.

Fig. 12 – Le vase monumental de Charles Brunin
© Sénat de Belgique & Chambre des représentants
