TRÉSOR DE PEINTURE # 16

Note : 5 sur 5.

Texte : Tony Fouyer, Directeur du musée et parc Buffon, Montbard
Docteur en archéologie, chercheur associé à l’UMR 6298 ARTEHIS

François-Hubert Drouais, dit Drouais le fils (1727-1775), est l’un des peintres français les plus célèbres du XVIIIe siècle. Formé par son père avant de rejoindre les ateliers de Nonotte, de Vanloo, de Natoire et de Boucher, il se spécialise dans l’art du portrait. Principalement connu pour sa représentation de la marquise de Pompadour, réalisée en 1763-1764 et aujourd’hui conservée à la National Gallery de Londres, il est agréé à l’Académie dès 1755 et se fait rapidement remarquer au Salon. Il entame sa carrière de peintre à la Cour en 1758 et réalise, dès lors, des portraits de la famille royale et de ses invités les plus prestigieux. Apprécié pour sa capacité à idéaliser son modèle, à qui il donne un teint proche de celui de la porcelaine, il y réalisera de nombreux portraits, notamment féminins et enfantins.

Le portrait de la comtesse de Buffon, conservé au musée et parc Buffon depuis 2008, fait partie des réalisations du peintre. Exposé au Salon de 1761, cette œuvre était présentée en miroir du portrait de son époux le comte de Buffon, George-Louis Leclerc. La comtesse est représentée debout, le corps légèrement tourné vers la gauche, le visage de face. Elle est installée à côté d’une console – positionnée le long d’un mur mouluré – sur laquelle deux livres sont posés. Sa chevelure argentée, tirée en arrière, est agrémentée d’une aigrette et de fleurs des champs. Elle porte un tour de cou en coquillage de nacre et de perles et est habillée d’un manteau de satin marron glacé à pois, brodé de vison. Ses mains sont cachées dans un manchon de même fourrure. L’encolure et les manches du manteau sont garnis d’une dentelle finement ciselée et agrémentée de motifs floraux. Ce tableau, réalisé deux ans avant le portrait de la marquise de Pompadour, montre déjà l’intérêt de François-Hubert Drouais pour les textures. Usant de jeux de lumière, il révèle les textiles et met parfaitement en lien les parures et leurs porteurs – la nacre, produit de luxe, la dentelle et les petites fleurs entrent en résonance avec la comtesse et soulignent sa douceur, sa délicatesse, sa préciosité.

François-Hubert Drouais n’est pas connu pour présenter la psychologie des individus qu’il représente. Pourtant, la quiétude qui se dégage de l’œuvre semble correspondre à l’image qui est donnée de la comtesse par la correspondance de son époux. Marie-Françoise de Saint-Belin-Malain est une femme discrète, douce et généreuse. Sa représentation contraste, aussi, avec celle du comte de Buffon, dans laquelle on reconnaît l’esthète déterminé qui nous est décrit par ses contemporains. À l’heure de la mort précoce de son épouse, à l’âge de 37 ans, le comte est pourtant ébranlé. Son besoin d’évasion l’invite à regarder vers le ciel et à « caresser » les oiseaux. Ce portrait, l’un des rares documents illustrant la comtesse de Buffon, offre un témoignage inestimable de cette femme de l’ombre et laisse entrevoir les qualités humaines dont elle disposait.