RÉSIDENCE # 03/02

🇫🇷

Le paon, planche n°433, François-Nicolas Martinet, Histoire naturelle des oiseaux
© Musée & parc Buffon, Montbard

Note : 5 sur 5.

Texte : Alicia Leclercq, agent d’accueil et de médiation, musée & parc Buffon, Montbard.

L’Histoire naturelle, générale et particulière

L’année 1739 marque un tournant dans la vie du savant Georges-Louis Leclerc de Buffon. Après quelques années à gravir les échelons de l’Académie royale des sciences de Paris, d’abord dans le domaine de la physique des matériaux puis de la botanique, il est nommé à 32 ans seulement Intendant du jardin et du cabinet d’Histoire naturelle du roi. La même année, il reçoit une requête de Louis XV, celle de rédiger un catalogue des collections royales d’histoire naturelle.
Ce n’est que dix ans plus tard que le Journal des Savants annonce finalement la publication de l’ouvrage et la sortie de ses trois premiers volumes, bien différents de ce qui était attendu. C’est le début de l’aventure d’une vie, celle de l’Histoire naturelle, générale et particulière, une véritable encyclopédie de la nature.
À l’origine, Buffon prévoit un travail en 15 volumes, traitant de l’entièreté des créations de la Nature, des hommes aux animaux en passant par les végétaux et les minéraux. À sa mort, en 1788, l’Histoire naturelle représente finalement 36 volumes de descriptions, de gravures et de discussions, portant sur l’histoire naturelle de l’homme, des quadrupèdes, des oiseaux et des minéraux. Cette quantité s’explique également par un certain nombre de textes et d’informations – 7 volumes au total, appelés Suppléments – que l’auteur complète ou modifie au fur et à mesure des années et des avancées scientifiques. Le travail est ainsi loin d’être achevé malgré les nombreux collaborateurs dont le savant s’est entouré, comme Louis Jean-Marie Daubenton, Guéneau de Montbeillard ou le comte de Lacépède.
Au-delà du contenu scientifique à proprement parler, l’Histoire naturelle est un outil de propagande politique marqué du sceau de l’Imprimerie royale. Il est l’ouvrage le plus répandu au siècle des Lumières aux côtés de l’Encyclopédie de Diderot. On le trouve traduit dans toutes les bibliothèques d’Europe et même bien au-delà, dans un nombre impressionnant de formats, de versions, de reliures, avec des illustrations en couleur ou en noir et blanc. On utilise pour son impression un papier spécifique, filigrané à la fleur de lys et couronne royale pour les estampes, ou encore une typographie dédiée, la Romain du Roi.
Une armée d’ouvriers, de graveurs et de coloristes occupe les presses de l’Imprimerie royale pendant plusieurs décennies. L’impression du seul tome XVIII consacré aux oiseaux nécessite l’utilisation de 1 256 000 signes et six mois de préparation. De même, la place réservée à l’image n’a jamais été aussi importante que dans l’Histoire naturelle. On compte ainsi un total de 2 183 planches de cuivre gravées : 1 portrait, 2 frontispices, 32 vignettes bandeaux pour les têtes de volume, 1 098 planches et 3 cartes pour les éditions in-4 et 1 008 planches dont 973 oiseaux et 35 animaux divers pour l’édition in-folio des Oiseaux enluminés. Ces illustrations sont l’œuvre principale des graveurs Jacques de Sève (dates inconnues) et François-Nicolas Martinet (1731-1800 ?). Il aura fallu près de 40 ans à Buffon pour publier ces 36 volumes. On comprend plus facilement dès lors que selon lui le « génie n’est qu’une plus grande aptitude à la patience ».

Le chameau, planche n°XXII, Jacques de Sève, Histoire naturelle
© Musée & parc Buffon, Montbard