Un dormant en faïence
Abbaye de Belleperche – Musée des Arts de la Table
Cordes-Tolosannes, France
www.belleperche.fr
🇫🇷

Dormant, France, Saint-Clément ou Lunéville, vers 1765-1775
Faïence stannifère à décor peint, L 26,5 ; H. 25,5 / 26
Musée des arts de la table / CD 82. Inv. AT.2025.13.1
© Musée des arts de la table. Photo Jean-Michel Garric
Texte : Jean-Michel Garric, chef de service, Abbaye de Belleperche – Musée des Arts de la Table.
Ce dormant architecturé sur base plate, d’esprit rocaille, se compose de trois supports cambrés reposant sur des socles et terminés en volutes. Ils soutiennent une plate-forme cernée de balustrades et de dés qui supportaient à l’origine des boules ou de petits vases dont ne subsiste que le pied.
Le cuisinier Menon, en 1768, a donné une bonne définition du dormant : « On appelle dormant : ce qui se met au commencement du repas dans le milieu des tables, avec les services de cuisine, & qui reste, si l’on veut, jusqu’à la fin du repas. Il y en a de plusieurs façons, les uns montés sur des jattes, d’autres sur des plateaux de bois : il faut les décorer & avoir soin d’y mettre des gobelets pour mettre des bigarades & des citrons ». Le dormant était donc un décor de centre de table dont la forme, les dimensions et les matériaux qui le constituent sont variables à l’infini selon les goûts et les moyens de chacun et qui reste en place durant tout un repas. La définition qu’en donne Menon place le dormant dans la tradition des pyramides du XVIIe siècle. On construisait un édifice de plateaux de bois peints ou habillés de textile, sur lesquels on agençait des bols, des gobelets, des coupelles, des supports de hauteurs variables comme les gobichons (voir un exemple ici), des jattes, en porcelaine ou en verre. En général, une coupe plus grande occupait le centre de la composition, entourée de récipients plus petits, posés en équilibre les uns sur les autres. Le tout était garni de fruits au naturel ou confits, entiers, en quartiers… Les fleurs fraîches y tenaient un grand rôle. Les fruits disposés sur le dormant pouvaient être consommés au dessert, mais certains n’étaient là que pour le coup d’œil.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, alors que le type de décor décrit par Menon se démode peu à peu, le dormant devient une pièce centrale en orfèvrerie ou en céramique, et il s’agit souvent d’une architecture en modèle réduit. Notre spécimen en faïence de l’Est pouvait aussi bien être placé sur une table avant le début du repas qu’apparaître seulement au dessert. La galerie supérieure semble propre à recevoir quelques citrons et bigarades, dont le jus, exprimé à volonté par les convives qui le souhaitaient, assaisonnait et relevait les viandes rôties.
Le nom « dormant » était aussi donné au plateau sur lequel venait reposer un pot à oille ou une terrine. Au moment du relevé, le pot à oille était enlevé et un plat posé sur le dormant, qui ne bougeait donc pas.
Ancienne coll. du docteur Chompret (1869-1956), ancienne coll. Jean Nicolier (vente à Paris, Tajan, 28 mars 1995, n° 167)
Bibliographie: Guillemé-Brulon (Dorothée) & Dauguet (Claire), Faïences françaises, Paris, Éditions de l’Ilustration, Baschet & Cie, 1988, p.174 (rep.).
