Assiette aux armes de la famille Van Gellicum
Abbaye de Belleperche – Musée des Arts de la Table
Cordes-Tolosannes, France
www.belleperche.fr
🇫🇷

Porcelaine peinte et dorée, Jingdezhen, Chine, vers 1730
D. 22,8
Musée des arts de la table / CD 82. Inv. 2011.27.1
© Musée des arts de la table. Photo Jean-Michel Garric
Texte : Jean-Michel Garric, chef de service, Abbaye de Belleperche – Musée des Arts de la Table.
Pionniers dans l’organisation du commerce avec la Chine au XVIIe siècle, les Hollandais ont rapidement dominé le marché de l’importation des porcelaines, même si ce matériau ne constituait pas la part principale des cargaisons sur les navires. C’est ce que nous appelons « porcelaines de la Compagnie des Indes » ou « Chine de commande ». Une branche non négligeable de ce secteur commercial fut constituée par les services armoriés destinés à la table, au dessert, au thé, au chocolat et au café, spécialement fabriqués pour le marché européen à Jingdezhen, capitale chinoise de la porcelaine de nos jours encore. La Grande-Bretagne s’en est montrée friande jusqu’au début du XIXe siècle, avec un total de quatre à cinq mille services armoriés. L’engouement pour ce matériau et ce type de décor y était très fort et la clientèle bourgeoise beaucoup plus nombreuse qu’en France. Les Français étaient moins tournés vers le commerce maritime international, la bourgeoisie à fort pouvoir d’achat y était restreinte et l’aristocratie refusait, par convention sociale, l’implication directe dans les activités commerciales. Les plus riches consommateurs demeuraient très attachés à la platerie en argent, puis se mirent à la faïence. Aussi, en France, n’a-t-on commandé que moins de cinq cents services armoriés en porcelaine de Chine. Encore s’est-il agi de commanditaires de la haute aristocratie, le dauphin fils de Louis XIV, le jeune roi Louis XV, des familles princières, ducales, des marquis, des comtes…
En Hollande, on évalue à environ sept cents les services armoriés venus de Chine. Les commanditaires étaient des officiers ayant navigué sur les navires de commerce et des familles de la grande bourgeoisie marchande en lien avec la Compagnie des Indes Orientales créée en 1602. Posséder un service composé de nombreuses pièces et transmis par héritage était un élément d’affirmation de l’identité familiale, mais il faut aussi tenir compte du goût récent et important de l’époque pour la porcelaine de table et les services coordonnés. En outre, l’aspect esthétique n’est pas négligeable : les pièces ainsi décorées, parfois avec une grande richesse de motifs et de couleurs, étaient exposées dans des vitrines ou sur des étagères lorsqu’on ne les utilisait pas. La démonstration d’aisance économique allait de pair avec l’expression symbolique du groupe familial au travers des armoiries, comme en France on alignait les écus et les portraits d’ancêtres, garants de la position sociale d’une lignée.
Les premiers services armoriés exécutés pour la Hollande datent des années 1680-1710, avec huit services répertoriés durant cette période. La vogue augmente après 1720 pour atteindre son apogée dans la décennie 1740. Une décrue s’amorce ensuite, conséquence de l’essor de la porcelaine européenne puis de la faïence fine. Le dernier service commandé en Chine pour la Hollande le fut peu après 1800. Jusque vers 1730, les pièces sont décorées dans des styles strictement chinois. Notre assiette appartient à cette période qui a vu se mêler le camaïeu bleu, les émaux de la famille verte, le rouge de fer et l’or, et, en l’occurrence, le décor de type Imari bleu et rouge, adapté en Chine d’après les modèles japonais. Sept services hollandais seulement ont été réalisés en Imari. Il s’agit ici du service « Van Gellicum 1 », qui comprenait plus de cent assiettes et, semble-t-il, aucune pièce de forme ni aucun plat.
Selon le docteur Jochem Kroes, qui a étudié plus de quatre cents services hollandais, la famille Van Gellicum comptait deux branches. Plusieurs de ses membres pourraient avoir commandé cet ensemble. Le plus probable serait Hermanus Van Gellicum, qui vivait à Amsterdam au milieu du XVIIIe siècle et dont on sait qu’il fut quartier-maître sur des navires de la Compagnie des Indes Orientales entre 1728 et 1736. Des sept services hollandais connus en style Imari, celui-ci n’est certes pas le plus beau, car la qualité des peintures rehaussées d’or y est assez faible. Les caractères de l’objet, une pâte grisâtre, la bordure cernée de brun et même la forme de l’assiette, correspondent aux critères esthétiques des pièces importées par la Hollande jusqu’aux années 1730, mais pas au-delà. Ce premier service Van Gellicum (le second, de peu postérieur, étant de meilleure qualité) comportait trois diamètres d’assiettes : 22,5 cm, 35,5 cm et 38 cm. Malgré quelques millimètres supplémentaires, notre assiette appartient à la première série.
