TRÉSOR DE TABLES # 01

Le déjeuner d’huîtres, Jean François de Troy, 1735
Toile ; Peinture à l’huile ; Hauteur en cm : 180 ; Largeur en cm : 126
Musée Condé, Château de Chantilly
© RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly – Harry Bréjat

Note : 5 sur 5.

Texte : Musée Condé, Château de Chantilly

Ce tableau fut commandé en 1735 à Jean-François de Troy par le roi Louis XV pour la première salle à manger des petits appartements de Versailles, où le roi déjeunait dans l’intimité, souvent au retour de la chasse ; le pendant était Le déjeuner de jambon de Nicolas Lancret. Le tableau fut payé 2 400 livres en 1738. Les deux peintures de Jean-François de Troy et Lancret furent saisies pendant la Révolution et entrèrent dans les musées nationaux ; sous la Restauration, Louis-Philippe, duc d’Orléans, les réclama, affirmant à tort qu’ils provenaient du Régent son ancêtre, à cause de la livrée rouge arborée par un des gentilshommes, qui était la couleur de l’habit de la maison d’Orléans ; ces tableaux ne peuvent provenir du Régent, mort en 1723, et il est difficile d’y voir des portraits de contemporains, comme le roi l’affirmait à son fils le duc d’Aumale, qui se désolait d’avoir oublié leurs noms. Les deux pendants furent acquis avant la vente des biens de Louis-Philippe en 1857 par le duc d’Aumale.

Jean-François de Troy nous livre des informations sur les manières de table au premier tiers du XVIIIe siècle : vaisselle d’argent massif, rafraîchissoirs, porcelaines, salières, etc.
Ces gentilshommes dégustent des huîtres, servies avec de l’ail, du beurre, du sel et du poivre. On en raffolait au XVIIIe siècle ; les écaillers ambulants les vendaient dans leur coquille, faisant résonner Paris de leurs cris. Les huîtres dites « de chasse » arrivaient au contraire de la côte débarrassées de leur coquille et transportées avec rapidité par les « chasse-marées » ; passant moins de temps en route, elles étaient réputées meilleures. On les mangeait par centaines ; Henri IV, dit-on, en mangeait trois cents à son dîner. Les soupers d’huîtres étaient alors fort prisés dans les milieux aristocratiques. Selon une coutume populaire attestée dès le XVIe siècle dans des ouvrages médicaux, l’huître était tenue pour un aphrodisiaque puissant. Cette croyance a été mise en rapport avec le fait que le tableau de Jean-François de Troy ne représente que des hommes. Cependant, le tableau était destiné à une salle à manger dite des « retours de chasse » – la première salle à manger spécifique de Versailles car, auparavant, la table était dressée dans n’importe quelle salle – où les soupers ne comptaient qu’une quinzaine de chasseurs, auxquels se joignirent quelques dames à partir de 1738.
Au milieu de la pièce, la table ronde (pour favoriser l’absence d’étiquette) est encore formée de planches posées sur de simples tréteaux ; elle était prévue pour dix-sept couverts. Les chaises étaient cannées, la vaisselle d’argent. Les bouteilles sont posées sur la table, les verres figurent devant chaque convive dans des rafraîchissoirs individuels en porcelaine de Chine ou du Japon. La table servante au premier plan contient des bacs remplis de glace pour rafraîchir les bouteilles, ses côtés sont munis de tablettes pour supporter les assiettes. C’est le premier tableau où apparaît le champagne, peu après l’invention de la champagnisation par Dom Pérignon à la fin du XVIIe siècle ; les domestiques à gauche suivent des yeux le bouchon qui saute au niveau de la colonne de marbre.

Note : 5 sur 5.

Le déjeuner de jambon, Nicolas Lancret, 1735
Toile ; Peinture à l’huile ; Hauteur en cm : 188 ; Largeur en cm : 123
Musée Condé, Château de Chantilly
© RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-René Gabriel Ojéda

Note : 5 sur 5.

Texte : Musée Condé, Château de Chantilly

Le 20 janvier 1738, Lancret reçut 2.400 livres pour le tableau peint pour la salle à manger des petits appartements du roi Louis XV à Versailles en 1735. Ce tableau commandé pour Versailles fut réclamé en 1817 par Louis-Philippe comme un bien venant de sa famille et fut envoyé à Eu où il se trouvait en 1826 avec son pendant ; le duc d’Aumale, lorsqu’il faisait visiter sa collection, ne manquait pas de rappeler que les personnages reproduisaient les traits de personnages de l’époque ; il regrettait de ne pas se souvenir de leurs noms : « Mon père, disait-il, les connaissait, et quand j’étais enfant, il me les nommait mais maintenant je les ai oubliés et personne ne redira plus leurs noms ».
Une réduction commandée par La Live de Jully (musée des Beaux-Arts de Boston) comporte quelques variantes par rapport à l’original du musée Condé : statue de satyre remplacé par une urne, motif complexe des assiettes remplacé par un simple filet, table ovale devenue rectangulaire.
Le thème du goûter de chasse tient une place privilégiée dans l’œuvre de Lancret. Louis XV, qui appréciait particulièrement ses scènes de genre, lui en commanda à plusieurs reprises. Lancret fut l’un des seuls peintres de genre à recevoir des commandes régulières, et contribua ainsi à réhabiliter la peinture de genre. Il a pratiquement inventé le genre du repas de chasse pour répondre à la passion de Louis XV pour la chasse. Le roi, par la suite, commanda plusieurs œuvres sur ce thème à d’autres artistes, comme Carle Van Loo ou Jean-François de Troy en 1737 pour Fontainebleau (Paris, Musée du Louvre). Le musée du Louvre a acquis en 1990 un Repas au retour de la chasse par Nicolas Lancret, antérieur de dix ans au tableau de Chantilly, qui provient de la collection du marquis de Béringhen.

Note : 5 sur 5.

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