Cabinet de travail de Buffon
Musée & parc Buffon
Montbard, France
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🇫🇷

Vue intérieure du cabinet de travail
© Musée & parc Buffon, Montbard
Texte : Alicia Leclercq, agent d’accueil et de médiation, musée & parc Buffon, Montbard.
Georges-Louis Leclerc de Buffon hérite à sept ans d’une énorme somme d’argent de la part de son parrain et grand-oncle maternel. Son père utilise cet argent pour acquérir les droits sur le château de Montbard, ancienne place forte des ducs de Bourgogne, qui surplombe la demeure familiale des Leclerc. Une fois adulte, Buffon transforme le château en de fantastiques jardins en terrasse. Il ne conserve de l’ancienne construction que les remparts et deux des tours. À la place, il fait construire près de l’une des entrées un petit pavillon pour y installer un cabinet de travail ou « d’étude ». Composé d’une seule pièce à deux entrées, c’est aujourd’hui le seul bâtiment datant du XVIIIe siècle dans le parc.
L’éperon rocheux sur lequel il se trouve offrait à Buffon une vue dominante sur la vallée, un air plus pur que celui qu’il respirait à Paris, mais aussi et surtout un isolement bienvenu, loin de la frénésie de la capitale ou même de sa maisonnée. Cette volonté de solitude se traduit aussi dans le cabinet par une absence de fenêtres du côté des jardins. Cela permettait à Buffon de se concentrer pleinement sur ses travaux sans être déconcentré par les évènements au dehors, dans un parc où les allées et venues des jardiniers devaient être permanentes. Les fenêtres surplombant les remparts à l’ouest permettaient quant à elles une belle luminosité en hiver, tandis que Buffon préférait se retirer en été dans une de ses tours médiévales située à l’est.
Le sol, les lambris, la cheminée, même les verres coulés des vitres sont encore d’origine. Seul le décor est une copie, installé en partie à partir de l’inventaire après décès de Buffon, puisque la majeure partie de ses biens a disparu ou a été vendu lors de la Révolution française. Le cabinet est d’ailleurs appelé « Museum » dans l’acte de vente de novembre 1794. Mme Blesseau, sa gouvernante, tout comme l’auteur Hérault de Séchelles, nous fournissent une description détaillée de ce qu’il contenait aux environ de sa mort en 1788. On y compte ainsi, entre autres, un grand fauteuil recouvert de tapisseries, une table de marbre, deux glaces murales, deux paravents, un portrait d’Isaac Newton, un lit de repos ainsi qu’un grand assortiment de dessins à la plume d’oiseaux, de quadrupèdes, de reptiles ou d’insectes.
Mais l’élément le plus impressionnant du cabinet reste certainement les quelques 87 estampes aquarellées (aujourd’hui plus de 200) de l’Histoire Naturelle des Oiseaux qui en recouvraient les murs. Réalisées par le graveur et dessinateur François-Nicolas Martinet, elles rappellent l’usage véritable du lieu, qui accueillit Buffon et son secrétaire lors de la rédaction d’une grande partie des 36 volumes de son Histoire naturelle, générale et particulière.
C’est devant ce cabinet que Jean-Jacques Rousseau, de voyage à Montbard en 1771 et vêtu en arménien, ce serait agenouillé pour rendre hommage au naturaliste qu’il admirait. À sa suite, de nombreuses personnalités viendront rendre hommage à Buffon en visitant le pavillon. On peut citer parmi d’autres Stendhal en 1811, ainsi que l’empereur de Russie Alexandre Ier et le roi Frédéric-Guillaume de Prusse en 1814 alors même qu’ils procèdent à l’invasion de la France… Des sources racontent aussi que le poète Alfred de Musset y inscrivit sur une des boiseries ces vers :
Buffon, que ton ombre pardonne,
À ma témérité
D’ajouter une fleur à la double couronne
Que sur ton front mis l’immortalité.
De chanter un talent dont s’honore la France
Si ma muse n’a le pouvoir
Elle peut être au moins l’écho de la science
En disant qu’Aristote avait moins de savoir,
Pline surtout moins d’éloquence.
Ces arbres, ces jardins, cette tour, ce beffroi,
Rappellent à l’esprit ton génie admirable ;
Ici j’aurai du moins laissé mon grain de sable
Sinon des vers dignes de toi.
Ces lignes auraient été ensuite re-gravées par le comité chargé du centenaire de la naissance de Buffon. Elles sont malheureusement perdues aujourd’hui.
Lors de la mort de la dernière comtesse de Buffon Élisabeth-Georgette Daubenton, en 1852, cette pièce n’est plus utilisée que pour servir de débarras d’appoint pour les jardiniers. On y trouve bancs, outils, et même un drapeau tricolore. Lorsque le parc est racheté par la ville en 1885, le cabinet de travail de Buffon est petit à petit réhabilité pour servir de lieu d’exposition. Il est classé « Monument Historique » en 1947 et restauré presque entièrement en 1994.

Cabinet de travail, vue de l’extérieur, gravure visible dans l’ouvrage
de Marie-Jean Hérault de Séchelles (rééd. J.-B. Noellat),
Voyage à Montbard et au chateau de Buffon, fait en 1785, Paris, Audin, 1828.
Coll. Musée Buffon © Musée & parc Buffon, Montbard
