Apparition de saint François au Chapitre d’Arles, par Fra Angelico
Gemäldegalerie
Berlin, Allemagne
www.smb.museum

Fra Angelico, Apparition de saint François au Chapitre d’Arles, vers 1429
Tempera sur bois de peuplier, 27.5 x 31.5 cm
Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie, cat. no. 62
© Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie
Christoph Schmidt Public Domain Mark 1.0
Texte : Neville Rowley, conservateur des collections italiennes anciennes, Gemäldegalerie, Staatlichen Museen zu Berlin.
Traduction : Thomas Ménard.
N.B. : les textes originaux sont tirés du catalogue de l’exposition Donatello. Inventeur de la Renaissance proposée par les musées de Berlin en 2022.
Contribution publiée le 30 mai 2025.
Cette scène provient de la partie inférieure (ou prédelle) d’un retable peint à la fin des années 1420 par Fra Angelico pour la Compagnia di San Francesco, une fraternité religieuse qui se réunissait dans la basilique de Santa Croce à Florence. Le registre principal du retable se composait d’un triptyque gothique, représentant la Vierge à l’Enfant entourée de quatre saints ; il est aujourd’hui conservé au Museo di San Marco de Florence (les panneaux latéraux, gravement endommagés, proviennent de la Chartreuse de Galuzzo, d’où le nom apocryphe de polyptyque de Certosa souvent donné à l’œuvre). La prédelle raconte les épisodes de la vie de saint François, protecteur des Frères mineurs de Santa Croce. Trois d’entre eux se trouvent aujourd’hui à la Gemäldegalerie de Berlin, dont la Rencontre entre saint François et saint Dominique, une scène qui n’a probablement jamais eu lieu mais que Fra Angelico, lui-même frère de l’Observance dominicaine, a dû considérer comme un sujet nécessaire dans le cadre d’une commande franciscaine.
L‘Apparition de saint François au Chapitre d’Arles raconte comment, au cours d’une assemblée de l’Ordre franciscain présidée par saint Antoine de Padoue dans la cité provençale, « un certain moine de vertu approuvée, nommé Monaldus, jetant les yeux par inspiration divine sur la porte de la salle capitulaire, vit, de ses yeux corporels, le bienheureux François qui s’élevait dans les airs, bénissant les frères, les mains étendues en forme de croix » (saint Bonaventure). À l’instar de Giotto, qui avait peint à fresque la scène un siècle plus tôt dans la chapelle Bardi de la même église florentine de Santa Croce, Fra Angelico ne se soucie pas de suivre le récit sacré. Ce n’est pas un, mais pas moins de quatre frères qui admirent avec étonnement le petit saint François flottant dans les airs, porté par un nuage sur lequel sont inscrites les paroles du Christ « PAX VOBIS » (Que la paix soit avec vous). L’un des frères, au premier plan à droite, s’est endormi sur son banc, tandis qu’un autre quitte la scène à gauche (il a parfois été identifié comme étant saint Antoine lui-même).
Ce dernier détail accentue l’impression spatiale du panneau, comme si la scène se poursuivait au-delà du cadre peint. Bien que de telles idées soient déjà présentes dans les créations de Giotto, c’est Donatello qui les développe dans ses reliefs des années 1420, et en particulier dans sa Flagellation, autrefois à Berlin et maintenant à Moscou, qui ouvre également un espace en profondeur au-delà des personnages. L’ensemble du dispositif perspectiviste, tel qu’il était compris par Donatello dans les années 1420, est ici adapté avec une grande efficacité par Fra Angelico : le peintre souhaite surtout créer un espace pour raconter l’histoire sacrée. La construction géométrique est encore imparfaite, ce qui était déjà le cas de la niche de la Madone Pazzi de Donatello, aujourd’hui à Berlin (voir ici). Le point de fuite se trouve à peu près à l’endroit où le saint est apparu miraculeusement. La sensibilité lumineuse, quant à elle, appartient pleinement à Fra Angelico, transmettant une dimension surréaliste à la scène. En fait, le panneau peut être considéré comme l’une des premières scènes nocturnes de l’histoire de la peinture moderne.
Bibliographie
Berlin 2005
Geschichten auf Gold. Bilderzählung in der frühen italienischen Malerei, exh. cat. ed. by Stefan Weppelmann (Berlin, Gemäldegalerie), Cologne/ Berlin 2005.
Henderson, Joannides 1991
John Henderson and Paul Joannides, ‘A Franciscan Triptych by Fra Angelico’, in: Arte Cristiana, n.s., 79, 1991, pp. 3–6.
