RÉSIDENCE # 01/02

Gisant dit de Rolland de Dinan
Musée de Dinan
Dinan, France
www.dinan.fr

🇫🇷

Gisant dit de Rolland de Dinan, 1220
Granit de Kérinan (carrière proche de l’abbaye de Beaulieu), 221 x 54 cm
Coll. Musée de Dinan (n°1961.173)
Œuvre acquise en 1848 (par le conservateur Luigi Odorici) © Ville de Dinan

Texte : Elsa Le Borgne, médiatrice culturelle, musée de Dinan.

Les premiers gisants apparaissent en Europe au XIIe siècle. Les gisants sont des statues sculptées dans la pierre, qui reproduisent en taille réelle les corps allongés des seigneurs défunts. Cet art funéraire témoigne de la volonté, très forte chez les élites, de se souvenir des disparus. À la fin du XIIe siècle, dans le contexte des croisades, les chevaliers sont perçus comme les défenseurs de l’Église. Les gisants armés apparaissent un peu partout dans les sanctuaires. Le gisant de Rolland de Dinan figure parmi les plus anciens gisants armés de France. Le musée de Dinan abrite une collection de sept gisants datés du XIIIe au XVe siècle.

Fils d’Alain de Dinan, Rolland de Dinan hérite des terres de son père, à sa mort en 1157. Il devient seigneur de Dinan-sud, de Léhon et de Bécherel. À cette époque, la Bretagne est rattachée à l’empire Plantagenêt, qui s’étend des Pyrénées au royaume d’Angleterre, sous le règne d’Henri II Plantagenêt. En 1167, plusieurs seigneurs bretons, dont Rolland de Dinan, se soulèvent contre l’autorité d’Henri Plantagenêt. Pour contrer cette révolte, Henri II ravage les possessions de Rolland de Dinan. Il s’empare de Bécherel, en 1168. Il ruine le château de Léhon, en 1169. Quatre ans plus tard, en 1173, Henri II nomme Rolland de Dinan régisseur du duché et Grand Justicier de Bretagne pour apaiser la situation. C’est dans le contexte de ce retour au calme politique que Rolland de Dinan fonde l’abbaye Notre-Dame de Beaulieu à Languédias. Lorsqu’il meurt en 1186, son corps est inhumé dans l’église de l’abbaye de Beaulieu. Son neveu, Alain de Vitré, hérite de tous ses biens.

En 1220, Gervaise de Dinan, petite-nièce et héritière de Rolland de Dinan, rend hommage à son grand-oncle en commandant la réalisation d’un gisant monumental. En effet, les armoiries sculptées sur le bouclier sont celles de Dame Gervaise. Le gisant est ensuite installé dans la chapelle de l’abbaye de Beaulieu, à Languédias. Ce gisant, de très belle facture, confirme la présence d’un atelier local de grande qualité. Il est conçu en granit de Kérinan, issu d’une carrière proche de l’abbaye de Beaulieu. Le grand réalisme et la finesse des détails, notamment dans la représentation de l’équipement militaire, prouve la haute qualification des sculpteurs travaillant dans cet atelier. L’extrême raffinement dans l’exécution des chausses de fer et des gantelets montre une grande maîtrise.

Les pieds de Rolland de Dinan reposent sur un lion. Cet animal exotique, découvert par les seigneurs occidentaux lors des croisades, prend peu à peu la place de l’ours dans les représentations symboliques. En effet, ces deux animaux sauvages incarnent la force et le courage. Le visage de Rolland de Dinan est celui d’un homme paisible, au repos. Il est représenté avec les yeux grands ouverts, pour montrer qu’il ne craint pas la mort. Il pose sa main droite sur son cœur, en signe de générosité et de dévouement. Il s’agit d’une représentation idéalisée, d’un homme digne face à la mort et d’un seigneur courageux, prêt à défendre son pays.

Après avoir reposé pendant des siècles dans l’abbaye de Beaulieu, le gisant de Rolland de Dinan est transféré à Saint-Brieuc, avant d’être octroyé par le Département des Côtes-d’Armor à la Ville de Dinan en 1848. Le gisant rejoint alors la salle du rez-de-chaussée de l’Hôtel de ville, qui abritait le musée de Dinan. En 1908, le musée de Dinan est transféré au château. Le gisant de Rolland de Dinan y est déplacé. Il y restera jusqu’en 2018, date à laquelle il est à nouveau transféré, cette fois dans la basilique Saint-Sauveur où il repose toujours aujourd’hui, dans le bas-côté nord.

[NDLR : un contenu sur la basilique Saint-Sauveur de Dinan est disponible dans notre série de « Trésors d’églises ».]

Détail du Gisant dit de Rolland de Dinan, 1220
Coll. Musée de Dinan © Ville de Dinan

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